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Repenser le rôle de l’enseignant en école de management

Un article repris de https://theconversation.com/repense...

Depuis la pandémie du Covid-19 et l’institutionnalisation de l’enseignement dit « à distance », les attitudes des étudiants, comme leurs pratiques d’apprentissage, ont changé : éparpillement ou peur de l’interaction apparaissent comme des comportements qui, à défaut d’être totalement nouveaux, se sont plus largement diffusés.


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La question de l’engagement étudiant n’a donc jamais autant été d’actualité, comme le montrent, entre autres, les récentes publications sur la question de l’interdiction des outils numériques ou celle de l’utilité d’un learning experience designer.

Cependant, cet engagement dans les apprentissages est-il toujours l’apanage du seul étudiant ? Ne dépend-il pas d’autres facteurs, et son entretien n’est-il pas à chercher aussi du côté de la pédagogie ?

La posture du « professeur-ressource »

En tant qu’enseignants, et membres d’un groupe de travail prônant un renouvellement constructif des pratiques pédagogiques, nous avons tenté d’appréhender cette question à partir de notre posture et de notre rôle dans la relation, souvent très verticale, entre un enseignant et son audience.

Pour pousser cette idée selon laquelle l’engagement étudiant est permis et/ou facilité par l’enseignant, nous suggérons l’utilisation de la grille managériale du leadership dite « au service de » (ou servant leadership) via l’application d’une posture que nous qualifions de « professeur-ressource » – interprétation faite du Teacher-as-Servant développée par J. Martin Hays. Le terme de ressource a notamment été choisi pour insister sur l’importante capacité facilitatrice, et la « mise à disposition » (de ses connaissances, de ses compétences, de son temps…) que tout enseignant devrait permettre et favoriser.

Le but, avec une telle dénomination, est de présenter l’enseignant comme une ressource parmi d’autres auxquelles un étudiant a accès durant sa scolarité. Cette ressource, permettant l’accès au savoir et le développement de savoir-faire et savoir-être, est pourtant rarement ou imparfaitement mobilisée, comme en témoigne, par exemple, la relative rareté des échanges sollicités par les étudiants après les cours.

Favoriser les interactions entre professeurs et étudiants

L’intérêt est ici multiple. Pour l’étudiant, outre la volonté évidente de décupler son engagement, l’idée demeure la désacralisation relative de la relation habituelle (trop verticale) avec l’enseignant tout comme l’accroissement de la confiance dans cette dernière.

Pour l’enseignant, en plus de pousser à une meilleure réflexivité sur sa propre pratique, se définir comme une ressource permet d’élargir le périmètre de son activité. Présenter cette grille lors d’une session introductive aux étudiants, une pratique mobilisée lors de notre expérimentation, a entraîné l’émergence d’une relation différente en motivant implicitement les étudiants à plus discuter avec leur enseignant à la sortie des cours par exemple.

Avec une posture relevant moins de celle du « sachant » mais davantage de celle de l’écoute, ce « professeur-ressource » devrait suivre dix grandes caractéristiques, comme proposées par Hays, dans son article passé relativement inaperçu à l’époque : l’empathie, la bienveillance, la pédagogie, la co-conscientisation, la capacité à donner du sens, l’articulation, l’engagement, l’endurance à l’effort, la capacité d’écoute, et le sens commun (cf.tableau ci-dessous).

Fourni par l’auteur

Au-delà de ces attributs, l’intérêt était de mettre en exergue la nécessaire réflexivité qu’un enseignant doit avoir sur son impact dans l’apprentissage et surtout dans la médiation qu’il joue entre une connaissance à transmettre et un apprenant.

Une demande de personnalisation des enseignements

Après avoir défini et traduit dans un contexte pédagogique les dix grands items, nous avons testé cette grille via une expérimentation effectuée lors de l’année scolaire 2022-2023. Le dispositif impliquait deux enseignants qui assuraient le test auprès de deux de leurs groupes : un groupe « témoin » et un autre auquel avait été présenté et expliqué le dispositif.

Nos résultats montrent tout d’abord que certaines des catégories semblent plus importantes que d’autres aux yeux des étudiants, et que ce ne sont pas forcément celles que nous avions anticipées. Si les attentes des étudiants sont homogènes lorsque l’on compare les échantillons, le rôle de l’enseignant se voit aujourd’hui amené à changer par exemple au regard de la personnalisation de son engagement. Cela va sans doute de pair avec le jugement « peu utile » donné par les étudiants à l’importance du sens commun et de la création d’une vision commune entre tous les apprenants.

Un autre résultat intéressant concerne le rôle de la bienveillance. Si, en tant que valeur, elle est indéniablement à la mode, son application dans une salle de cours semble majoritairement tout juste « utile » pour les répondants. L’item « co-conscientisation » a fait l’objet de débats instructifs, tant dans l’optique d’affiner sa compréhension que dans sa mise en application. Enfin, notre étude confirme l’importance de deux dimensions que tout enseignant devrait a priori déjà mettre en place dans ses cours comme la « capacité d’écoute » et « l’empathie ».

Impliquer les étudiants dans la réflexion

Malgré l’existence de limites, par exemple en termes de potentielle généralisation, le fait même de proposer et de communiquer (ou non) sur ce dispositif a eu un impact sur nos étudiants et sur leur engagement ; et la différence entre les groupes « témoins » et ceux mis au courant s’est avérée significative. De plus, via la communication de notre expérimentation, cette étude permet d’envisager de nouvelles méthodes d’évaluation des enseignants et de leurs cours auxquelles ces derniers sont soumis de la part de leur institution et de leurs étudiants. Principalement quantitatives et souvent désincarnées, ces évaluations manquent actuellement d’indicateurs qualitatifs et de considérations plus relationnelles.


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Enfin, si certaines dimensions demeurent obscures pour les étudiants et nécessitent d’être affinées, cette expérimentation a le mérite de repositionner le débat en signifiant à l’étudiant qu’il n’est pas seul et que son premier interlocuteur reste son enseignant.

Plus attentif à la qualité relationnelle et moins dans une posture de sachant, plus interactif et moins directif, plus à l’écoute et moins « bavard », plus empathique qu’emphatique : le professeur-ressource pourrait bien être un « professeur augmenté », facteur d’un engagement et d’une expérience étudiante améliorés.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

Licence : CC by-nd

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