L’outil numérique Virtual Tour (360) de H5P, au service de la pédagogie par projet et de l’apprentissage expérientiel des sources historiques de l’Antiquité
megpare
Jeu 28/09/2023 - 11:27
Dans ce numéro, Marie-Adeline Le Guennec, professeure d’histoire de l’Antiquité romaine à l’UQAM, présente son projet « L’outil numérique Virtual Tour (360) de H5P, au service de la pédagogie par projet et de l’apprentissage expérientiel des sources historiques de l’Antiquité ». Elle partage le contexte pédagogique de cette innovation, ses objectifs et ses retombées sur l’enseignement et les apprentissages des étudiants et étudiantes dans le cadre d’un cours-atelier de fin de baccalauréat en histoire.
Le contexte du projet
Ce projet a été développé dans un cours-atelier optionnel du baccalauréat en histoire de l’Université du Québec à Montréal. Ce cours, à contenu variable, vise à familiariser les étudiants et les étudiantes de fin de 1er cycle avec les sources historiques de l’Antiquité. À l’hiver 2022, je l’ai consacré au « cas Pompéi », ville de l’Italie romaine figée par l’éruption du Vésuve, site archéologique majeur et destination touristique mondialisée. Le cours-atelier avait pour objectif d’amener les membres du groupe (une douzaine de personnes) à explorer les enjeux historiques, archéologiques et patrimoniaux du site. La formule pédagogique de l’apprentissage par projet m’est apparue pertinente pour favoriser l’appropriation active, par les étudiants et étudiantes, de réalités antiques qui leur paraissent souvent très lointaines dans le temps et l’espace, et de ce fait, très abstraites. Pour les aider à réduire cette distance, j’ai proposé aux participants et participantes de construire une visite virtuelle d’un monument pompéien de leur choix, à partir de l’outil numérique Virtual Tour (360) (H5P) intégré à l’environnement Moodle, que j’avais eu l’occasion de découvrir lors d’une formation proposée par le Carrefour pédagogique et technopédagogique de l’UQAM. Durant tout le processus de création de cette activité (prise en main de l’outil, résolution des difficultés techniques, adaptation pédagogique), j’ai d’ailleurs bénéficié du soutien du Carrefour, et en particulier de Pablo Castell, chargé de projets, que je remercie chaleureusement.
Les intentions pédagogiques
Les stratégies et les outils pédagogiques développés ont visé à :
- étendre les connaissances des étudiantes et étudiants sur l’Antiquité romaine, ses sources et ses méthodes d’étude ;
- développer leurs habiletés de recherche, en particulier pour ceux et celles qui souhaitaient poursuivre aux cycles supérieurs ;
- les sensibiliser aux enjeux de la médiation culturelle, dans l’optique de leur insertion professionnelle dans les milieux de pratique en sciences humaines ;
- accroître leur autonomie et leur implication active dans leurs apprentissages ;
- les inciter à collaborer entre pairs, objectif essentiel après deux ans d’isolement pandémique ;
- moduler la transmission des savoirs de l’enseignante aux étudiants et étudiantes par des activités permettant un partage mutuel de connaissances et d’expériences.
Les moyens déployés
La visite virtuelle, qui invite l’étudiant, l’étudiante à prendre un rôle de guide faisant découvrir à son public un site ou monument, s’est révélée un exercice particulièrement adapté à ces visées pédagogiques. Je me suis appuyée sur l’outil numérique Virtual Tour (360) de H5P via Moodle, qui permet de mettre au point un parcours de visite à partir d’un choix de photographies du site en question, auxquelles sont ajoutés des contenus embarqués (textes, images, médias audio ou vidéo…) permettant d’enrichir l’expérience de la découverte.
Les outils H5P sont souvent utilisés en enseignement pour créer et transmettre des contenus. Mais ici, ce sont les étudiants et étudiantes qui ont produit leur propre visite virtuelle pompéienne. Le travail s’est organisé en plusieurs étapes : mise au point du sujet de leur visite, construction d’un parcours (choix des photographies et de leur répartition, élaboration d’un synopsis), mise au point de la documentation embarquée (textes, archives, médias, bibliographie), production de la visite virtuelle sur Virtual Tour (360) et présentation de cette visite à leurs pairs.
Pour faciliter leur prise en main de cet outil innovant, j’ai créé des fiches méthodologiques détaillées ainsi qu’un tutoriel vidéo, et proposé ma propre visite d’une auberge de la Pompéi antique. J’ai aussi adopté un cadre pédagogique souple et progressif. Les membres du groupe pouvaient choisir le sujet de leur visite et de travailler individuellement ou en équipe. L’élaboration d’un calendrier détaillé a permis de les accompagner dans la planification de leur travail. Le choix du sujet se voyait automatiquement attribuer 10 % de la note finale de l’exercice, pour encourager leur créativité. La rétroaction entre pairs lors d’une présentation orale a permis à chaque équipe d’améliorer sa visite pour le rendu final.
Dans une prochaine itération, une perspective d’amélioration sera de donner accès aux visites au-delà du cours et de la fin de la session, offrant une belle valeur ajoutée aux créations des étudiants et étudiantes. La formule pédagogique pourrait aisément être transposée pour d’autres périodes historiques ou d’autres disciplines (histoire de l’art, géographie, urbanisme…) : j’ai déjà pu faire un retour d’expérience sous forme de balado et je serais intéressée à l’idée de développer une trousse « clés en main » à destination des collègues.
Les impacts de l’innovation pédagogique sur les apprentissages des étudiantes et étudiants
Globalement, cette expérience a suscité l’intérêt et l’engagement des participants et participantes. En témoignent les retours très positifs de l’évaluation du cours-atelier à l’issue de la session, les commentaires informels qui m’ont été faits à l’oral et à l’écrit pendant et après le cours, et l’appui de ma candidature aux prix du GRIIP par deux anciens membres du groupe. Certes, les étudiants et étudiantes du cours-atelier ont sans doute été surpris en découvrant cet exercice nouveau pour un enseignement de 1er cycle en histoire ; mais je pense que l’accompagnement et la flexibilité dont j’ai tenté de faire preuve au fil de la session, le fait que je me sois appuyée sur une expérimentation personnelle de la visite virtuelle et de l’outil, et, enfin, que la visite virtuelle n’ait représenté qu’une partie de leur évaluation à côté d’exercices académiques plus classiques et peut-être plus « rassurants » (notamment un essai portant sur le même sujet que la visite virtuelle, mais dans un format écrit plus habituel), ont contribué à lever leurs éventuelles inquiétudes de départ. Les résultats, tant les visites réalisées que les notes obtenues, traduisent d’ailleurs leur grande réussite, avec une moyenne de 90/100 pour la visite virtuelle et pour la présentation orale. Enfin, une étudiante a vu son projet de visite virtuelle sur une boulangerie pompéienne sélectionné pour le colloque de 1er cycle du Département d’Histoire de l’UQAM, une réelle source de satisfaction pour elle et pour son enseignante !
Les impacts de l’innovation pédagogique sur les pratiques d’enseignement
Ce projet s’est avéré très stimulant, intellectuellement et pédagogiquement. D’abord, j’ai apprécié la créativité du groupe, ainsi que d’en suivre les progrès au fil de la session. En laissant aux participants et participantes la liberté de choisir leurs visites selon leurs intérêts, j’ai pu (re)découvrir des monuments de Pompéi et apprendre ainsi à leur contact ; ces moments d’échanges sont précieux et font le sens de mon métier d’enseignante, tout en valorisant les étudiantes et étudiants dans leurs apprentissages. Une amélioration essentielle de mon enseignement est née du fait que l’outil Virtual Tour 360° m’était initialement aussi peu familier qu’aux membres du groupe. Avant de me lancer dans l’expérience, j’ai ainsi dû moi-même m’y former et tester le processus d’apprentissage envisagé : j’ai réalisé une visite virtuelle selon un protocole identique à celui proposé au groupe, de l’élaboration du sujet au résultat final. L’enseignement du processus a ainsi pris la forme d’un partage d’expérience, contribuant à une transmission plus horizontale, favorable à l’interactivité et au plaisir d’apprendre en commun. En outre, cela m’a amenée à me confronter directement aux défis que peuvent rencontrer les étudiants et étudiantes dans leurs apprentissages, ce dont j’ai moins l’occasion dans des enseignements plus académiques dont je maîtrise assez intuitivement les méthodes et les contenus. C’est une posture que je souhaite reproduire désormais autant que possible dans mes cours, car je trouve qu’elle m’aide à améliorer les stratégies proposées aux étudiants et étudiantes afin de surmonter leurs difficultés et à mieux tenir compte de leurs expériences. Enfin, l’outil Virtual Tour (360) a plus personnellement nourri mon goût pour l’éducation au et par le numérique au niveau universitaire.
Des conseils ou des réflexions à partager…
- Testez l’activité avant de l’enseigner : développez des exemples concrets, dont les participants et participantes pourront s’inspirer, et expérimentez chaque étape des activités, pour désamorcer les difficultés qui pourraient surgir en cours de processus.
- Prévoyez un plan B : si l’outil est difficile à prendre en main, s’il dysfonctionne, s’il n’est plus hébergé par Moodle, prévoyez une alternative pour maintenir l’activité. Pour une visite virtuelle, une simple présentation Powerpoint peut faire l’affaire !
- Soyez enthousiaste : Virtual Tour (360) s’apprivoise facilement, mais son emploi en classe implique un certain goût pour les outils et les approches technopédagogiques. Sinon, inutile de se forcer, tous les formats pédagogiques sont innovants si l’on prend plaisir à les développer !
Pour en savoir plus...
H5P. (2019, 25 février). Virtual Tour (360). H5P. https://h5p.org/virtual-tour-360.
Le Guennec M.-A., Castell P., Munn Y. (2023, 25 janvier). H5P en Histoire de l’Antiquité à l’UQAM [Balado]. Collimateur Veille pédagonumérique, UQAM. https://collimateur.uqam.ca/collimateur/h5p-en-histoire-de-lantiquite-a…
Pédagogie universitaire. (2023, 30 mars). Lumières sur l’innovation pédagogique – Les Prix du GRIIP 22-23. Projet de Marie-Adeline Le Guennec [vidéo]. Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=uTRAxPOFVnQ
Références
s.o.
Notice biographique
Marie-Adeline Le Guennec est professeure d’histoire de l’Antiquité romaine à l’UQAM depuis 2019. Docteure d’Aix-Marseille Université (2014) et ancienne membre post-doctorante de l’École française de Rome (2015-2019), elle se spécialise dans l’étude des migrations, des mobilités et de l’accueil dans l’Occident romain. Elle anime depuis 2015 un projet de recherche dédié à l’hospitalité dans l’Antiquité méditerranéenne (HospitAm, avec Claire Fauchon-Claudon, ENS de Lyon) et s’occupe actuellement de la publication des graffiti du couloir des théâtres de Pompéi (Bruits de couloir, avec Éloïse Letellier-Taillefer et Louis Autin, Sorbonne Université). Dans ses enseignements, elle cherche à rapprocher les étudiants et étudiantes des civilisations anciennes et de leurs témoignages documentaires.
Mentions de responsabilité
Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)
Comité éditorial : Marie-Christine Dion, Isabelle Gallard, Marie-Eve Gonthier, Alain Huot, Céline Leblanc, Brigitte Pilon
Coordination : Marie-Ève Gagnon-Paré
Rédaction : Marie-Adeline Le Guennec
Révision linguistique : Dominique Papin
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