Initié au XVIIIᵉ siècle par de jeunes aristocrates, le voyage de formation en Europe s’est démocratisé ces dernières années grâce aux programmes de mobilité universitaire. En tête des pays participant aux échanges Erasmus, la France a par exemple vu ses effectifs d’étudiants sortants augmenter de 37 % entre 2010 et 2015 (Campus France, 2017).
Malgré la popularité de ces expériences interculturelles, les compétences qu’elles permettent d’acquérir ne sont pas encore valorisées autant qu’elles le devraient sur le marché de l’emploi. Un semestre d’étude ou un stage à l’étranger ne sont pas seulement l’occasion de progresser dans les langues de Shakespeare, Goethe ou Cervantes. Ce sont aussi des tremplins vers de nouvelles formes de savoir-être.
Apprendre à s’adapter
Faire preuve de curiosité, connaître ses forces et ses limites, apprendre à aborder le changement et nouer des relations avec les autres, voilà quelques-unes des compétences transversales que développent les jeunes de 18 à 30 ans lorsqu’ils voyagent, d’après l’AKI European Project.
Ce référentiel, résultant d’un projet européen financé par l’Agence Erasmus + Jeunesse, les regroupe en cinq grands domaines : l’ouverture d’esprit, l’adaptation au changement, le sens des relations interpersonnelles, le sens des responsabilités, la confiance en soi
Les champs d’apprentissage mis en avant par l’AKI (Acquis pour la mobilité internationale) recoupent les compétences nécessaires pour « entrer, demeurer et progresser dans le monde du travail », identifiées par le Conference Board du Canada_. Celles-ci se répartissent en trois catégories : les compétences de base, les compétences personnelles en gestion et les compétences pour le travail d’équipe.
On y met l’accent sur les compétences liées au savoir-être et au savoir-apprendre toute la vie. Parmi elles : communiquer, réfléchir et résoudre des problèmes, démontrer des attitudes et des comportements positifs, être responsable, être souple, apprendre constamment, travailler avec d’autres, participer aux projets et aux tâches, etc.
Découverte de soi
Attention à ne pas se tromper : l’acquisition des compétences et leur transfert d’un contexte à un autre relèvent de processus complexes. Avoir étudié à l’étranger ne veut donc pas dire que ces capacités à communiquer sont acquises de manière définitive.
En revanche, la mobilité favorise la progression de l’étudiant dans certaines d’entre elles, notamment les compétences transversales. Le fait d’avoir fait un échange universitaire peut ainsi révéler au recruteur la capacité d’adaptation d’un jeune face à un nouvel environnement de travail.
Le passage de l’université à l’entreprise matérialise, à une autre échelle, le passage d’une culture à une autre. Au final, la mobilité internationale devrait permettre aux jeunes d’envisager positivement leur employabilité initiale, mais encore faut-il qu’ils soient capables de la valoriser aux yeux des recruteurs.
En choisissant de partir faire ses études ou un stage à l’étranger, l’étudiant s’engage dans un processus de découverte personnelle, qui l’amènera par confrontation à une culture différente à mieux analyser la sienne et à mieux se connaître (Pleyers & Guillaume, 2008). Néanmoins, la pratique réflexive que ce processus induit n’est pas spontanée. Elle suppose
« une mise à distance et un regard critique sur son propre fonctionnement, mais aussi une analyse tant individuelle que collective des actions et décisions prises en cours d’action » (Lafortune, 2011).
Des compétences à valoriser
Pour que les étudiants soient capables d’identifier les progrès qu’ils ont faits, puis de les valoriser sur leur CV, il faut donc les aider à déployer cette attitude réflexive.
Or, le plus souvent, le suivi proposé aux étudiants reste limité : les informations mises à leur disposition concernent principalement les aspects pratiques de la mobilité. Ils peuvent par exemple se renseigner auprès du service des relations internationales de leur établissement, auprès du Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ), de chaque Conseil Régional ou des structures d’éducation non formelle.
Pour aider les étudiants à prendre conscience de ce qui se joue lors de ces immersions interculturelles et à le mettre à profit face à des recruteurs, il faut donc instaurer un dialogue à long terme autour de ces expériences. C’est ce que tente le projet Prepamobie, que nous déployons à partir de la rentrée 2019 à l’Université Clermont Auvergne.
Financé par le programme Learn’In Auvergne dans le cadre de l’I-Site Clermont, le dispositif s’appuie sur un cours en ligne, qui compare entre autres les cultures pédagogiques, afin de mieux appréhender la diversité de fonctionnement des cours en Europe. Prepamobie couvre les trois temps de la mobilité : la préparation, le quotidien dans l’université ou l’entreprise d’accueil, mais aussi le retour, étape tout aussi importante pour la consolidation des compétences.
Cécilia Brassier-Rodrigues a reçu des financements du programme Learn’In Auvergne (I-Site Clermont).
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