Les choix pédagogiques de la personne enseignante : leviers privilégiés pour engager les étudiantes et les étudiants dans la réflexion et le changement
mmlemieux
mer 10/02/2021 - 10:47
Article
Boelen, V. et Chaubet, P. (2020). Deux conditions et deux mécanismes pédagogiques favorables à la réflexion conduisant à des mobilisations et changements : étude de cas d’un cours universitaire en éducation relative à l’environnement. Enjeux et société. Approches transdisciplinaires, 7(2), 184-216. https://doi.org/10.7202/1073365ar
Résumé
L’article de Boelen et Chaubet (2020) porte sur une recherche menée dans la continuité de quatre études de Chaubet et ses collaborateurs (2016) visant « l’avancement des connaissances sur les pratiques enseignantes qui déclenchent la réflexion chez les apprenants » (Boelen et Chaubet, 2020, p. 186). Le cas étudié dans le présent article porte sur un cours de 2e cycle en éducation relative à l’environnement au Québec. Le discours de huit étudiantes et étudiants ayant participé à une entrevue de groupe semi-dirigée a été analysé selon la démarche d’ingénierie inverse, c’est-à-dire que leur discours permet de reconstituer les actions pédagogiques qui ont contribué à stimuler leurs réflexions, leur vision du monde et leur force d’agir comme personnes apprenantes.
Le cadre théorique de l’étude de Boelen et Chaubet (2020) s’appuie entre autres sur le concept de la pensée réfléchie de Dewey qui postule qu’elle « est liée à une enquête signifiante, un processus d’investigation déclenché chez l’individu par une interpellation issue du vécu expérientiel » (p. 186).
Les réflexions des étudiantes et des étudiants dans le cadre du cours étudié ont mené à quatre grands changements :
- Les étudiantes et les étudiants se perçoivent comme actrices ou acteurs et non plus comme spectatrices ou spectateurs fatalistes par rapport aux enjeux environnementaux ;
- Leur vision du monde a changé ;
- Leur rapport avec le monde, l’environnement et les autres a changé ;
- Ces personnes apprenantes ont développé un esprit critique par rapport aux informations véhiculées à propos de l’environnement.
À l’origine de ces changements, deux conditions et deux mécanismes pédagogiques et didactiques ont été identifiés :
- Condition 1 : l’enseignante ou l’enseignante comme source d’inspiration dans son engagement vis-à-vis de l’environnement.
- Condition 2 : l’installation d’une « symétrie de la parole » ouverte aux questionnements et à la discussion soutenue par une authenticité et une bienveillance constante de la personne enseignante.
- Mécanisme 1 : stimulation de la mise en marche d’une démarche d’enquête chez les étudiantes et les étudiants liée à leur vécu et à leurs intérêts.
- Mécanisme 2 : accès libre à un corpus théorique et à des ressources diversifiées pour appuyer les enquêtes des étudiantes et étudiants.
Dans la discussion des résultats, Boelen et Chaubet (2020) précisent que les résultats obtenus complètent la synthèse de Chaubet et ses collaborateurs (2016) et concordent avec la littérature sur la pratique réflexive.
Appréciation et utilisation potentielle
Bien que la recherche de Boelen et Chaubet (2020) présente des limites (nombre de participants et impossibilité d’affirmer que les changements qu’ils expriment perdureront), l’incursion dans le vécu d’un petit groupe de personnes étudiantes ayant partagé un même cours offre une occasion intéressante de comprendre les impacts réels des choix pédagogiques et des attitudes de la personne enseignante. C’est en effet une démonstration très pertinente du fait qu’elle a en main les leviers pour modifier considérablement l’expérience d’apprentissage des étudiantes et des étudiants.
Le fait que la recherche s’inscrive en continuité avec d’autres et soit en concordance avec les écrits scientifiques du domaine de la pratique réflexive apporte une crédibilité aux résultats obtenus et rend d’autant plus intéressante la lecture de cet article.
Boelen et Chaubet soulèvent également la question de l’innovation dans les pratiques enseignantes qui est au cœur des activités de réflexion des étudiantes et des étudiants. Il est souligné que les mécanismes et conditions nommés dans cette recherche ne revêtent pas un caractère de nouveauté, mais plutôt de rareté (et de fraîcheur) dans l’enseignement, particulièrement au niveau universitaire. Ce qui est souhaité, c’est que la pédagogie active, comme illustrée dans cet article, entre en phase « d’in-novation » et fasse largement partie des pratiques d’enseignement universitaire. C’est une position qui me rejoint en tant que conseillère pédagogique.
Référence
Chaubet, P., Correa Molina, E., Gervais, C., Grenier, J., Verret, C. et Trudelle, S. (2016).Vers une démarche d’ingénierie inverse pour étudier la réflexion sur la pratique et ses situations de déclenchement. Illustration sur quatre études. Approches inductives, 3(1), 91-124. https://doi.org/10.7202/1035196ar
Notice biographique
Après plusieurs années d’enseignement, Céline Leblanc a entrepris une carrière de conseillère pédagogique en technologie éducative à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) où elle travaille depuis 2008. Dans le cadre de ses fonctions, elle s’intéresse particulièrement à la pédagogie en enseignement supérieur en présentiel. Entre autres, elle coordonne le programme de mentorat entre enseignants et les activités pédagogiques et technopédagogiques offertes à l’UQTR, elle collabore à la communauté de pratique en pédagogie universitaire ainsi qu’à la formation des nouveaux professeurs et des nouveaux chargés de cours de son établissement. Elle est membre du GRIIP depuis 2008 et elle participe aux Lectures choisies, au comité éditorial du Tableau, au comité des Webinaires du GRIIP et a contribué au développement des modules d’autoformation « Enseigner à l’université ».
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