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Filmer les cours en amphi : quel intérêt pour les étudiants ?

Un article repris de http://theconversation.com/filmer-l...

La captation vidéo d’un cours peut rendre plus actifs dans leurs apprentissages. Shutterstock

Au cours du second semestre de l’année scolaire 2017-2018, des étudiants de l’Université Paris Est Créteil inscrits en première année de licence de sciences ont pu suivre un enseignement de biochimie structurale dans lequel les cours magistraux étaient également filmés et mis à leur disposition le soir même sur une plate-forme numérique.

Ce projet est né d’une part de considérations pratiques : il s’agissait de répondre à l’augmentation du nombre d’étudiants, qui a entraîné ces dernières années une pression sur les personnels, en nombre quasi-constant, et les locaux, notamment pour la réalisation de travaux pratiques (TP) où l’on doit respecter des règles de sécurités strictes. D’autre part, nous souhaitions explorer des solutions innovantes pour améliorer l’enseignement.

Des enjeux d’espace

Composée de modules théoriques et pratiques, l’unité de biochimie structurale concerne environ 450 étudiants par an. Les cours magistraux sont dédoublés, à la fois pour des questions de pédagogie et de place – le grand amphithéâtre étant très peu disponible. Chaque cours au programme est donc assuré deux fois, face à deux parties distinctes de la promotion, tout en s’efforçant de délivrer exactement le même contenu (ce qui est bien entendu une utopie).

Notre idée première était d’organiser la captation vidéo du cours dans un amphithéâtre, afin de mettre rapidement cette ressource à la disposition de tous les étudiants de première année, et de se passer de la réalisation d’un second créneau de cours. Contrairement à ce qui peut se faire dans certains départements, en médecine par exemple, il ne s’agissait pas de retransmettre le cours en direct dans une autre salle, mais de le mettre en ligne, sans montage, sur une plate-forme dédiée.

L’avantage escompté était de diviser par deux le temps d’occupation des amphithéâtres, de libérer du temps aux enseignants pour d’autres missions, comme le suivi des étudiants, et de délivrer le même contenu à tous les étudiants. En revanche, nous craignions de voir ces cours magistraux subir une désertion importante – pourquoi venir écouter un enseignant en amphi pendant 1h30 quand on peut avoir accès au même contenu sur son téléphone portable, ou à la maison ?

Cumuler cours et vidéo

Au-delà d’une présentation de l’enseignement et de tests de positionnement, nous avons profité de la première séance pour exposer ce fonctionnement aux étudiants et les interroger sur leurs intentions. Nous voulions notamment nous faire une idée de la proportion des étudiants souhaitant continuer à assister physiquement aux cours et celle des étudiants préférant la modalité à distance.

À notre grande surprise, une grande majorité des étudiants (61 %) favorables à ce suivi à distance n’étaient pas prêts à renoncer aux cours en présentiel, mais souhaitaient au contraire associer les deux modalités. 24 % de leurs camarades comptaient maintenir un travail présentiel classique, sans utilisation des vidéos, et seuls 14 % des étudiants semblaient réellement intéressés par un enseignement exclusivement à distance.

Ce constat nous a poussés à modifier le projet envisagé au départ ; nous n’allions pas réduire les cours de façon à ne plus faire qu’une séance sur chaque thème au programme, mais nous allions proposer simultanément un suivi en présentiel et un accès aux vidéos. En effet, en comparaison avec les taux de présence des dernières années, il s’avère que le dispositif n’a finalement pas découragé les étudiants d’assister aux cours.

Un outil de révision

Grâce à la plate-forme numérique utilisée (service Stream de la plate-forme Office 365 de l’université), nous avons pu mesurer l’audience des vidéos mises à disposition des étudiants. Ainsi, les 14 captations ont reçu en moyenne 180 connexions chacune, sur une échelle de 115 à 300 consultations par vidéo. Toutefois, nous ne pouvons pas isoler le nombre de connexions moyen de chaque utilisateur à une vidéo (connexions uniques ou multiples) ni le temps moyen passé lors d’une connexion (visionnage exhaustif des vidéos ou « picorage » de morceaux choisis), ou encore le partage de la vidéo après son téléchargement.

Interrogés à la fin du semestre, près de 85 % des étudiants déclarent avoir trouvé ces captations de cours utiles à leurs apprentissages. Étant donné que 10 % d’entre eux se sont déclarés sans opinion à ce propos, il n’y a qu’environ 5 % de la promotion seulement qui n’y a pas vu de bénéfices. Par ailleurs, 81 % des étudiants souhaiteraient que ce type de dispositif pédagogique soit généralisé en licence.

Concernant leur utilisation des vidéos, 39 % des étudiants déclarent s’être appuyés sur les vidéos pour travailler ce module de biochimie. Parmi ceux-ci, 90 % déclarent avoir à la fois suivi les cours en présentiel et en vidéo. Seulement 10 % ont donc utilisé la vidéo pour compenser leur absence au cours magistral. À signaler, une courte majorité des étudiants (53 %) indique avoir révisé sans les vidéos.

Des étudiants plus actifs

À travers une enquête menée par une étudiante dans le cadre d’un stage, nous avons pu affiner les informations sur l’utilisation des vidéos. La grande majorité des étudiants en a profité pour compléter ses notes de cours et revenir sur des notions mal comprises. D’après eux, l’avantage est de pouvoir cibler les passages à reprendre, et de faire des pauses dans le déroulé du cours si nécessaire.

Par ailleurs, beaucoup d’utilisateurs ont exprimé leur satisfaction d’avoir pu bénéficier des captations du cours pendant leur phase de révision, les dernières semaines avant l’examen terminal. Enfin, d’autres étudiants, plus rares, assument utiliser les cours en format vidéo pour parer à une absence subie ou voulue aux cours magistraux. Ils déclaraient avoir apprécié la liberté donnée par ce nouvel outil. Toutefois, ils semblent assez lucides sur risques de procrastination et le faux sentiment de sécurité que peut apporter ce support.

Dans ce projet, deux membres de la direction des systèmes d’information de l’université ont accepté de s’impliquer afin de valider les fonctionnalités attendues de ce système de captation. Les résultats et pratiques observés les ont confortés dans la stratégie de mise en place d’un serveur d’hébergement de vidéos, assorti de nouveaux services : mise à disposition de médias aux étudiants, enrichissement des vidéos, streaming en direct… Ces services seront donc proposés pour de prochaines interventions et sur d’autres sites de l’université.

Finalement, les pratiques des étudiants ont transformé notre projet. L’outil de « gestion » est devenu un réel outil pédagogique, rassurant et bienveillant, puisqu’il permet de réentendre les explications de l’enseignant sans limite d’heure, de temps, de lieu… D’autre part, ces vidéos, de manière assez surprenante, rendent ainsi les étudiants plus actifs dans leurs apprentissages ! Elles permettent de compléter les notes de cours, les fiches, principalement par le re-visionnage des séquences choisies. Voilà qui ouvre aussi de nouvelles perspectives pour l’accueil d’étudiants ayant besoin d’un accompagnement particulier.


Cet article a été écrit en collaboration avec Denis Moueza et Pascal Gosset de la Direction des systèmes d’information de l’UPEC.

The Conversation

Nicolas Dubois est membre du CA de l’association PROMOSCIENCES.

Christophe Morin a reçu des financements de Région Ile de France, MESRI.
Président de l’association PROMOSCIENCES

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