Instagram comme communauté d’apprentissage et de développement des compétences pratiques
mmlemieux
lun 15/02/2021 - 13:20
Dans ce numéro, Martin Lavallière, professeur-chercheur à l’UQAC, et son collègue Mathieu Tremblay, professeur-chercheur à l’UQAR, abordent l’utilisation d’INSTAGRAM comme communauté d’apprentissage et de développement des compétences. Ils y partagent différentes pratiques permettant d’utiliser ce type de médias sociaux comme point d’attache des apprentissages pour les étudiantes et les étudiants et de générateur de contenu pratique pour favoriser la participation en classe.
Mise en situation
Adam et Marlène co-enseignent un cours portant sur les facteurs humains et l’ergonomie auprès d’étudiantes et d’étudiants dans le domaine de la santé. Puisque le cours est donné à distance et sous différentes contraintes d’horaires, ces personnes enseignantes ne peuvent pas toujours se déplacer dans les milieux de travail avec les étudiantes et les étudiants afin de s’exercer à prendre des mesures et à évaluer l’ergonomie de l’environnement et du travail en contexte réel comme le voudraient les meilleures pratiques en ergonomie.
Ces personnes enseignantes cherchent donc une façon de jumeler la capacité des étudiantes et étudiants à recueillir des informations sur le terrain et à développer leur capacité à collaborer et communiquer avec leurs pairs les observations et les réflexions qui en découlent. Leur collègue William leur a parlé de communautés d’apprentissage utilisant les réseaux sociaux comme Instagram qui permet le partage d’images, de photos et de commentaires. Elles se demandent néanmoins si les étudiantes et les étudiants seront à même de tirer avantage d’une telle plateforme comme point de rencontre des interactions et des apprentissages alors qu’elle est déjà utilisée dans un contexte social.
Pourquoi ?
CINQ RAISONS D’UTILISER INSTAGRAM COMME COMMUNAUTÉ D’APPRENTISSAGE
- Exige une synthèse des concepts à l’étude par une démonstration par l’image ou la vidéo (Laestadius, 2016).
- Permet de développer la capacité d’analyse, notamment lors d’une situation de travail pour l’identification des risques.
- Dynamise les échanges entre étudiantes et étudiants par les publications associées au cours (Yuan et Kim, 2014).
- Favorise le développement de l’esprit critique face aux médias, ainsi qu’à leurs processus de production (Del Vicarioa et al., 2016).
- Propose une utilisation des médias sociaux comme une ressource informationnelle dans un contexte professionnel (Giustini, Ali, Fraser, et Kamel Boulos, 2018).
Quoi ?
LA CRÉATION D’UNE COMMUNAUTÉ D’APPRENTISSAGE ET DE PARTAGE DE COMPÉTENCES BASÉE SUR INSTAGRAM
En tant que plateforme de réseau social, Instagram supporte un environnement de collaboration et de partage utilisable entre les étudiantes et les étudiants. Elle peut notamment être utilisée afin de documenter différents phénomènes sociaux déjà publiés. Elle offre également une opportunité de générer des données en images autrement difficiles dans un contexte d’enseignement, p. ex. métiers dangereux ou emplois éloignés (Laestadius, 2016). Notamment, en ergonomie, ces images documentent des séquences représentatives du travail. Le tout permet des échanges sur celui-ci et des mesures du travail observé (fréquence, posture, etc.). Instagram permet ainsi aux étudiantes et étudiants de générer le matériel faisant état de leurs compréhensions des savoirs auprès des pairs. On pourrait faire de même avec des mouvements sportifs chez les étudiantes et étudiants en éducation physique.
Ce que nous dit la recherche
INSTAGRAM COMME POINT DE RENCONTRE DES ÉCHANGES ET DES APPRENTISSAGES
Publications, blogues et images, les médias sociaux sont omniprésents dans la culture actuelle et les différents domaines de savoir n’y font pas exception (George, Rovniak, et Kraschnewski, 2013). Différentes personnes professionnelles et personnalités utilisent couramment ceux-ci pour se connecter aux publics, développer un réseau professionnel et diffuser des informations (Giustini et al., 2018). Instagram peut ainsi générer une plateforme moins formelle de transfert des apprentissages et des compétences en plus de promouvoir une communauté d’apprentissage et de collaboration auprès des étudiantes et étudiants (Downes, 2010).
Comment ?
COMMENT INTÉGRER INSTAGRAM DANS SES ACTIVITÉS PÉDAGOGIQUES
Diversifier la recherche documentaire
L’application Instagram peut être introduite afin de familiariser les étudiants et les étudiantes à utiliser des méthodes de recherche autres que celles dites plus formelles offertes par les moteurs bibliographiques communs. Son utilisation offre ainsi une occasion de développer leurs capacités et leurs habiletés en recherche.
Rechercher par mot-dièse ou #hashtag
Avec Instagram, il est possible de rechercher par des mots-clés de manière similaire à une approche booléenne en utilisant le #hashtag ou mot-dièse ou encore l’arobase (@) afin que les étudiantes et les étudiants identifient des images et des vidéos présentant de l’information sur les objectifs d’un cours ou des sous-objectifs d’apprentissage (Laestadius, 2016). Cette recherche s’effectue de la même façon qu’une revue de la littérature, les images sont identifiées en fonction des #hashtags utilisés avec celles-ci (Highfield et Leaver, 2015). Les images et les données associées (compte, provenance, like) sont ensuite catégorisées en fonction des informations qu’elles présentent (p. ex. type de milieu de travail, risques encourus, #hashtags utilisés, point de vue de la caméra par rapport à l’évènement, etc.). De plus, certaines données présentes sur ce type de plateforme sont prises en quasi-instantanéité, car c’est le principe derrière Instagram, d’où son appellation (combinaison des mots anglophones « instant » et « télégramme »). L’utilisation d’informations déjà colligées par des tiers offre donc une opportunité unique de jeter un regard nouveau sur différents phénomènes.
Créer du contenu
Publier des images et des textes avec des mots-clés permet aux étudiantes et étudiants d’interagir entre eux et de commenter le travail de leurs pairs. Cette pratique leur permet aussi d’évaluer les « Avant » et « Après » de leurs interventions dans le cadre du cours (p. ex. la modification d’un poste de travail informatique ou l’analyse de posture d’un travailleur ou d’une travailleuse).
Développer des compétences médiatiques
Manipuler des médias sociaux expose les étudiantes et étudiants aux processus de diffusion de l’information et de la désinformation (Del Vicarioa et al., 2016). Elles et ils développent ainsi leur côté critique, une qualité requise en recherche, permettant du même coup de forger des personnes utilisatrices averties et informées. L’apprentissage se fait ainsi en termes de processus de création de contenu, de sa diffusion et des discussions qui en découlent.
Quelques conseils pour l’utilisation d’Instagram comme communauté d’apprentissage
- Créer un compte Instagram que vous définissez comme « privé », dans le cadre d’un cours, est préférable afin de permettre une surveillance des publications et des données potentielles au fil du temps.
- De plus, un mot-clé spécifique peut aussi être utilisé afin de faciliter la recherche des images associées au cours si la personne enseignante ne désire pas créer un compte privé. Ainsi, on peut utiliser le mot-dièse ou #hashtag avec le sigle du cours, l’année et la session (p. ex. #SKIN227Aut2020). Cette pratique permettra par la suite la consultation des publications des années précédentes comme base d’exemple.
Finalement, Instagram nous permet de développer chez l’étudiante et l’étudiant leur capacité de transférer ses apprentissages réalisés en classe par l’identification d’images et de vidéos issues des observations réalisées dans le cadre d‘un cours. La production et l’échange de savoir par l’entremise d’une telle communauté en ligne permettent de collaborer à un réseau riche en termes de ressources et d’apprentissages collectifs où toutes et tous peuvent contribuer à leur manière, selon leurs perspectives. Une image vaut réellement mille mots !
Références
Del Vicarioa, M., Bessi, A., Zollo, F., Petroni, F., Scala, A., Caldarelli, G., . . . Quattrociocchi, W. (2016). The spreading of misinformation online. PNAS, 113(3), 554–559. https://doi.org/10.1073/pnas.1517441113
Downes, S. ( 2010). New technology supporting informal learning. Journal of Emerging Technologies in Web Intelligence, 2(1), 27-33. https://doi.org/10.4304/jetwi.2.1.27-33
George, D. R., Rovniak, L. S., et Kraschnewski, J. L. (2013). Dangers and opportunities for social media in medicine. Clinical Obstetrics and Gynecology, 56(3), 453-462. https://doi.org/10.1097/GRF.0b013e318297dc38
Giustini, D., Ali, S. M., Fraser, M., et Kamel Boulos, M. N. (2018). Effective uses of social media in public health and medicine : a systematic review of systematic reviews. Online Journal of Public Health Informatics, 10(2), e215. https://doi.org/10.5210/ojphi.v10i2.8270
Highfield, T., et Leaver, T. (2015). A methodology for mapping Instagram hashtags. First Monday, 20(1), 1-11. https://doi.org/10.5210/fm.v20i1.5563
Laestadius, L. (2016). Instagram. Dans L. Sloan et A. Quan-Haase (Eds.), The SAGE Handbook of Social Media Research Methods.
Yuan, J., et Kim, C. (2014 ). Guidelines for facilitating the development of learning communities in online courses. Journal of Computer Assisted Learning, 30(3), 220-232. https://doi.org/10.1111/jcal.12042
Pour en savoir plus
- Le modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redéfinition) suggéré par Ruben Puentedura permet d’adapter les activités pédagogiques afin d’utiliser Instagram dans celle-ci : https://ecolebranchee.com/le-modele-samr-une-reference-pour-lintegration-reellement-pedagogique-des-tic-en-classe/
- Les universités d’état du Massachussetts proposent un blogue qui fournit de nombreux exemples d’activités à réaliser en classe en plus d’un guide d’initiation à l’utilisation d’Instagram pour l’utilisateur néophyte : https://blogs.umass.edu/onlinetools/community-centered-tools/instagram/
D’autres questions à explorer
- Quelle est la fréquence optimale à laquelle on doit monitorer le compte Instagram de l’activité afin d’assurer la participation et un apprentissage optimal des étudiantes et des étudiants ?
- Est-ce qu’une combinaison avec d’autres réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook permet une meilleure participation de la classe à une telle activité ?
- Est-ce que le point de vue à partir duquel la photo est prise, première personne ou vol d’oiseau, a une influence sur les discussions générées en classe et sur le fil de discussion des images et des vidéos ?
Notices biographiques
Martin Lavallière est professeur-chercheur au Module de kinésiologie du Département des sciences de la santé de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), membre du Lab BioNR et du Centre Intersectoriel en Santé Durable (CISD) de l’UQAC. Il se spécialise en facteurs humains et ergonomie avec une emphase plus particulière sur la sécurité routière, le vieillissement et la santé et sécurité au travail. Il détient un baccalauréat (2005), une maîtrise (2007) et un doctorat (2013) en kinésiologie à l’Université Laval. Il a aussi complété un post-doctorat au Massachusetts Institute of Technology (MIT) AgeLab (2013-15) ainsi qu’à HEC Montréal (2015-16).
Mathieu Tremblay est professeur-chercheur au Module de kinésiologie du Département des sciences de la santé de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) où il est un spécialiste de l’ergonomie et de la biomécanique. Après sa maîtrise en génie biomédical de l’Université de Montréal, il a est devenu professeur-chercheur au Collège Mérici. Par la suite, il a fait ses études doctorales à l’University of New Brunswick (UNB). Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse particulièrement à des questions liées à la santé et l’ergonomie des travailleurs.
Mentions de responsabilité
Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)
Comité éditorial : Claude Boucher, François Guillemette, Alain Huot, Céline Leblanc et Chantal Roussel
Coordination : Marie-Michèle Lemieux
Rédaction : Martin Lavallière et Mathieu Tremblay
Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin
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