Un article repris de la revue Distances et médiations des savoirs, une publication sous licence CC by sa
Nathalie François et Nicolas Roland, « De l’influence des acteurs institutionnels sur les métiers du conseil pédagogique et techno-pédagogique », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 35 | 2021, mis en ligne le 21 octobre 2021, consulté le 25 octobre 2021. URL : http://journals.openedition.org/dms/6615
Introduction
Depuis une trentaine d’années, les établissements d’enseignement supérieur en Belgique francophone ont graduellement investi dans le soutien à la mission pédagogique des enseignants et enseignants-chercheurs [1]. Historiquement, ce sont les universités qui ont commencé à développer de telles structures en axant leur travail sur la formation des enseignants. Au fil du temps, le panorama de leurs missions a pris de l’ampleur en incluant l’accompagnement et le conseil d’enseignants – individuels ou en équipes –, la valorisation de la mission d’enseignement, la contribution et la diffusion de la recherche universitaire en pédagogique, le support à l’évaluation des enseignements ou encore le conseil auprès autorités. Plus récemment, les hautes écoles [2] ont emboîté le pas aux universités en créant des structures similaires à un niveau institutionnel. De manière concomitante, les mutations de l’enseignement supérieur – massification du public, diversification de ses caractéristiques, profusion de nouvelles technologies, nécessité de développer de nouvelles compétences chez les étudiants, etc. – ont amené les enseignants à devoir innover, notamment à travers des dispositifs intégrant du numérique, pour relever les défis de ce contexte (Poumay, 2014). En conséquence, les structures d’accompagnement se sont vu ajouter à leurs missions le soutien au déploiement du numérique pour des activités d’enseignement en présence comme à distance.
Aujourd’hui, la diversité des ressources humaines et financières offertes à ces centres d’appui pédagogique et techno-pédagogique a généré un paysage hétérogène : certaines institutions ne disposent que d’une à deux personnes, celles-ci étant parfois même à temps partiel. D’autres possèdent des équipes multidisciplinaires importantes dédiées tant au soutien à l’enseignement qu’à l’intégration du numérique. La structuration et l’organisation de ces centres d’appui s’avèrent également spécifiques à chaque institution : certaines disposent d’équipes transversales et centralisées, alors que d’autres préfèrent une approche décentralisée, plaçant les activités de soutien pédagogique et/ou techno-pédagogique au niveau d’une faculté ou d’un département. Dans certains cas, comme à l’Université libre de Bruxelles, structures centralisées et décentralisées coexistent et se partagent les missions.
Ce contexte hétéroclite témoigne lui-même de l’intérêt des questions soulevées par Daniel Peraya (2021) dans le cadre de cette rubrique “Débat-discussion”. Les contributions du numéro précédent (Lebrun, 2021 ; Batier, 2021 ; Jarnouen et Mauclair, 2021 ; Denouël, 2021) ont participé à décrire, comprendre et analyser les métiers des conseillers et ingénieurs pédagogiques soit au travers des acteurs eux-mêmes, soit par des retours d’expériences ou encore, des analyses contextuelles. Dans cet article, nous avons souhaité prendre un angle particulier pour saisir la manière dont ces centres d’appui pédagogique et techno-pédagogique se sont structurés au fil du temps et s’organisent aujourd’hui : le point de vue des acteurs institutionnels en charge des politiques liées à l’enseignement.
La littérature scientifique, dont Daniel Peraya (2021) a proposé une recension dans son texte de cadrage, n’a que très peu abordé et étudié le rôle des acteurs institutionnels (Direction d’établissement, Vice-Recteur à l’enseignement, etc.) impliqués dans la structuration, l’organisation et la gestion des centres d’appui pédagogique et techno-pédagogique. Pourtant, notre expérience en tant que conseillère pédagogique et ancien responsable d’une équipe de conseillers techno-pédagogiques nous a permis d’observer qu’il existait des liens, voire une réelle influence bidirectionnelle entre les autorités d’une institution et les métiers de l’accompagnement et de l’ingénierie pédagogique. Cette influence peut être directe lorsque les acteurs institutionnels ancrent, par exemple, une démarche de recherche scientifique dès la genèse d’un projet d’innovation pédagogique numérique (Emplit, Blondin, Roland et Poellhuber, 2016). Elle peut être plus ténue – mais non moins importante – lorsque les autorités institutionnelles prennent des décisions sur la carrière des enseignants-chercheurs – élaboration d’une charte pédagogique, formation des enseignants en début de carrière, etc. – qui vont avoir des répercussions sur le travail des équipes d’accompagnement.
De facto, nous avons décidé de prendre le point des vues des acteurs institutionnels pour mieux comprendre les cadres, rôles et missions conférés aux métiers de l’accompagnement et de l’ingénierie pédagogique. Plus concrètement, cet article tend à répondre à la question suivante : comment les acteurs institutionnels envisagent-ils et influencent-ils le travail des centres d’appui pédagogique et techno-pédagogique ? Par ce biais, nous tentons de comprendre comment ces acteurs politiques appréhendent et façonnent le contenu, le rôle, la place, les statuts et les enjeux des centres d’appui pédagogique au sein de leurs établissements respectifs. Au regard des questions suscitées dans le texte de cadrage, nous nous focalisons de manière plus prépondérante sur les sujets liés à l’intégration du numérique et sur les métiers d’ingénieurs pédagogiques, ou acteurs de l’accompagnement techno-pédagogique.
Ce travail a été mené de façon exploratoire, sans volonté d’exhaustivité ni de généralisation. Il s’agissait plutôt de recueillir les premières données du terrain, de les mettre en tension et d’en dégager des questions vives. Nous avons ainsi rencontré six acteurs institutionnels de Belgique francophone, soit Vice-Recteurs à l’enseignement au sein d’universités, soit directeurs au sein de leur haute école. Cet article propose un compte rendu de ces rencontres ainsi qu’une analyse au regard de notre expérience personnelle.
Des acteurs institutionnels ancrés dans la pédagogie de l’enseignement supérieur
Une première dimension contextuelle, importante selon nous à mentionner, est apparue de façon récurrente au fil des rencontres : l’ensemble des acteurs institutionnels interrogés disposent d’une solide expérience en pédagogie de l’enseignement supérieur. Que ce soit à travers leurs diplômes – master ou doctorat en sciences de l’éducation –, plusieurs années d’expérience en matière d’accompagnement pédagogique des enseignants, voire des activités de recherche scientifique sur des thématiques liées aux pratiques d’enseignement et d’apprentissage dans l’enseignement supérieur, tous possèdent des ancrages théoriques et pragmatiques forts. Ceux-ci influencent largement leur vision, stratégie et actions institutionnelles. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à appuyer leurs propositions politiques, comme d’autres dimensions discutées lors des entretiens, sur des résultats de recherche, plus que sur une expérience singulière ou des tendances de l’enseignement supérieur.
Une stratégie numérique axée sur l’amélioration des dispositifs existants
Toutes les institutions d’enseignement supérieur interrogées possèdent, à des degrés divers, une stratégie en matière d’enseignement – c’est-à-dire un texte de vision avec certains axes définis – ou une feuille de route – c’est-à-dire un plan d’action pédagogique avec une série de priorités. Néanmoins, ces documents sont rarement dotés d’objectifs mesurables à atteindre. En ce sens, ils orientent les actions, mais ne les définissent pas nécessairement.
Dans certains établissements, ces documents sont élaborés sur la base du programme politique de la direction, du Recteur ou du Vice-Recteur à l’enseignement. Dans d’autres, ils sont co-construits en s’appuyant sur une démarche systématique de consultation des différents acteurs de l’institution. Actuellement, à côté d’autres acteurs comme des comités de concertation en matière de pédagogie, les équipes des centres d’appui pédagogique sont parties prenantes de l’élaboration de ces cadres et surtout de leur opérationnalisation. Elles disposent ainsi d’une marge de liberté dans la manière dont elles transposent les priorités de l’institution sous la forme de projets, missions ou tâches.
Le numérique tient une place importante dans le discours des acteurs rencontrés et apparaît comme un élément à prendre en compte pour atteindre leurs objectifs stratégiques. Pourtant, il ne figure pas nécessairement dans les priorités de ces stratégies pédagogiques ou ne fait pas l’objet de feuilles de route particulières – contrairement à des institutions comme l’Université de Lausanne. À l’heure actuelle, le développement du numérique à des fins pédagogiques se traduit principalement par la mise à disposition d’outils institutionnels et la formation des enseignants à leur usage.
La pandémie de COVID-19 semble avoir insufflé la nécessité d’une réflexion plus systémique sur l’intégration du numérique dans l’enseignement. Les acteurs institutionnels interrogés regrettent que le numérique n’ait été utilisé que comme palliatif au présentiel durant ces 18 mois. Toutefois, au regard des difficultés vécues par les enseignants comme les apprenants durant cette période, il est encore trop tôt, selon eux, pour se doter d’objectifs et de mesures en matière d’intégration du numérique à des fins pédagogiques. Ils souhaitent collaborer avec les acteurs du terrain afin de prendre du recul vis-à-vis de la situation vécue et de porter un regard juste sur la manière de développer des pratiques pédagogiques numériques.
Une perception qui tend à distinguer conseil pédagogique et techno-pédagogique
Historiquement, dans la plupart des établissements interrogés, les cellules d’appui techno-pédagogique sont venues s’ajouter au paysage structurel des institutions avec l’arrivée du numérique dans l’enseignement supérieur, alors que les équipes d’appui pédagogique étaient déjà présentes depuis quelques années. Plutôt que d’étendre les missions des équipes en place, les institutions ont choisi d’organiser l’appui techno-pédagogique de façon souvent indépendante de l’accompagnement pédagogique. Dès lors, les équipes de conseillers pédagogiques et celles de conseillers techno-pédagogiques ont évolué selon des logiques propres, ce qui a peu à peu engendré des disparités en termes de positionnement institutionnel et de structuration.
Ainsi, nous avons observé, notamment dans les hautes écoles interrogées, que les structures d’accompagnement pédagogique et techno-pédagogique occupent des positions différentes : l’une des deux équipes possède souvent une position centrale et transversale, lorsque la seconde est située à un niveau départemental. Ces modes de fonctionnement sont souvent un héritage du passé ; un département ayant commencé, avant les autres, à développer une forme d’accompagnement pédagogique ou techno-pédagogique. Parmi nos interlocuteurs institutions, l’un d’entre eux a évoqué la volonté d’éviter ce manque de cohérence dans la construction et l’organisation des équipes. Au sein cette institution, les équipes restes cloisonnée dans leurs missions – accompagnement pédagogique, accompagnement techno-pédagogique et ingénierie de programme –, mais elles sont regroupées au sein d’une même équipe qui travaille ensemble pour éviter le silotage des activités et informations. Au sein des universités, les équipes sont souvent regroupées sous une bannière similaire, même si les modes de fonctionnement s’avèrent différents – voir infra.
Pour analyser le discours des acteurs institutionnels sur les fonctions attribuées aux membres des centres d’appui pédagogique et techno-pédagogique, nous nous sommes appuyés sur la typologie d’Alexandra Mihai (2021). Elle distingue quatre grandes fonctions :
– le développement professionnel des enseignants (tant formel qu’informel à travers des ateliers, du coaching, de la création de ressources, etc.) ;
– le développement de dispositifs pédagogiques, c’est-à-dire la collaboration avec les enseignants sur la conception de leur cours ou d’un programme d’étude ;
– le support – pédagogique ou technique –, c’est-à-dire le fait de répondre à des questions sur l’apprentissage, les approches pédagogiques, l’intégration du numérique ou l’usage d’un outil.
– l’inspiration, c’est-à-dire le partage de bonnes pratiques, la création de communautés d’enseignants, etc.
Ce travail nous a permis d’observer que les acteurs interrogés attribuent des fonctions différentes aux métiers de l’accompagnement et de l’ingénierie pédagogique.
Les conseillers pédagogiques sont, dans le discours des acteurs institutionnels interrogés, actifs sur les quatre fonctions : ils conçoivent et animent des formations pour les enseignants, accompagnent la mise en place de dispositifs pédagogiques ou de programmes, offrent un accompagnement individuel aux enseignants pour les aider sur certaines problématiques pédagogiques et favorisent les échanges entre enseignants à travers différents événements. Ce travail est mené pour améliorer des dispositifs existants, co-concevoir des innovations pédagogiques – transformer des dispositifs pour en améliorer la qualité des pratiques d’apprentissage des étudiants – ou encore élaborer de nouveaux curriculums. Les conseillers techno-pédagogiques sont, eux, plutôt décrits comme soutenant l’intégration du numérique à travers trois des fonctions : celle de support – notamment aider et soutenir les enseignants à prendre en main les plateformes numériques disponibles dans les institutions –, de développement professionnel des enseignants – à travers des formations et des ressources pour l’usage de ces mêmes plateformes – et, dans une moindre mesure, d’inspiration – surtout en montrant les diverses possibilités d’utilisation des outils numériques à disposition.
Ainsi, l’accompagnement techno-pédagogique mené dans les institutions interrogées se limite, selon les acteurs interrogés, au conseil ainsi qu’à la formation pour une intégration efficiente des outils numériques dans les enseignements. Si les acteurs institutionnels mettent en avant la nécessité de rendre les enseignants autonomes dans leurs usages du numérique, ils évoquent peu le besoin de repenser entièrement les dispositifs à travers l’intégration du numérique. En ce sens, les conseillers techno-pédagogiques ne semblent pas œuvrer à un réel “développement de dispositifs pédagogiques numériques” ; ils sont surtout amenés à accompagner les enseignants à intégrer les outils numériques, sans les aider à repenser leurs objectifs pédagogiques, leurs méthodes ou leurs modalités d’évaluation à la lumière des possibilités offertes – ou changements amenés – par le numérique. Toutefois, cet accompagnement au développement de la pédagogie numérique n’est pas non plus perçu comme un support exclusivement technique. Ils mettent bien l’accent sur un accompagnement qui doit prioritairement former à la compréhension des outils numériques et à leur prise en main pour améliorer l’enseignement.
En d’autres termes, le travail d’ingénierie pédagogique se cantonne ainsi à soutenir les enseignants dans un niveau “d’augmentation” au regard du modèle SAMR. Ce modèle (Substitution, Augmentation, Modification, Redéfinition) a été élaboré par Robert Puentedura (2006) et décrit les différents paliers d’intégration des technologies dans les pratiques pédagogiques selon plusieurs niveaux. Les acteurs institutionnels envisagent principalement le numérique pour apporter des plus-values à l’enseignement traditionnel ou, en d’autres termes, chercher à améliorer la situation actuelle sans transformer complètement les pratiques à travers le numérique. De manière générale, ces acteurs évoquent peu les réelles transformations qui pourraient être amenées par un enseignement hybride, voire à distance ainsi que des implications de ces modalités. Dès lors, le métier des ingénieurs pédagogiques reste centré sur la manière d’améliorer les dispositifs existants, mais jamais de les repenser – à travers l’intégration du numérique – ou de les co-créer totalement – à travers des modalités hybrides ou à distance. Nous avons également observé que la situation de pandémie de COVID-19 avait réduit le travail des équipes techno-pédagogiques à soutenir la substitution, c’est-à-dire l’usage du numérique – dans une modalité de distanciel – pour pallier l’absence d’enseignement en présentiel.
Cette distinction entre les acteurs de l’accompagnement et de l’ingénierie pédagogique est aussi évoquée par rapport aux profils qui composent ces cellules. Les équipes de conseillers pédagogiques favorisent le recrutement de personnes qui possèdent des diplômes en Sciences de l’éducation, ou du moins celles qui possèdent une importante expérience en enseignement supérieur – comme des enseignants qui souhaitent changer de fonction. Du côté des équipes techno-pédagogiques, ce sont les profils plus techniques qui sont souvent recherchés, en axant sur la maîtrise d’une série d’outils.
Cette distinction exerce également une influence certaine sur la façon dont les équipes vont, d’une part, opérationnaliser les missions qu’on leur confie, et d’autre part, construire leur identité professionnelle – individuelle et collective. Comme susmentionné, les acteurs institutionnels offrent une certaine liberté dans la manière dont les équipes peuvent transposer les priorités en matière d’enseignement sous la forme de missions, projets ou tâches. Toutefois, les rôles définis à la fois comme très segmentés et non complémentaires placent les conseillers pédagogiques et les techno-pédagogiques sur des pistes d’action où la créativité et l’innovation restent fortement balisées et contraintes par les actions de l’autre cellule. De manière complémentaire, lorsque les équipes ne sont pas regroupées au sein d’une même structure, les acteurs évoquent des “cultures” propres à chacune d’elles, ce qui peut entraîner une auto-limitation de leur pro-activité, voire des formes de rivalités entre ces équipes. Sur ce point, certains acteurs institutionnels ont déclaré qu’il devrait y avoir plus d’échanges et de collaboration entre ces équipes.
Une recherche orientée vers l’action et l’évaluation de l’impact
Les acteurs institutionnels rencontrés adoptent une posture ambivalente par rapport aux activités de recherche des acteurs de l’accompagnement et de l’ingénierie pédagogique. S’ils soulignent qu’il s’avère dangereux de mener des projets d’innovation sans y coupler des activités de recherche, le travail des centres d’appui pédagogique et techno-pédagogique se révèle avant tout pragmatique et axé, comme susmentionné, sur des activités de développement professionnel et d’élaboration de dispositifs d’innovation pédagogique.
Dans ce contexte, les méthodologies et outils de recherche ont une visée praxéologique, et soutiennent l’innovation pédagogique à différents moments. Les conseillers pédagogiques et techno-pédagogiques mènent à des degrés divers, dans plusieurs institutions, des activités de veille scientifique, d’analyse des besoins des publics cibles ou d’évaluation des dispositifs. Sur ces activités, nous avons observé un clivage moins marqué entre les acteurs de l’accompagnement et de l’ingénierie pédagogique.
Certaines institutions, tant au niveau des universités que des hautes écoles, promeuvent la recherche-action – menée par les acteurs des centres d’appui eux-mêmes – ou le Scholarship of Teaching and Learning – réalisée par des enseignants et soutenue par des acteurs de l’accompagnement.
Les activités de diffusion scientifique se cantonnent principalement à des communications lors de colloques professionnels, comme les congrès de l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU) ou de Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur (QPES). Peu de publications scientifiques émergent réellement des centres d’appui pédagogique et techno-pédagogique.
Conclusion
Le discours des acteurs institutionnels montre qu’ils perçoivent et conçoivent les métiers de l’accompagnement pédagogique et de l’accompagnement techno-pédagogique comme différents. Dans cette logique, ces équipes sont, au sein des hautes écoles, souvent séparées l’une de l’autre et possèdent des positions différentes dans l’institution. Au sein des universités rencontrées, elles possèdent des rôles et profils distincts, comme évoqué dans l’article de Lebrun (2021). Toutefois, ces équipes ne sont pas étanches, communiquent souvent entre elles et possèdent des missions communes.
La source de cette distinction provient, selon nous, de la manière dont ces acteurs institutionnels envisagent l’intégration du numérique dans l’enseignement supérieur. Pour eux, il s’agit avant tout d’une série d’outils et de nouvelles pratiques qui vont permettre d’améliorer les situations d’enseignement et d’apprentissage. Le numérique est d’ailleurs principalement envisagé pour améliorer le présentiel, soit directement lors de celui-ci, soit à travers des ressources et activités à distance. Il n’y a pas de réelles volontés déclarées de repenser les dispositifs existants, ou créer de nouveaux dispositifs à travers des modalités de mise à distance – partielle ou totale – des enseignements. De facto, les équipes de conseil techno-pédagogique ont des missions axées sur l’amélioration des dispositifs, alors que les équipes de conseils pédagogiques œuvrent tant à cette amélioration qu’à de la transformation de dispositifs, voire la création de nouveaux dispositifs ou curriculum. Dépasser cette approche dite “en silo” nécessitera probablement d’envisager le recours au numérique comme bien plus important qu’une simple extension au présentiel, à travers le développement de curriculums proposant des dispositifs hybrides ou entièrement à distance. Pour cela,
À travers ce travail, nous avons pu constater que, malgré une certaine marge de liberté, les métiers du conseil pédagogique et techno-pédagogique sont tout de même influencés par les visions et directions promues par leurs autorités de tutelle. Au regard du rapport à la recherche des acteurs institutionnels interrogés et leur ouverture aux retours du terrain, les conseillers pédagogiques et techno-pédagogiques ont potentiellement une possibilité de faire évoluer les stratégies pédagogiques de leurs établissements et, dès lors, de faire évoluer leur propre métier vers plus d’accompagnement et d’ingénierie pédagogique.
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Puentedura, R. (2006). Transformation, technology, and education. http://hippasus.com/resources/tte/
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Notes
1 L’utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire.
2 En Belgique, une haute école est un ensemble d’établissements supérieurs qui dispense un enseignement de type court ou de type long dans le cadre de la déclaration de Bologne. Une haute école dispense généralement un enseignement dit de type court, de niveau non-universitaire qui résulte en l’obtention de diplômes de bachelier professionnalisant éventuellement suivis de bacheliers de spécialisation.
3 https://www.unil.ch/files/live/sites/numerique/files/Documents/Strategie_numerique_v20191014.pdf
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