Partie prenante de l’innovation, la créativité est de plus en plus présente dans les milieux professionnels. Elle est désormais reconnue par les organisations privées et publiques comme un challenge clé dans les projets d’innovation.
Produire des idées nouvelles et réalisables
La créativité est « la capacité de produire un travail à la fois novateur (c’est-à-dire original, inattendu) et approprié (c’est-à-dire utile, en lien avec les contraintes de la tâche) » Strernberg & Lubart, 1999. Elle consiste donc à produire des idées nouvelles (utiles pour résoudre un problème préalablement identifié) et réalisables (que l’on peut mettre concrètement en œuvre).
La créativité est une aptitude humaine à se plonger dans un espace inconnu pour mettre en œuvre un raisonnement permettant de créer quelque chose de nouveau. Chaque individu dispose de capacités créatives plus ou moins développées. Il n’existe pas, comme on semble parfois le suggérer, d’individus non créatifs. Chacun peut à un moment ou à un autre apporter ses connaissances, mettre en œuvre des savoir-faire ou développer des savoir-être utiles au processus créatif collectif. Ainsi, dans le cadre privé ou professionnel, nous sommes tous en capacité de mobiliser des compétences permettant d’agir de manière créative et innovante.
Lors des processus d’innovation, l’animation d’ateliers de créativité permet de faire émerger des idées nouvelles tout en identifiant les connaissances à mobiliser ou à construire pour développer un projet innovant. Une des méthodes utilisées dans le cadre de ces ateliers de créativité est la méthode du Creative Problem Solving (CPS). Développée par Alex Osborn et Sydney Parnes, CPS repose sur trois éléments clés :
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un processus éprouvé avec des étapes définies (cf. figure ci-dessous), un équilibre entre pensée divergente et pensée convergente ;
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l’existence de relations favorables (différer les jugements, être responsable de ses idées, encourager la génération d’idées nouvelles) ;
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le développement d’une attitude positive (écouter, prendre des risques, être ouvert, avoir un esprit constructif).
Lors des ateliers créatifs de type CPS, les participants mettent en œuvre et développent des compétences créatives. Au début du processus et tout au long de son déroulement, une attention particulière est portée sur l’état d’esprit créatif et sur l’importance de garantir une attitude positive tout en développant des relations favorables dans le groupe.
Les ateliers de créativité basés sur la méthode CPS sont désormais mis en œuvre dans les formations universitaires. Ils permettent d’initier les étudiants aux démarches créatives et de développer des compétences en créativité. Pour les enseignants ou animateurs de ces ateliers, deux difficultés existent : d’une part, expliciter les compétences créatives que les étudiants devront mettre en œuvre et d’autre part, les évaluer.
Évaluer les compétences créatives
Dans le cadre d’un projet IDEFI Promising, nous avons développé une grille d’évaluation des compétences créatives. Basée sur les travaux de Véronique Dethier sur le tableau de bord des compétences créatives, cette grille comporte 13 compétences avec trois niveaux d’évaluation.
Entre septembre et octobre 2017, 95 étudiants en dernière année de Licence et Master 1re année de Grenoble IAE et de l’IAE Savoie Mont-Blanc ont utilisé cette grille d’évaluation lors d’ateliers de créativité CPS.
Avant de démarrer l’atelier, les étudiants ont fait le point sur leurs compétences créatives au moyen de la grille d’évaluation. À la fin de l’atelier, ils se sont autoévalués sur chacune des compétences créatives de cette même grille tout en les argumentant. L’enseignant a ensuite validé (ou non) les auto-évaluations des étudiants en argumentant également son évaluation.
Cette auto-évaluation s’est faite en ligne sur l’outil Karuta (portefeuille de compétences en créativité). À partir de cet outil, les étudiants ont obtenu leur « profil de compétences en créativité » qu’ils peuvent valoriser dans un CV ou sur un réseau professionnel.
Pour les étudiants, les compétences les plus faciles à autoévaluer sont exclusivement des savoir-être :
Parmi les compétences les plus difficiles à autoévaluer, les étudiants désignent des savoir-être et des savoir-faire :
Premiers enseignements
Cette expérimentation a permis de retirer quelques premiers enseignements. Parmi les points positifs :
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54 % des étudiants ont trouvé l’évaluation réalisée en début d’atelier, utile pour suivre l’atelier de créativité,
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82 % des étudiants ont trouvé l’échelle d’auto-évaluation (trois niveaux) facile à mobiliser,
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69 % des étudiants ont trouvé utile la toile de compétences pour visualiser les compétences mobilisées,
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63 % des étudiants trouvent que la démarche leur a apporté quelque chose.
Les marges de progression se situent sur le feed-back des enseignants et la valorisation de la démarche dans le parcours de l’étudiant :
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32 % des étudiants ont trouvé très utile le feed-back des enseignants mais 58 % l’ont trouvé moyennement utile. Et 62 % d’entre eux auraient apprécié un feed-back par compétences plutôt qu’un feed-back global,
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Seulement 18 % des étudiants pensent réutiliser cette auto-évaluation pour valoriser leurs compétences en créativité.
Des réactions positives
Les enseignants, tous volontaires, ont souligné l’intérêt de l’expérimentation. Elle permet de proposer aux étudiants une démarche réflexive inhabituelle mais utile pour comprendre l’intérêt des ateliers de créativité. Elle oblige les étudiants à mieux identifier leurs points forts et points faibles qui sont autant de marges de progression.
Néanmoins, les enseignants ont tous considéré le travail d’évaluation comme un exercice difficile et chronophage. Ils se sont notamment interrogés sur la pertinence de leur critère d’évaluation (faut-il plutôt évaluer la compétence ou l’évaluation faite par l’étudiant et son argumentation ?).
Les retours des étudiants et des enseignants permettent de valider l’expérimentation. Des marges de progression ont été identifiées pour permettre la diffusion de la grille à un ensemble plus large d’enseignants. Parmi ces pistes figure la nécessité de mieux ancrer les compétences créatives dans chacune des phases du processus de créativité et d’inciter les étudiants à travailler sur leurs compétences tout au long du processus créatif.
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.
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