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Rappeler les fondamentaux du développement de l’enfant à l’adulte

Un article repris de http://www.brunodevauchelle.com/blo...

Alors que le contexte de vie est transformé par l’omniprésence des moyens numériques qui accompagnent les transformations plus radicales de notre société, il ne faut pas penser que l’humain soit devenu si différent sur un plan plus fondamental, celui de son fonctionnement essentiellement psychique. J’ai dégagé quatre mécanismes du développement humain qui sont autant de moyen de penser l’éducation. Je vous les propose à nouveau (j’ai déjà eu l’occasion de les présenter) car je suis étonné de ne pas les retrouver dans des travaux récents sur le développement humain.

Un article repris du blog de Bruno Devauchelle, une publication sous licence CC by sa nc

1 Observer, imiter, reproduire, percevoir

La perception et la motricité ont ceci d’essentiel qu’ils forment une boucle qui se développe au fur et à mesure du temps. L’enfant dispose de peu de motricité à la naissance mais il perçoit déjà un grand nombre de « messages », objets auxquels on le confronte. Dès qu’il va commencer à en avoir les moyens il va reproduire ce qu’il a perçu et non seulement reproduire par imitation, mais reproduire par « incorporation » progressive du monde qui l’entoure. L’adulte fonctionne aussi sur le même mécanisme, mais il le fait sur un substrat existant qu’il s’est déjà constitué depuis sa conception. Il suffit d’analyser les apprentissages informels d’un adulte de 40 ans pour s’en rendre compte. Le jeu est un des médiateurs de ce processus tout au long de la vie.

En psychologie ce processus est très étudié car il permet de mettre en évidence les variations dans le développement en fonction des environnements.

2 Expérimenter, essayer, tenter, oser

Au fur et à mesure de son développement l’enfant s’écarte de ce qui l’entoure pour tenter de le « dominer », le « contrôler ». Ce changement de posture ne supprime pas le comportement d’observation mais l’élargit. Le jeu, la simulation, l’expérimentation et l’essai deviennent une pratique fréquente surtout dans les périodes que l’on peut qualifier d’apprentissage (formel et informel). Expérimenter c’est se donner les moyens de choisir les paramètres à faire varier pour comprendre comment « jouer » avec le monde qui nous entoure. Ces activités doivent tenir compte du contexte et de sa complexité. C’est à cause de cela que se met en place cette nouvelle forme d’être au monde.
En psychologie, cela est plus compliqué à étudier à cause du nombre de paramètres à prendre en compte. Les biais sont nombreux. Et surtout il faut prendre en compte des éléments qui ne relèvent plus de la psychologie, mais plus généralement de la culture au sens anthropologique du terme.

3 Interagir, échanger, partager

L’existence du langage ajoute à l’activité perception motricité une dimension nouvelle : la prise en compte de l’autre parlant. Certes interagir, échanger, parler, converser n’impliquent pas forcément un développement : des postures de refus de la confrontation à une autre parole sont fréquentes. C’est le processus d’altération qui se produit dans les interactions verbales (et parfois aussi non verbales) qui est moteur de développement. Au fur et à mesure de la vie, ces activités prennent une importance très forte allant jusqu’au risque de refus, de repli sur soi (que l’on peut largement observer dans les sociétés individualistes actuelles). Les échanges langagiers sont des prises de risque que dès les premiers temps de la vie l’enfant mesure. Il constate rapidement la puissance du verbe et va tenter de l’utiliser dans le cadre de ses activités d’observation, d’imitation (répéter les mots par exemple), d’expérimentation etc… Cela va aussi concerner la maîtrise des émotions.
La psychologie est très en conflit autour des mots et de leur rôle dans le développement. Les querelles scientifiques actuelles autour de la psychanalyse par exemple en sont le témoin.

4 Réfléchir, repenser, reformuler

La conscience de soi est un phénomène étonnant que l’enfant découvre très tôt en particulier au travers des expériences de séparation. Il apprend qu’il est un moi et d’ailleurs observer l’usage des pronoms personnels dans les premières années de la vie est un bon révélateur de cette construction. Mais bien plus, il arrive à l’enfant d’avoir ces temps d’intériorité qui nous inquiètent parfois, nous parents. Or ces temps sont indispensables et le deviennent tout au long de la vie : réfléchir, réflexivité, se traduisent par de multiples formes qui nous montrent que ce processus est indispensable au développement. Pour le dire trivialement, cela permet de catégoriser, d’analogiser, de mémoriser, bref, comme le disent les psychologues cogniticiens de transformer les connexions interneuronales et ainsi de renforcer les souvenirs, mais aussi les apprentissages utiles, procéduraux et conceptuels.


Post scriptum

En lisant les prises de position de certains chercheurs dans l’une des disciplines partie prenante des sciences cognitives, on est souvent étonné de voir qu’après des énoncés péremptoires basé sur des IRM fonctionnels ou EEG divers (ou simplement d’expérimentations), leurs propos se tempèrent progressivement, marquent l’interrogation, le doute, le questionnement. Contrairement à ce qu’une certains médiatisation (volontaire même parfois) tend à faire penser, les fameuses certitudes sont surtout des approches à confirmer, mais souvent questionnées par le quotidien des acteurs, voire par celui des chercheurs eux-mêmes. Que ce soit pour l’apprentissage de la lecture ou la question des écrans, on lit souvent des propos définitifs (en particulier dans les en-têtes) mais modulés progressivement au fur et à mesure de l’approfondissement de la recherche et la confrontation aux réalités quotidiennes.

Dans les années 1970, dans le département de psychologie dans lequel je faisais mes études, l’opposition, très vive, portait sur d’une part ses approches psychanalytiques, d’autre part des approches psychosociologiques et enfin des approches de psychologie expérimentale. Bien évidemment les échanges étaient polémique et parfois idéologiques, autrement dit peu de débats réels. Hier comme aujourd’hui la question des fondements scientifiques du développement de l’humain amène à des polémiques, des controverses souvent fondés sur des partis pris philosophiques, politiques voire religieux. Malheureusement raison ou pas, il y a toujours au fond de chacun de nous un vieux rêve scientiste qui verrait enfin la « vérité » émerger. Aussi peut-on s’en tenir à la modestie d’une approche qui associe empirisme et expérimentations et qui surtout évite des propos définitifs. C’est pourquoi j’ai proposé ici de reprendre les quatre fondements du développement de l’humain que j’ai pu observer et analyser au cours de toutes mes années d’apprentissage (lectures, pratiques, expérimentations) et de formation (confrontation échanges), personnelles et professionnelles (un peu plus de quarante années quand même)

Licence : CC by-nc-sa

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