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IA et éducation… en Espagne

6 décembre 2024 par Colin de la Higuera Coopérer 714 visites 0 commentaire

Un article repris de https://chaireunescorelia.univ-nant...

La France a une démarche politique concernant l’introduction de l’IA à l’école. À la Chaire, nous avons eu la possibilité de discuter avec les député·es en février et les sénateurs en juillet. Le 11 juin, nous devions même animer un atelier « IA et pensée critique » à l’Assemblée nationale, mais cet événement a été annulé faute de combattant·es (la dissolution ayant été prononcée le 9). À la Chaire, nous avons beaucoup travaillé avec la DNE (Direction du numérique pour l’éducation) et continuons à le faire. En particulier, nous pilotons aujourd’hui le GTnum GenIAL.

Mais ce serait une erreur de ne pas regarder ce que font les autres !

Lors du sommet de l’ASEF (la Fondation Asie-Europe) à Manille, du 11 au 15 novembre, enseignant·es de nos deux continents ont échangé sur le thème de l’IA. Et avoir l’avis de l’Estonie et de Singapour, deux des champions réguliers du classement PISA, est tout à fait pertinent. Les approches pour introduire l’IA diffèrent terriblement entre un pays qui a misé depuis longtemps sur un enseignement marqué de la technologie et un autre ultra centralisé où le ministère joue un rôle central de coordination. Ah, j’ai failli oublier… dans les deux cas, on paye bien les enseignant·es.

Mais intéressons-nous pour l’instant à nos voisins en Espagne, où ça bouge pas mal en ce moment.

Pour commencer, un article récent de Jordi Pérez Colomé, dans le journal EL PAÍS (édition du 30/10/24), recense des témoignages d’enseignant·es en Espagne et en Amérique latine face à l’arrivée de l’IA. Les mentions légales du site d’EL PAÍS nous empêchent malheureusement de permettre un accès libre à l’article ou à une traduction, mais en voici quelques idées majeures :

  • Dans l’article est évoquée la difficulté croissante des élèves à « faire la part des choses », le fait qu’ils/elles utilisent l’IA à tout va, en particulier parce qu’elle est bien plus présente, y compris dans les réseaux sociaux favoris des adolescent·es (les règles de la Communauté Européenne nous protègent quand même pas mal).
  • Une enseignante indique que le métier d’enseignant·e devient ennuyeux et que l’un de ses grands plaisirs était de voir les progrès accomplis durant l’année par chaque élève, en particulier dans l’écriture. Avec l’utilisation de l’IA générative, il n’y a plus de progrès dans l’écriture…
  • Une autre enseignante explique que dans des environnements où les livres coûtent trop chers, il est indispensable de venir en classe avec son téléphone portable. Ce même téléphone qu’on peut ensuite solliciter (par exemple via l’IA de WhatsApp, disponible en Amérique latine) pour faire les exercices demandés… en classe.
  • Il est aussi question de la lassitude des enseignant·es qui « n’ont pas signé pour ça » et démissionnent. 

Ensuite, l’Assemblée nationale espagnole a un bureau scientifique qui rédige des analyses sur des sujets divers, à la demande des groupes parlementaires. Ils viennent de publier (sous une licence ouverte) un rapport intéressant sur l’IA et l’éducation. Les points clés de ce rapport, très documenté, sont les suivants :

  • Le besoin de former les enseignant·es (!).
  • Le lien avec la technologie et le besoin de former les élèves à l’IA. Pas seulement sur son impact, mais aussi en faisant construire des systèmes aux enseignant·es. Il est ainsi question de former tous les élèves au machine learning (apprentissage automatique).
  • Le lien avec les Ressources Éducatives Libres : la nécessité d’encourager des pratiques de co-apprentissage, tant au niveau des enseignant·es qu’à celui des élèves. Et ainsi de favoriser le partage entre pairs.
Résumé graphique du rapport
CC BY Oficina de Ciencia y Tecnología del Congreso de los Diputados.

Je faisais partie des expert·es interrogé·es pour ce rapport (et je me retrouve très bien dans les conclusions !). Le parlement a fait un gros travail « d’après-vente » en contactant les journalistes et en organisant une réunion avec les député·es. En tant qu’expert, j’ai participé à ces événements. Et en particulier à une émission diffusée sur la télévision publique espagnole sur l’IA et l’éducation.

Par ailleurs, nous avons mené le 12 novembre un atelier avec les député·es, comprenant 1h30 de questions/réponses puis l’utilisation par les député·es d’outils permettant d’apprendre le machine learning. [À noter que, contrairement à la table ronde à laquelle nous avons participé en France en février, cet atelier n’était ni filmé ni diffusé… L’énorme avantage est qu’il a permis des échanges francs sans positions de posture qui semblent être le quotidien du politique dès qu’il y a une caméra… C’est dommage pour la transparence, mais au fond, à la Chaire, nous réclamons aussi des événements socratiques, alors…].

Des échanges avec les député·es, je retiens surtout la prise de position de Carles Sierra, qui a longtemps été président de l’association européenne de l’IA (EurAI, anciennement ECCAI). Pour Carles, il faudrait que nous nous inspirions du secteur médical. Dans les hôpitaux, les praticien·nes sont aussi chercheur·es : la recherche clinique est un aspect essentiel de la recherche médicale, car c’est dans les hôpitaux qu’on teste de nouveaux protocoles, qu’on suit l’impact des traitements. Il faudrait faire de même à l’école et qu’une partie du travail des enseignant·es (ou de certain·es, au moins) consiste à nous renseigner sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. En suivant des protocoles exigeants, en observant, en documentant avec rigueur.

J’ai l’impression qu’en France, les groupes thématiques numériques (GTnum), coordonnés par la DNE du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, vont dans ce sens. Mais, si Carles a raison, il faut que nous allions encore plus loin.

Le rapport est publié sous une licence CC BY. Avec leur accord, j’en ai fait une traduction (avec l’IA et quelques corrections). Mais qui ne les engage pas. Celles et ceux qui ont la chance de lire l’espagnol peuvent lire la version originale ici : https://www.oficinac.es/es/informes-c/inteligencia-artificial-y-educacion.

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