Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

Une initiative de l'Institut Mines-Télécom avec un réseau de partenaires

Témoignage : Cinq idées pour enseigner à distance autrement

Un article repris de https://theconversation.com/temoign...

Comment échapper à un des syndromes classiques du distanciel, les webcams des étudiants fermées ? Author provided

La crise de la Covid-19 a imposé l’enseignement à distance à tous, non sans douleur. À l’Université, nos étudiants sont presque exclusivement en distanciel depuis bientôt un an ! Ces confinements successifs ont eu de lourdes conséquences. Il y a d’abord eu les soucis techniques, la mauvaise connexion réseau, le matériel informatique insuffisant, la difficulté à s’isoler des autres.

Puis, très vite, on a découvert d’autres difficultés plus profondes, des étudiants confinés dans de petites chambres au wifi intermittent, d’autres rencontrant des difficultés économiques et sociales qui s’ajoutent aux problèmes psychologiques.

Du côté des enseignants, nous avons tous dû nous adapter et modifier notre façon d’enseigner pour pallier tant bien que mal les contraintes du distanciel. À l’Université Paris-Saclay, nous avons testé plusieurs pratiques et outils nouveaux, nous les avons expérimentés avec nos étudiants, nous les avons partagés entre nous. En voici cinq, cinq astuces simples à mettre en œuvre, qui nous ont permis, au moins en partie, d’améliorer notre quotidien d’enseignants confinés.

Utiliser les plates-formes autrement

Durant les premiers confinements, nous avons souvent dû faire au plus simple, en proposant aux étudiants en guise de cours des diaporamas commentés au micro. Mais nous avons vite senti les limites de ce format, la lassitude qu’il occasionne chez nos étudiants, quelle que soit la plate-forme utilisée : Zoom, Collaborate, Teams, Meet, etc.

C’est là que nous avons découvert le logiciel OBS. Utilisé au départ par les YouTubers pour rendre leurs vidéos plus vivantes, ce logiciel libre permet à l’orateur d’alterner très simplement différentes scènes, montrant tantôt son visage plein écran, tantôt un cahier sur lequel il écrit, tantôt son visage à côté d’un diaporama, tantôt une vidéo.

Grâce à OBS, son ordinateur, et un smartphone, on peut réinventer le tableau noir.

Dans un tuto de cinq minutes, nous montrons comment prendre cet outil en main et devenir son propre « réalisateur télé », à peu de frais. Les cours deviennent étonnamment plus vivants, qu’on les délivre en direct ou qu’on les enregistre à l’avance.

Cela permet aussi d’utiliser une deuxième webcam, ou, à défaut, un smartphone, pour filmer une feuille de papier sur laquelle on peut écrire et dessiner en direct. À l’usage, cette nouvelle façon de gérer différentes vues permet de repenser la dynamique de ses séances de cours.

Encourager l’échange

Quel prof n’a pas connu ce moment glaçant où il se retrouve seul, face à sa caméra, les webcams et micros des étudiants restant fermés ? Nous avons expérimenté plusieurs solutions pour améliorer la situation.

  • « Répondez sur le chat » est une première façon efficace de créer un dialogue.

  • La variante « Dessinez la réponse sur le tableau partagé » met à profit cet outil présent sur de nombreuses plates-formes.

  • On peut aussi lancer à intervalles réguliers des sondages auprès des élèves, questions à choix multiple, cartes ou images à cliquer, questions ouvertes… Les solutions intégrées aux plates-formes sont nombreuses, nous utilisons également Wooclap et Google Form.

Autre remède possible : les « brise-glace » (« ice-breakers » en anglais), petits jeux informels pour créer une ambiance conviviale et bienveillante et pousser les étudiants à ouvrir leurs webcams quand c’est possible pour eux. On peut proposer des petits jeux où l’étudiant répond VRAI/FAUX en ouvrant/fermant sa webcam. Ou bien le défi du « fond d’écran virtuel le plus original » sur un thème imposé. Nous avons imaginé une vingtaine de ces « ice-breakers » qui peuvent occasionner des pauses ludiques au milieu de contenus plus austères.

Quelques ice-breakers : pointer où on veut partir en vacances/ramener un objet jaune en moins d’une minute/répondre à une question avec ses pouces/dessiner ensemble sur un thème.

Enfin, le travail en petits groupes permet, lui aussi, d’échapper à un enseignement entièrement descendant et créer du même coup du lien entre étudiants. Pour cela, nous utilisons la plate-forme gratuite Discord. Issue du monde du jeu vidéo, elle permet d’alterner des séquences en classe entière ou en petits groupes, tout le monde navigue d’un lieu à l’autre de façon fluide, chacun peut partager des documents ou son écran, même hors des heures de cours. Là encore, quelques minutes suffisent pour s’y initier.

Forcer les étudiants à se lever

Nos étudiants sont coincés face à leur écran toute la journée. Pour y échapper, on peut proposer des activités qui engagent le corps. Plusieurs d’entre nous ont par exemple développé des activités expérimentales à distance où nos étudiants doivent mener des mesures avec leurs smartphones.

Pour que les étudiants quittent leur écran, on peut leur demander de faire une mesure avec leur smartphone. A. Khazina, La Physique Autrement

Nous avons aussi conçu des travaux pratiques pour le lycée avec l’Éducation nationale. Au-delà de leur intérêt scientifique, ces activités amènent les élèves à s’extraire du tout virtuel, à se lever et devoir concevoir ou expérimenter eux-mêmes.

Hors du champ scientifique, on peut imaginer des activités similaires pour les rendus. Au lieu de réclamer à nos élèves un compte-rendu écrit ou une diapo, pourquoi ne pas leur demander une vidéo ou une maquette, bref n’importe quoi qui les force à se détacher un instant des écrans ? Les outils de montage gratuits (comme Youcut sur Android, VSDC sur Windows ou iMovie sur Mac) leur permettront de concevoir ces vidéos en quelques minutes.

Permettre aux étudiants d’échapper au quotidien

Le confinement est monotone, toujours la même routine et le même décor, à la façon du film Un jour sans fin. Pour y échapper, nous avons développé des pédagogies basées sur la fiction. Dans ces enseignements, nous proposons aux étudiants de vivre dans un univers fictif où ils jouent un rôle tout comme leurs enseignants. Par exemple, ils doivent secourir un vaisseau spatial à distance. À eux de créer, imaginer, bricoler, mesurer, depuis chez eux mais en équipes.

Le distanciel est ici un atout : plus besoin de grands décors ou de costumes, un simple fond virtuel ou un mail avec en-tête suffisent à faire croire que c’est la NASA qui les contacte.

Morgane Parisi, La Physique Autrement et le COMPAS.

Nous avons aussi expérimenté des escape games en ligne, comme celui où il faut empêcher la fac de geler suite à une fuite d’azote liquide. Un outil simple et efficace, genial.ly, permet de concevoir de tels jeux, notamment grâce aux tutos de la très active communauté pédagogique S’Cape.

Partager entre collègues

Les étudiants ne sont pas les seules victimes du distanciel. Les enseignants, eux aussi, vivent une situation difficile et solitaire. Instaurer des moments d’échange réguliers entre collègues peut aider à se sentir moins seul.

À l’Institut Villebon-Georges Charpak, nous avons instauré des « cafés zoom » hebdomadaires permettant à chacun de venir échanger sur ses problèmes ou ses trouvailles pédagogiques, une sorte de salle des profs virtuelle. Au-delà, des workshops ont été menés entre collègues, pour s’entraîner ensemble aux outils déjà cités. La forme sert le fond : quoi de plus démonstratif que de former à de nouvelles méthodes d’enseignement à distance justement en le faisant à distance !

Ces cinq propositions présentent de nombreuses limites. Elles ne résolvent probablement pas les problèmes de fond du distanciel. Surtout, leur efficacité globale demanderait à être évaluée avec un protocole sérieux. En attendant, elles ont vraiment amélioré notre vécu d’enseignants et enseignantes, et c’est déjà ça.

The Conversation

Julien Bobroff a reçu des financements publics de l’Université Paris-Saclay, de sa Fondation et de son IDEX, du CNRS et de l’ANR.

Frédéric Bouquet a reçu des financements publics de l’Université Paris-Saclay, de sa Fondation et de son IDEX, du CNRS et de l’ANR.

Jeanne Parmentier est ingénieure de recherche à l’Institut Villebon - Georges Charpak. Celui-ci est un Groupement d’intérêt public qui reçoit des financements de l’Université Paris Saclay, de l’Université de Paris, de l’Université d’Evry-Val-d’Essonne, de l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, d’écoles du groupement ParisTech et de la fondation ParisTech. Il a également reçu un financement IDEFI par l’ANR de 2012 à 2020."

Licence : CC by-nd

Répondre à cet article

Qui êtes-vous ?
[Se connecter]
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom