Cécile Albert
Faculté d’éducation. Université Catholique de l’Ouest. Angers.
Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur les Questions Vives en Formation et en Éducation
Contexte et problématique.
Les enseignants ont pour mission de transmettre des connaissances mais également de permettre le développement global des jeunes dans un climat propice. Leur formation leur donne des savoirs, des savoir-faire en didactique et leur permet de réfléchir sur des savoir-être en lien avec la psychologie des enfants. Ils sont armés théoriquement pour organiser une classe et gérer un groupe. Ils développent ainsi des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice de leur métier. Cependant, force est de constater que les enseignants apprennent au cœur de l’expérience, devenant potentiellement des praticiens réflexifs. (Altet, 2013 ; Vacher 2015).
Les conditions d’enseignement ont changé. Les enseignants témoignent des difficultés de comportement des élèves, de la gestion difficile de la discipline et des limitations au niveau de la concentration des enfants dans la durée. Le stress ou l’hyperactivité des élèves est un sujet d’actualité et les thématiques sur le bien-être (Florin, 2018) , ( Mazalto, 2017) ; la bienveillance (Marsollier, 2018) et le climat scolaire sont très en vogue ; elles sont intégrées aux instructions officielles.
Compte tenu de l’attitude des élèves, les enseignants ne peuvent plus compter sur un climat propice et se centrer de manière privilégiée sur la didactique. Il leur faut inventer des moyens pour garder l’attention, calmer les enfants, faciliter l’apprentissage. Les compétences professionnelles théorisées notamment par les gestes professionnels sont actuellement enrichies de savoir-faire personnels, voire parfois « d’astuces ». Ils sont amendés d’habiletés professionnelles relevant d’un mécanisme d’adaptation aux problématiques et aux exigences contemporaines qu’impose la situation d’enseignement-éducation.
Pour le professeur de demain, le référentiel de compétences met l’accent notamment sur l’inventivité de l’enseignant. Ces compétences sont définies dans la recommandation 2006/962/CE du parlement européen : « ensemble de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes appropriées au contexte », chaque compétence impliquant de celui qui la met en œuvre « la réflexion critique, la créativité, l’initiative, la résolution de problèmes, l’évaluation des risques, la prise de décision et la gestion constructive des sentiments ». Celles-ci s’acquièrent et s’approfondissent au cours d’un processus continu débutant en formation initiale et se poursuivant tout au long de la carrière par l’expérience professionnelle accumulée et par l’apport de la formation continue. Pour s’adapter durant toute sa carrière, aux évolutions du contexte, l’enseignant aura besoin d’inventivité. C’est bien un professionnel réflexif, autonome et créatif qui sera le mieux outillé pour affronter l’école de demain.
F. Robine directrice générale de l’enseignement scolaire affirmait : "Enseigner est un métier qui s’apprend" (…) qui s’apprend tout au long de la vie (…) dans un processus subtil de développement progressif et intégré de savoir, de savoir-faire et de savoir-être. ». Le "praticien réflexif" de demain est ainsi en posture de recherche, il fonde et ajuste son action sur l’évaluation des besoins et des progrès des élèves. Il pratique la différenciation pédagogique pour s’adapter à la diversité des élèves. Il utilise les outils numériques et les démarches de projet pour renforcer l’individualisation, l’interaction, la créativité et la collaboration entre les élèves.
Notre problématique de recherche porte sur les habiletés professionnelles des professeurs des écoles. En quoi les enseignants sont-ils des inventeurs permanents d’outils novateurs, de méthodes, de techniques pour accompagner l’adaptation des élèves ? Quels sont leur nature ? Leurs objectifs ? Traduisent-elles des besoins spécifiques ? Dans quelle mesure visent-elles la facilitation de l’apprentissage ? l’éducation du comportement ? Pourquoi les enseignants utilisent-ils des objets de médiation symboliques comme facilitateur d’exercice de leur métier ? En quoi ces approches pédagogiques sont-elles pertinentes ? Quelles en sont les limites ?
Précisions terminologiques. Les concepts de gestes professionnels, de savoir-faire professionnels, d’habiletés professionnelles :
Le terme le plus actuel et usité dans le domaine de la recherche en éducation est celui de geste professionnel. A. Jorro (2009) établit une distinction entre gestes du métier et gestes professionnels. Les gestes du métier sont des gestes codifiés, répertoriés dans la mémoire du métier et structurent l’activité. Il s’agit de gestes emblématiques. Par exemple, l’enseignant devant le tableau, la craie à la main. Ce peut-être des actions stéréotypées (écrire au tableau, corriger des cahiers ou copies d’élèves, faire passer un élève au tableau, etc.). Des expressions corporelles, du visage, ou une intonation de la voix, etc. Autrement dit, pour A. Jorro (2009) ces gestes sont identifiés comme étant les gestes qu’essaieront d’incorporer les enseignants débutants à leur pratique. Les gestes de métier sont des arts de faire et de dire, des savoir-faire partagés et reconnus par une communauté de professionnels. En ce même sens, C. Bulf, (2009) établit une distinction entre gestes du métier et gestes professionnels : « les gestes du métier sont attachés à une culture collective et partagés par une communauté tandis que les gestes professionnels se distinguent par leur dimension singulière, située, et didactique au sens où ils sont toujours dépendants d’(des) objet(s) de savoir en jeu ». En revanche, les gestes professionnels sont entendus comme des signes qui ne peuvent être appréhendés qu’en situation. Autrement dit, des « invariants de situation qui permettent d’identifier les paramètres structurant l’activité » (Jorro, 2009, p. 7). Les gestes professionnels relèvent davantage d’une conception « singulière et contextuelle » (Jorro, 2009, p. 40), c’est-à-dire qui prennent sens selon un contexte donné, dans la situation vécue par l’enseignant lui-même.
Pour L. Ria (2016), la notion de geste professionnel est polysémique, c’est une « technique corporelle et cognitive en usage dans un milieu professionnel, porteur d’une efficacité, efficience (économie de soi) et sens (valeurs) reconnus par les professionnels ». Selon Bucheton et Soulé (2009),(2016) les gestes professionnels sont à mettre en relation avec les finalités qu’ils visent, les objets de savoir convoités. Aux préoccupations des enseignants s’articulent des gestes professionnels qu’il faut apprendre à gérer simultanément. Pour soutenir et encourager l’élève ce seront les gestes d’étayage ; pour donner du sens aux apprentissages ce sont les gestes de tissage ; pour gérer la conduite de la classe ce sont les gestes de pilotage des tâches ; pour créer un climat de travail et de confiance ce sont les gestes d’atmosphère.
Plus précisément les gestes d’étayage sont des gestes par lesquels l’enseignant apporte de l’aide pour une tâche que l’élève ne peut pas faire seul. L’étayage nécessaire pour l’aider « à faire » sans faire à sa place. C’est à Bruner (1991), qu’est emprunté ce concept d’étayage pour désigner toutes les formes d’aide que le maître s’efforce d’apporter aux élèves pour les aider à faire, à penser, à comprendre, à apprendre et à se développer sur tous les plans. La métaphore de Bruner « scafolding » montre bien toute l’ambiguïté de cette relation d’aide. Indispensable, mais aussi voué à disparaître, « scafolding », c’est l’échafaudage qu’on enlève quand la maison est construite. Il a besoin d’être fiable, durable, il nécessite la confiance. L’étayage est une préoccupation majeure qui s’actualise en diverses postures. L’étayage manifeste le souci de l’autre, l’empathie nécessaire pour l’accompagner dans son parcours d’apprentissage. On observe que, pendant le déroulement de la leçon ou des tâches programmées, ce souci d’étayage oblige l’enseignant à ajuster et à réorganiser l’ensemble de ses préoccupations : modifier l’exercice prévu, prendre du temps pour revenir sur une notion, focaliser l’attention sur un élément problématique du savoir, le faire repérer, nommer et en même temps maintenir l’engagement des élèves par toutes sortes de tissages, d’encouragements, parfois de menaces.
Les gestes de tissage amènent les élèves à faire des liens entre les tâches, avec l’avant et l’après de la leçon, le dedans et le dehors de la classe. Le tissage désigne encore le lien entre ce que l’élève sait déjà et ce qu’il apprend, par tissage nous nous référons à l’activité du maître ou des élèves pour mettre en relation le dehors et le dedans de la classe, la tâche en cours avec celle qui précède ou qui suit, le début avec la fin de la leçon. Ainsi ce concept de tissage se veut une métaphore de l’activité centrale du cerveau qui consiste à multiplier dans une alchimie encore bien obscure, les synapses entre les neurones, pour favoriser le renforcement des traces, câblages, associations, sensibilisations. Il renvoie surtout aux travaux de la sociologie et l’anthropologie culturelle qui montrent comment tout savoir, toute expérience nouvelle, tout discours s’inscrit dans une continuité, dans des genres, des habitus déjà construits, des stéréotypes, des formes de l’imaginaire déposées dans la culture et l’histoire. Tisser c’est d’abord raviver les empreintes que l’expérience a laissées. L’école très souvent sous-estime cette dimension ou la gère mal. Les savoirs y sont souvent trop vite décontextualisés, cloisonnés. Ce qui ne pose pas problème aux bons élèves qui refont en partie eux-mêmes ou avec l’aide des parents les contextualisations, décontextualisations et recontextualisations nécessaires. Tisser c’est réveiller, raviver des traces déjà là, (les fameux brainstorming) pour planter le décor. Ainsi, les moments d’ouverture de séance, où la mémoire didactique est ravivée comme ceux de clôture sont des moments clés du tissage. Le tissage est une préoccupation assez peu présente chez les novices comme chez les experts (4 % de leurs gestes professionnels). La métaphore renvoie à l’idée que le savoir se construit et prend sens d’abord dans le « déjà-là ». Les gestes de tissage traduisent le souci chez l’enseignant de relier l’avant et l’après de la tâche, le dedans et le dehors de la classe, permettant de faire du lien avec ce qui a été appris à l’école ou ailleurs, dans les leçons ou travaux précédents, dans l’expérience personnelle, les lectures. Ces gestes de tissage sont essentiels pour les élèves « décrocheurs », ou « suiveurs passifs » qui « font » consciencieusement les tâches sans en comprendre les finalités.
Les gestes de pilotage régulent le temps, l’espace, le dérouler des tâches et dispositifs d’enseignement, ils visent son organisation et la cohérence de la séance. Le pilotage est la bête noire du débutant. C’est pour lui un souci matériel constant que de gérer conjointement les diverses contraintes relatives au temps : la succession des tâches prévues, le programme, les évaluations ; celles relatives à l’espace et au matériel : les possibilités offertes par la disposition des tables, affichages, le matériel pédagogique ou technologique disponible. Le pilotage demande des ajustements très variables selon le type de dispositif (travail collectif, en groupes, en atelier dirigé, par binômes, dans des classes à plusieurs niveaux).
Le climat scolaire, c’est l’atmosphère. Les gestes d’atmosphère visent à réguler les relations, à maintenir la cohésion du groupe, à créer un climat d’apprentissage. Le climat scolaire c’est l’espace intersubjectif qui organise la rencontre intellectuelle, relationnelle, affective, sociale entre des individus confrontés à une situation contenant des enjeux à gérer en commun atmosphère décisive pour capter l’attention des élèves, les faire entrer dans le présent de la classe, susciter et maintenir leur engagement affectif, relationnel, intellectuel. Ajoutons aussi combien ces gestes d’atmosphère relèvent d’une éthique professionnelle : laisser aux élèves un espace de parole pour parler, penser, apprendre et se construire, leur apprendre à être à l’écoute de l’autre. Cette atmosphère est sous la responsabilité de l’enseignant. Le maintien d’une certaine atmosphère passe par une multitude de gestes, sourires, déplacements, plaisanteries, interpellations ou regards. Par la qualité et la personnalisation des feedbacks aux élèves, l’enseignant essaie de créer et de maintenir des espaces dialogiques oraux ou silencieux, heureux ou parfois orageux. Il a en charge le maintien non de l’ordre mais d’un climat cognitif et relationnel, d’un ethos qui autorise la singularité de la parole de l’élève dans l’espace protégé de la classe.
Le geste professionnel est ainsi du côté de la gestualité orale et/ou corporelle et de la réflexion de l’enseignant pour mener à bien ses objectifs et les finalités de son action. Selon le centre national de ressources textuelles et lexicales, le geste désigne une activité corporelle particulière d’une pers, un mouvement extérieur du corps (ou de l’une de ses parties), perçu comme exprimant une manière d’être ou de faire (de quelqu’un). Une attitude, un mouvement, une action, une allure, une posture en sont des expressions synonymes. La posture est un mode d’agir temporaire pour conduire la classe et s’ajuster dans l’action à la dynamique évolutive de l’activité et des postures des élèves. L’enseignant expert circule, par exemple, sur plusieurs postures d’étayage. En ce sens, un geste professionnel est un signe verbal et non verbal adressé à un ou plusieurs élèves pour susciter leur activité. Il est fait pour être compris. Il manifeste une intention que les élèves doivent être en mesure de comprendre. Il relève d’une culture scolaire et disciplinaire partagée.
A. Jorro (2016) montre les composantes multiples des gestes professionnels, indiquant qu’il est difficile de cerner la notion tant elle recouvre l’ensemble des activités à l’interface de la didactique et de la pédagogie. Elle les décrit dans leur dimension qualitative. Ce puis être des gestes langagiers : modalité discursive (injonction, explication, argumentation, narration ; ou encore des gestes de mise en scène des savoirs : pour le professeur (enrôler l’élève ou le groupe classe) ; des gestes de confirmation vers l’élève, vers la classe ; des gestes d’enrôlement de l’élève ; des gestes d’amplification de la parole de l’élève ; des gestes de rappel d’un contenu, vers le savoir ; des gestes de vérification des traces écrites des gestes de démonstration ; des gestes d’ajustement de l’activité ( geste de cadrage de l’activité, geste d’accélération de l’activité, geste de ralentissement de l’activité, geste de maintien) ; des gestes didactiques visant à formaliser et conceptualiser des savoirs spécifiques des gestes éthiques…
Notre recherche porte sur l’adresse des enseignants à viser les finalités décrites précédemment mais plus singulièrement par l’utilisation d’un tiers. Un tiers entre l’enseignant, le sujet, et l’objet d’apprentissage, par l’utilisation d’une médiation symbolique. Cela peut être un outil, un objet, ou un élément du corps comme la tête, le visage, les doigts. En quoi l’utilisation de cette médiation est-elle facilitatrice d’apprentissage et/ou de régulation du comportement, d’autonomisation ? Certes ces moyens s’accompagneront d’une gestualité, et de paroles mais c’est la médiation du tiers en tant que symbole qui nous intéresse. Pourquoi les enseignants utilisent-ils ces médiations pratiques et quels sont leurs intérêts au regard des finalités visées ?
Dès lors ont ne se situe pas stricto sensu sur le plan de l’analyse des gestes professionnels prénommés, ni des gestes référant au métier, mais plutôt d’habiletés professionnelles de l’enseignant, parfois des astuces que celui-ci utilise. Ces supports peuvent parfois varier car il peut y avoir une forme d’habituation et l’enseignant est amené à réfléchir à d’autres cadres de médiation pédagogique, d’autres techniques. Notre étude porte-t-elle sur les compétences professionnelles ? Dans le Traité des sciences et des techniques de la formation, coordonné par Philippe Carré et Pierre Caspar, Sandra Bélier (1999) propose cette définition de la compétence : "la compétence permet d’agir et/ou de résoudre des problèmes professionnels de manière satisfaisante dans un contexte particulier, en mobilisant diverses capacités de manière intégrée". Guy le Boterf (1997) en propose une autre définition : "la compétence est la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donnés". Il distingue plusieurs types de compétences : savoirs théoriques (savoir comprendre, savoir interpréter), savoirs procéduraux (savoir comment procéder), savoir-faire procéduraux (savoir procéder, savoir opérer), savoir-faire expérientiels (savoir y faire, savoir se conduire), savoir-faire sociaux (savoir se comporter, savoir se conduire), savoir-faire cognitifs (savoir traiter de l’information, savoir raisonner, savoir nommer ce que l’on fait, savoir apprendre).
Dès-lors notre recherche s’intéresse-t-elle aux savoir-faire de l’enseignant ? Si l’on s’en tient à la définition stricto-sensu du savoir-faire : connaissance des moyens qui permettent l’accomplissement d’une tâche ; compétence acquise par l’expérience dans les problèmes pratiques, dans l’exercice d’un métier ; technique particulière qui nécessite de l’expérience et de l’habileté dans un domaine spécifique pour le maîtriser pleinement, alors le savoir-faire est défini comme une qualité acquise dans le temps par maîtrise progressive. Les synonymes de cette notion sont : adresse, doigté, dextérité, virtuosité, art, qualification, technique, compétence, maîtrise, pratique, talent. La définition du centre national de ressources textuelles et lexicales est la suivante : Pratique aisée d’un art, d’une discipline, d’une profession, habileté manuelle et/ou intellectuelle acquise par l’expérience, par l’apprentissage, dans un domaine déterminé.
Or, ce qui nous mobilise c’est la capacité d’invention de créativité de l’enseignant à utiliser, voire à créer des outils/tiers de portée symbolique. Il ne s’agit donc pas de savoir-faire lié à une connaissance précise et acquise mais d’outils de médiation symbolique dont la valeur pédagogique intrinsèque peut être éphémère.
La notion d’habileté désigne une qualité (innée ou acquise) de finesse, d’adresse dans le choix des moyens pour arriver à une fin, une qualité d’adresse, d’intelligence, de compétence dans une activité demandant l’acquisition et l’application de techniques. Les synonymes de l’habileté sont ainsi : l’adresse, l’art, l’astuce, la débrouillardise au sens familier. L’astuce désigne quant à elle la finesse d’esprit, l’habileté, la ruse en un sens défavorable. Une adresse déployée pour échapper à des circonstances difficiles. Autrement dit dans l’habileté il y a l’idée de parer à des difficultés à des circonstances défavorables pour atteindre ces fins mais a contrario de connaître suffisamment le contexte environnemental pour trouver les moyens adaptés pour arriver à ses objectifs.
C’est au niveau de ce dernier cadre notionnel que notre recherche se situe. Nous parlons d’habiletés professionnelles se référant à l’utilisation de médiations symboliques. Ce que nous pouvons ajouter dorénavant est que nous faisons l’hypothèse que ces outils de médiation épousent la composante sensorielle de l’apprenant. Il s’agit donc, par hypothèse, d’outils de médiations sensorielles facilitant l’apprentissage et régulant les comportements. Autrement dit l’utilisation de la médiation d’un langage spécifique qui prend sens au regard des finalités visées.
Approche méthodologique et premiers résultats exploratoires.
Dans le contexte de cette communication nous allons exposer le cadre de notre recherche en cours et ses principaux résultats.
L’enquête est basée sur un corpus de 50 enseignants dont les pratiques personnelles ont été observées durant un mois par des étudiants de licence 3 de Sciences de L’Education. La consigne était pour eux d’observer les savoir-faire professionnels des enseignants. Nous avons utilisé ce terme pour son aspect utilitaire, pour la compréhension mais il ne correspond pas comme nous l’avons évoqué précédemment à la conceptualisation choisie, puisque nous avons retenu le terme d’habiletés professionnelles des enseignants. Il s’agissait pour les étudiants d’observer de décrire, d’analyser, voire d’interpréter l’utilisation de médiation symbolique par les enseignants. Ils ont même évalué leur fiabilité et proposer éventuellement des améliorations. Ainsi, nous avons cherché à investiguer auprès des enseignants, à savoir s’ils sont portés à inventer, à innover, par nécessité, sur le plan de la « mise en scène » des situations d’apprentissage.
Les premiers résultats montrent que des habiletés individuelles peuvent être répertoriées selon différents domaines d’activités pédagogiques.
- Le premier constat de cette analyse montre que ces habiletés recouvrent principalement l’aptitude de l’enseignant à canaliser l’attention, à opérer une gestion émotionnelle, un climat propice aux apprentissages.
- Le deuxième élément concerne les stratégies ou « astuces » pour stimuler la motivation, l’autonomisation et la responsabilisation.
- Le troisième élément est plus intrinsèquement lié à l’apprentissage, il concerne la mise en forme des supports, la présentation des exercices, le cadre formel dont les enseignants jugent qu’il a un rôle important dans l’attractivité des exercices. (Création de supports visuels, nouvelles technologies, utilisation de la sensorialité).
Nous allons ici nommer quelques exemples illustratifs de ces trois domaines, sans être en mesure dans le cadre de cette communication d’en expliciter leurs développements pratiques.
1. S’agissant du domaine de l’instauration d’un climat propice à l’apprentissage et au bien-être des élèves, nous citerons la frise, les fleurs, la fusée du comportement, les fiches de bons comportements, les visages contents pas contents, la boîte à soucis et la boîte à bonheur, la bougie, la boîte à musique, les messages clairs, le Brain gym, les feux tricolores, le bruitomètre, le baromètre sonore, le bâton de pluie, le tétraèdre, le bâton de parole, exercices de relaxation, les affiches de comportements, la gestuation des émotions, la clochette, la chanson du silence, les jeux de scène, le thermomètre du stress, la gestion du bruit avec les papillons, le yoga, les appels attentionnels, le « Classroom screen », les règles des super élèves, la boîte à musique, chaise du calme, le tambourin à clochette, les colliers, les bocaux des émotions, le lion du comportement, le volcan, les doigts, le triangle, la musique zen, feu tricolore du volume sonore, les house points.
2. S’agissant du domaine de la motivation, de l’autonomisation, de la responsabilisation, nous citerons le tableau des responsabilités, le plan de travail, la ceinture des compétences, la fiche contrat, l’embellissement du cadre, l’équipage prenons le cap, les responsabilités, l’horloge colorée, dans mon cartable il y a, les comptines : semaine des canards, semaine des couleurs, cahier de contrat, achat de livres « dyscool », les boîtes personnalisées pour enfant précoce, météo du comportement, jeu de lumière, chanson, apprendre à ranger en musique, se déplacer en musique, les félicitations.
3. S’agissant de l’utilisation d’outils pédagogiques et de supports pour apprendre, nous citerons le Time-Timer, les moyens mnémotechniques (les personnages Retz, les enveloppes de conjugaison), le mur des mots. Les nombres du jour. Le sablier, le verbe à lunettes, la coupe du champion, le plan de travail, astuces des techniques de la main pour le calcul mental, mon corps est mon stylo, panneaux rugueux, chiffres dans le sable. J’apprends les lettres à l’aide d’un oiseau, les cubes pour la numération, les cartes, les bouchons, les lettres rugueuses, le lexi data, le veri-tech, le logico, la maison de la grammaire, le mot du jour, méthode Borel Maisonnay, méthode des Alpha, le jeu du portrait.
Il semblerait donc que les enseignants soient portés à innover, par nécessité, sur le plan de la « mise en scène », dans un contexte de modifications des attitudes vis-à-vis des situations d’apprentissage. C’est du moins ce dont ils témoignent et qu’ils mettent en œuvre par leurs « inventions », leurs « savoir-faire », leurs « astuces » ou leurs pratiques « d’adaptation ». Notre recherche s’oriente vers l’impact des outils de médiations symboliques comme facilitateur d’apprentissage et d’éducation. Comment comprendre et expliquer cet impact ? C’est à partir de l’analyse de situations concrètes précitées et en nous référant aux théories de la symbolisation, de la représentation, du recours à l’image, à la médiation des langages comme vecteur de formation que nous nous poursuivons nos recherches.
Références bibliographiques
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