Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd
Il est courant de lire que les jeunes ne se préoccupent plus de l’actualité, qu’ils délaissent les médias traditionnels pour se focaliser sur les contenus diffusés par les réseaux sociaux numériques. Dans ces déclarations, souvent sous forme de déploration, plusieurs approches sont confondues. Ne pas lire de presse papier et ne pas écouter la radio ne signifie pas délaisser l’actualité.
Seulement, il est vrai que la presse quotidienne et magazine est confrontée à un problème de renouvellement des générations qui laisse à penser qu’une véritable gageure est à relever dans les décennies à venir pour relayer son lectorat vieillissant. Un nouveau rapport avec la presse s’instaure, passant par le numérique et davantage basé sur l’information.
Un accès à l’information par les réseaux sociaux
À rebours des idées reçues, les résultats des enquêtes quantitatives et qualitatives confirment depuis plusieurs années l’intérêt des jeunes pour l’actualité, et cette tendance s’est renforcée depuis la pandémie. Quand ils recherchent une information, un quart à un tiers des 18-25 ans a le réflexe de se tourner vers les sites numériques des journaux de presse nationale, qu’ils considèrent comme des sources fiables.
Mais alors que les générations précédentes développaient des préférences pour tel ou tel titre, ils consultent les uns ou les autres relativement indifféremment. Quand on les interroge, lycéens comme étudiants peinent à situer les lignes éditoriales des quotidiens ou leur sensibilité sur l’échiquier politique. Ce qui les intéresse, c’est l’information journalistique, plus que de savoir si elle émane du Monde, de Libération ou du Figaro. Ils ne consultent pas un quotidien pour son positionnement mais pour la garantie de qualité qu’il représente. Ainsi, les grands journaux fonctionnent de manière globale comme des « marques » de référence.
Avant 18 ans, ce sont plutôt les journaux télévisés et les chaînes d’information en continu qui sont regardés et continuent d’être jugés comme des sources fiables. En revanche, la grille horaire des programmes, avec la « grand-messe » du 20 heures n’a plus vraiment de sens pour eux, à moins que les traditions familiales ne perpétuent les dîners en famille devant le JT.
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Pour les adolescents, comme pour les jeunes majeurs, la plus grande scission avec les générations précédentes réside dans les usages numériques de l’information. À une écrasante majorité, ce sont les réseaux sociaux numériques qui leur servent de portes d’entrée vers l’actualité, en particulier YouTube, Instagram et Twitter, mais aussi Spotify et TikTok dans une moindre mesure.
Les formes brèves qui sont en usage sur ces réseaux font écho au rapport que les jeunes eux-mêmes entretiennent avec l’écrit, à travers textos et émojis. La mise en image des messages y est appréciée, tout comme la possibilité d’envoyer à ses contacts les informations, éventuellement avec ses propres commentaires, ce qui permet d’adopter une posture plus active face à l’information.
Flux d’actualité et risques d’infobésité
Alors que les seniors demeurent très attachés à la presse papier, les jeunes la jugent souvent difficile à lire, parfois absconse et onéreuse. Surtout, aller en kiosque suppose une démarche volontaire dont ils ne voient pas forcément l’utilité puisqu’ils ont pris l’habitude d’obtenir des nouvelles directement sur leur smartphone, sans aucune sollicitation de leur part, si ce n’est d’avoir activé des notifications sur leur téléphone une fois pour toutes.
Tous les matins, ils sont ainsi alertés des principales actualités : « Quand je regarde mon smartphone, j’ai tout de suite accès à l’essentiel des informations importantes et cela me renvoie vers les grands journaux » nous explique Charlotte, 16 ans, dans une enquête en cours auprès de lycéens et d’étudiants de la région Grand Est. Si le sujet l’intéresse, elle n’a donc plus qu’à cliquer.
Cette manière de s’informer a rendu particulièrement floues les logiques éditoriales. L’intérêt est suscité par la nouvelle, peu importe aux yeux du jeune internaute vers quel journal ou le pure player d’information l’algorithme du smartphone le renvoie.
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Au final, le risque serait plutôt celui d’une « infobésité » que d’une anémie informationnelle. Être informé en continu par les réseaux sociaux peut provoquer une anxiété face aux désordres du monde. Nous pourrions parler de « stress informationnel », provoqué par le fait d’être informé en continu. Cela ne laisse aucune respiration et peut même devenir culpabilisant pour celle et celui qui désireraient s’en soustraire. Ainsi, le temps de la lecture que représentait la lecture d’un journal papier a volé en éclats. S’y est substituée une logique du clic et du rebond bien plus chronophage, et sans hiérarchisation éditoriale.
Lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux, cela peut aussi laisser la part belle aux « fake news » et à la désinformation puisque la reprise et la viralité des informations échangées sont facilitées, quels que soient leur valeur et leur degré de fiabilité.
Le rôle de l’éducation à l’information
Faudrait-il en conclure que les adultes n’ont plus de place dans le rapport que les jeunes entretiennent avec l’actualité ? Lorsque des journaux et des magazines sont achetés par les parents et laissés à disposition dans la maison, les enfants ont tendance à les feuilleter. Maxence (20 ans), jeune étudiant, lit le journal local acheté par sa mère, tout comme Amel (19 ans) : « Papa laisse sur la table du salon l’Est éclair, ce qui me donne envie de le lire le week-end ». Chloé (19 ans), quant à elle, déjeune avec son grand-père tous les midis et en profite pour lire le journal régional.
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L’avis des adultes, et en particulier des professeurs, compte. En témoigne Pauline (17 ans) : « J’ai choisi de recevoir les nouvelles du Figaro sur mon téléphone car c’est un enseignant qui nous l’a conseillé ». Les séances d’éducation aux médias et à l’information en classe portent leurs fruits et sensibilisent les jeunes à la lecture de la presse et à l’actualité. Les pays européens prennent progressivement conscience de son importance, certains ayant par exemple soutenu le programme européen MEDEAnet promouvant l’apprentissage aux médias numériques et audiovisuels.
De la même manière, produire des journaux lycéens et étudiants suscite le goût pour la presse et l’information journalistique, et permet de mieux comprendre les exigences déontologiques de la profession. Ainsi, Lucie (20 ans) se rappelle des séances en EMI au collège qui lui ont fait découvrir les métiers liés au journalisme.
Il revient enfin aux journalistes et aux médias traditionnels de penser davantage aux jeunes, en leur donnant la parole, en traitant de sujets dont ils se sentent proches : l’écologie, les questions de genre, la parité… La participation des journalistes à la semaine de la presse à l’école est aussi un moyen de mieux faire connaître la presse et la diversité de l’offre médiatique, son importance pour vivifier la démocratie.
Laurence Corroy a reçu des financements d’organisations publiques.
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