Un articlerepris du blog T@d de Jacques Rodet, un site sous licence CC by nc nd
La motivation constitue le levier essentiel de tout apprentissage. A ce titre, les tuteurs à distance doivent en connaître la nature et les processus, non pas pour créer la motivation, mais pour accompagner les apprenants afin qu’ils conservent leur motivation à un haut niveau, voire trouvent les moyens de la renouveler. Si la distinction entre la motivation extrinsèque, la carotte et le bâton, et la motivation intrinsèque, relative aux ressorts personnels de l’apprenant, est fréquemment faite, il est nécessaire que le tuteur affine ses connaissances sur les autres états de la motivation, pour être en mesure d’agir efficacement (cf. Comment aider les apprenants à distance à développer leur motivation à partir de 51’20 mn https://youtu.be/zBaG9jAQpFI).
MO-AO. La motivation est liée aux objectifs que l’apprenant se donne en suivant une formation. Bien évidemment, les objectifs académiques, ceux qui ont été définis par les concepteurs pédagogiques, sont poursuivis par la plupart des apprenants. Toutefois, ceci n’est pas toujours le cas. Ainsi, dans les MOOC, de nombreux inscrits ne sont pas tant intéressés par la certification, qui est l’aboutissement académique du parcours, que par l’accès à des éléments du MOOC qui leur permettent de trouver ce qu’ils y cherchent. Cette recherche est en rapport avec les objectifs personnels qu’ils poursuivent et qui par nature ne peuvent pas être identifiés de manière exhaustive par les concepteurs (Cf. Typologie de participants aux MOOC). Lorsque la tentation de l’abandon se fait jour chez un apprenant, la carotte, bien peu appétissante à distance, et le bâton, peu dissuasif, sont d’une utilité toute relative aux tuteurs. Par contre, engager le dialogue avec l’apprenant sur l’atteinte de ses objectifs personnels se révèle d’une plus grande efficacité pour faire persévérer l’apprenant. Encore faut-il que les tuteurs connaissent ces objectifs personnels. C’est pourquoi, il est utile, en début de formation, d’inviter les apprenants à les exprimer. Ceci peut être réalisé lors d’entretiens ou de questionnaires au moment de l’inscription ou bien en prévoyant une rubrique dans le canevas utilisé dans le forum de présentation des apprenants (cf. SA-AO évoqué dans le billet précédent).
MO-OR. L’autonomie de l’apprenant est souvent mise en avant dans le digital learning. Certains y voient même un prérequis. Ce postulat revient à reporter toute la responsabilité de l’apprentissage sur les apprenants, mis en face face muet avec les ressources de la formation, et à se dédouaner de toute action d’accompagnement. Or, être autonome n’a aucun sens lorsque l’autonomie n’est pas reliée à une action. Alors que nombreux sont ceux qui n’ont pas encore eu d’expérience du digital learning, il est assez illusoire de leur demander d’être autonomes dans des actions qui sont nouvelles pour eux. L’autonomie est donc davantage à considérer comme un objectif que comme un prérequis. Dès lors, il appartient aux tuteurs d’aider les apprenants à l’atteindre. (cf. Omelette et couscous : de l’autonomie des apprenants à distance). Tout accompagnement consiste à étayer puis à désétayer progressivement. Le tuteur doit donc intervenir assez fréquemment en début de formation pour soutenir les apprenants, puis lorsqu’il le juge opportun d’espacer ce soutien afin de permettre aux apprenants d’exercer leur autonomie. Il lui faut alors être attentif aux réactions des apprenants. Certains d’entre eux nécessiteront éventuellement un nouvel étayage. Ce type d’action est réellement efficace lorsque le tutorat est personnalisé, ce qui n’est pas le cas le plus fréquent, car demandant de mobiliser des ressources importantes en temps et en compétences dont ne disposent pas toujours les tuteurs.
MO-PE. La motivation est très liée à la perception de l’utilité des tâches d’apprentissage, à la manière dont l’apprenant peut se faire une idée concrète du transfert dans son contexte des connaissances qu’il construit. Proposer des activités signifiantes c’est tout à la fois établir des liens entre les notions abordées durant la formation et les gestes professionnels des apprenants en usant d’exemples et de métaphores mais c’est également organiser des activités tirées de leur environnement professionnel. S’il n’appartient pas formellement aux tuteurs de concevoir les activités d’apprentissage, il est certain que la proximité qu’ils ont avec les apprenants leur permet d’identifier la pertinence des activités proposées et des pistes d’amélioration de celles-ci. Il est donc important que les tuteurs puissent remonter ces informations aux concepteurs afin que ces derniers réaménagent ou créent des activités plus signifiantes pour les apprenants. (cf.Quel rôle pour les tuteurs dans la conception des digital learning ?).
MO-SAM. Lorsque un apprenant manifeste, de manière explicite ou implicite, sa volonté d’abandonner la formation, il ne s’agit pas tant pour le tuteur de l’en dissuader que d’engager le dialogue sur les raisons qui le poussent à envisager cette fin de formation. Donner l’opportunité à l’apprenant d’exprimer ce qui l’amène à penser abandonner, de recevoir son propos selon les principes de l’écoute active (cf. L’écoute active, une stratégie au service du tuteur à distance), de lui donner à entendre son expression en la reformulant est une étape essentielle. Puis, il s’agit d’évaluer l’évolution des motivations intrinsèques de l’apprenant, de repérer d’éventuelles pistes de ressourcement de sa motivation, de lui formuler des conseils en le laissant pleinement libre de les suivre ou non. Enfin, il est nécessaire de donner un peu de temps à l’apprenant pour réfléchir de manière approfondie sur la suite qu’il pense donner à sa formation, pour identifier les avantages et les inconvénients des options qui sont les siennes. Pour ce faire, le tuteur peut être propositionnel sur les réaménagements temporels du parcours de formation de l’apprenant. Au final, certains abandonneront, et le tuteur doit l’accepter sans culpabiliser tant il a une obligation de moyens mais non de résultat, mais d’autres persévéreront et s’engageront dans une relation tutorale plus riche et plus adaptée à leurs besoins.
MO-TEC. L’utilisation des outils qui peuvent être variés et nombreux, ne va pas toujours de soi pour certains apprenants. Les appréhensions, voire les préventions, sont souvent nourries par une identification insuffisante des usages des outils cantonnés aux fonctions prescrites par leurs créateurs, de ce qu’ils permettent de faire, de la manière dont ils peuvent contribuer à l’apprentissage et des bénéfices que peut en retirer l’apprenant. Sur ce plan, le tuteur peut évoquer ses propres usages des outils, non pas pour les donner en modèle à suivre, mais comme exemples pouvant créer l’appétence de l’apprenant. Prenons donc un exemple. J’ai une pratique assez peu développée des cartes mentales, préférant recourir aux tableaux et schémas, mais elles me sont très utiles dans deux situations. D’une part, lorsque j’aborde une nouvelle notion, la construction d’une carte sémantique me permet de mieux baliser la représentation que j’en ai. D’autre part, j’utilise fréquemment la carte mentale pour produire des synthèses des échanges que les apprenants ont dans un forum. C’est d’une part, assez économique en temps et permet aux apprenants d’avoir une vue distanciée sur leurs propos. Ce type de témoignage fourni aux apprenants, leur permet de trouver une certaine liberté d’usage des outils en imaginant ceux qui peuvent être les leurs.
MO-MET. Bien plus que la carotte et le bâton, les motivations personnelles de l’apprenant sont agissantes pour le faire persévérer et atteindre ses objectifs. Il n’est donc pas inutile que le tuteur incite l’apprenant à faire le point sur le niveau et l’évolution de ses motivations intrinsèques. Pour ce faire, il peut lui proposer une grille d’identification des différentes dimensions de ses motivations : professionnelles, sociales, reconnaissance de tiers, satisfaction personnelle, plaisir éprouvé à la réalisation des activités de sa formation, etc. Puis lui fournir une échelle d’évaluation de celles-ci. Par exemple, une échelle de -2 à +2 (-2 : motivation à la baisse ; -1 : motivation plutôt à la baisse ; 0 : motivation étale ; +1 motivation plutôt à la hausse ; +2 motivation à la hausse). Une telle évaluation de ses motivations par l’apprenant gagne à être répétée tout au long de la formation afin de mettre en évidence les évolutions des résultats. La courbe de Hype, qui nous vient de l’étude des intérêts pour un produit ou une technologie, peut être adaptée à l’évaluation de sa motivation par l’apprenant. Les phases remarquables de cette courbe sont alors le pic des attentes, l’abysse des désillusions, la pente de ressourcement de la motivation, le plateau de la motivation stabilisée.
MO-EVA. Qui n’a pas vécu une situation où, dans l’adversité, un encouragement est survenu et lui a permis de trouver de nouvelles ressources pour continuer son action. Le tuteur ne devrait pas être avare d’encouragements pour les apprenants mais également les féliciter pour leurs réussites, même lorsque celles-ci ne sont que partielles. Toutefois, ces expressions peuvent paraître factices lorsqu’elles restent générales et ne sont pas contextualisées à la situation vécue par l’apprenant. De même, elles ne servent qu’à peu de choses lorsqu’elles sont non sincères ou trop délibérément positives. Le tuteur doit s’appuyer sur sa connaissance de l’apprenant, sur l’empathie qu’il a pour lui mais également sur le développement d’une argumentation qui légitime son expression. Enfin, ces messages sont davantage efficaces lorsqu’ils sont proactifs et que l’apprenant ne s’y attend pas.
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