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Le développement des compétences propres à la collaboration interprofessionnelle des étudiantes et étudiants en contexte de formation clinique

Un article repris de https://pedagogie.uquebec.ca/le-tab...

Le développement des compétences propres à la collaboration interprofessionnelle des étudiantes et étudiants en contexte de formation clinique

mmlemieux
mar 06/04/2021 - 14:56

No 2
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Dans ce numéro, Marie-Pierre Baron et Nathalie Sasseville, respectivement professeures en enseignement en adaptation scolaire et sociale ainsi qu’en travail social à l’UQAC, traitent de la collaboration interprofessionnelle en formation initiale. Elles partagent les dispositifs de formation mis en place au sein des cliniques universitaires en orthopédagogie et en travail social afin de favoriser le développement des compétences propres à la collaboration interprofessionnelle.

Mise en situation

Nancy et Julie sont toutes deux professeures en début de carrière et enseignent leur discipline respective au sein de cliniques universitaires.

En voyant les besoins des personnes fréquentant les cliniques se complexifier et le travail en milieu professionnel se modifier, elles décident de faire équipe. Dans le but de bonifier les services cliniques offerts à la communauté ainsi que d’offrir une formation initiale en adéquation avec les besoins des milieux de pratique, Nancy et Julie décident de jumeler les cliniques universitaires et de faire travailler les étudiantes et étudiants des deux disciplines ensemble. Ainsi, elles se sont donné le défi d’enseigner l’interprofessionnalité en interprofessionnalité.

En trois années d’expérimentation, elles se sont butées à différents enjeux liés à la conjugaison des spécificités de leur discipline respective, mais aussi à des enjeux directement liés aux personnes étudiantes en formation.

Au fil des années, elles ont développé des dispositifs de formation permettant le bon déroulement du projet de formation et le développement des compétences professionnelles propres à la collaboration interprofessionnelle.

Pourquoi ?

CINQ RAISONS D’INTÉGRER DES OPPORTUNITÉS DE COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE EN FORMATION INITIALE

  1. Favoriser le développement de l’identité professionnelle (Clairet, 2013).
  2. Favoriser la rencontre des étudiantes et étudiants de chaque profession (Renaut et al., 2015) et leur donner envie de travailler en interprofessionnalité plus tard.
  3. Préparer les étudiantes et étudiants à répondre aux besoins sociétaux multifactoriels dans les milieux de pratique (Fonds de recherche du Québec (FRQ), 2020).
  4. Favoriser l’insertion professionnelle des étudiantes et étudiants en augmentant leur sentiment de compétence (Mukamurera, 2018).
  5. Pour les personnes enseignantes, penser autrement leur discipline et leurs pratiques pédagogiques en les « confrontant » à d’autres.

Quoi ?

QU’EST-CE QUE LA COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE

Chaque profession a des pratiques propres et le travail en collaboration permet de nourrir les pratiques professionnelles grâce à l’interaction avec l’autre (Colinet, 2011) ainsi que de développer de nouvelles méthodes d’intervention (Aiguier et al., 2016). Le Consortium pancanadien pour l’interprofessionnalisme en santé propose un référentiel de compétences adaptables aux professions de la relation d’aide regroupées sous six domaines (CPIS, 2010) :

  • Les soins centrés sur la personne, ses proches et la communauté ;
  • La communication ;
  • La clarification des rôles ;
  • Le travail d’équipe ;
  • Le leadership collaboratif ;
  • La résolution de conflits interprofessionnels.

Ce que nous dit la recherche

REPENSER INTERPROFESSIONNELLEMENT LA FORMATION INITIALE

Vol10no2Les formations initiales sont historiquement pensées et dispensées en vase clos. Afin d’ajuster la formation initiale aux besoins des milieux et de favoriser le développement de l’identité professionnelle des personnes étudiantes, il importe d’y développer des compétences interprofessionnelles (Colinet, 2011 ; FRQ, 2020 ; Larose et al., 2007 ; Policard, 2014). Ainsi, la formation pratique, telle que les stages ou les cliniques universitaires, ne doit pas être uniquement perçue comme un lieu d’application de la théorie, mais surtout comme un espace où les compétences propres à la collaboration interprofessionnelle se développeront et, de ce fait, permettront la création de nouvelles connaissances pratiques (Aiguier et al., 2016).

Comment ?

DES DISPOSITIFS PÉDAGOGIQUES POUR SOUTENIR LA COLLABORATION INTERPROFESSIONNELLE

La mise en place de dispositifs pédagogiques permet aux étudiantes et étudiants de développer des habiletés de base en collaboration interprofessionnelle et de transformer leurs pratiques. Ces activités pédagogiques et d’intervention se déroulent dans un contexte réel et authentique, soit celui des cliniques universitaires, permettant ainsi de s’investir dans une démarche réflexive et favorisant des actions liées à l’élaboration d’interventions concertées (Aiguier et al., 2016).

  1. Offrir des cours magistraux sur le travail interprofessionnel préalablement conçus et enseignés en interprofessionnalité (Renaut et al., 2015). L’objectif des cours pour les personnes étudiantes, est d’identifier les compétences interprofessionnelles et la façon dont elles s’actualisent au sein des différentes professions. Pour les personnes enseignantes, la conception en équipe interprofessionnelle de cours permet de se confronter aux difficultés réelles du travail interprofessionnel et d’en témoigner avec authenticité aux étudiantes et étudiants.
  2. Présenter des mises en situation réalisées à l’aide de vignettes cliniques inspirées de situations vécues permettant l’identification d’obstacles à l’établissement de la collaboration. Les mises en situation sont vécues en équipe interprofessionnelle où les étudiantes et étudiants sont invités à identifier des solutions pour éviter les obstacles ou régler les problèmes en découlant.
  3. Prendre le temps de rencontrer l’autre discipline en réalisant une activité en sous-groupes interprofessionnels. Cela vise à provoquer la rencontre des personnes étudiantes de différentes disciplines en les invitant à présenter en quoi consiste leur profession ainsi qu’à se questionner mutuellement. En plus de faire la lumière sur les zones d’ombre et de démonter certaines idées préconçues (par exemple, les travailleurs sociaux ne travaillent qu’à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ)), cela leur permet de prendre un temps de réflexion sur leur propre profession et contribue au développement de l’identité professionnelle. L’activité permet également de développer la compétence interprofessionnelle visant la clarification et la reconnaissance des rôles et des responsabilités de chaque discipline (CPIS, 2010).
  4. Offrir un environnement de travail collaboratif où il est possible de consulter ses collègues étudiantes et étudaints au quotidien de façon naturelle, spontanée et au besoin. Cet environnement peut être physique (partage de locaux de travail) ou même virtuel sur des plateformes de partage sécurisées qui respectent les règles éthiques comme TEAMS, Google365, Medesync DME ou KinLogix DME.
  5. Participer à des groupes de codéveloppement professionnels accompagnés et réalisés de manière interprofessionnelle. Adaptée des travaux de Payette et Champagne, cette démarche structurée de coformation comprend six étapes et a pour objectif de favoriser le développement professionnel au contact de l’autre (1997). Cette modalité de soutien par les pairs contribue à garantir une concertation interprofessionnelle autour des interventions à déployer, ainsi qu’à assurer la qualité de celles-ci. Elle permet le développement de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être grâce à la mutualisation des expériences et à la mise à profit de sa propre pratique, positive ou négative, pour alimenter la réflexion du groupe et trouver des solutions à des problèmes issus de la pratique professionnelle (Aita et al., 2015). De plus, ces groupes offrent un espace-temps inscrit à l’horaire où toutes et tous sont disponibles et préparés.

Finalement, après trois années d’expérimentation, le principal constat fait par l’équipe enseignante est qu’il est impératif de bloquer du temps et d’inscrire les activités au plan de cours pour « obliger » le travail en interprofessionnalité. C’est d’ailleurs pourquoi les dispositifs pédagogiques ont été créés. En effet, les contraintes personnelles, tant dans la pratique professionnelle que dans la formation, constituent le principal obstacle à l’établissement de la relation de collaboration interprofessionnelle et au développement des compétences qui lui sont propres. Tout le monde veut collaborer, mais à ses propres termes. Ainsi, le contexte de formation initiale permet de mutualiser d’emblée les agendas de tout le monde et d’instaurer des pratiques collaboratives efficaces.

Références

Aiguier, G., Poirette, S. et Pélissier, M.-F. (2016). Chapitre 5. Accompagner l’apprentissage de la collaboration interprofessionnelle : une nécessaire gouvernance réflexive du dispositif pédagogique. Journal international de bioéthique des sciences, 27(1-2), 91-112.
Aita, M., Héon, M., Dupuis, F., Le May, S. et Lampron, A. (2015). Groups of codevelopment for the advancement of research in clinical settings. Journal of Nursing Education and Practice, 5(1), p. 137-141. https://doi.org/10.5430/jnep.v5n1p137
Clairet, L. (2013). Le développement de l’identité professionnelle de futurs travailleurs sociaux à travers la formation universitaire de premier cycle [mémoire de maîtrise inédit]. Université du Québec en Outaouais. http://di.uqo.ca/id/eprint/608/1/Clairet_Laetitia_2013_mémoire.pdf
Colinet, S. (2011). La formation des enseignants par la mutualisation des pratiques avec les professionnels des services sociaux. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, 55(3), 215-227. https://doi.org/10.3917/nras.055.0215
Consortium pancanadien pour l’interprofessionnalisme en santé (CPIS). (2010). Référentiel national de compétence en matière d’interprofessionnalisme. Université de la Colombie-Britannique. https://drive.google.com/file/d/13PEfNoWtUIgDr-9GR-szYMKrsyZHANq6/view
Fonds de recherche du Québec (FRQ). (2020). L’université québécoise du futur. Tendances, enjeux, pistes d’action et recommandations. Gouvernement du Québec. http://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/UduFutur-FRQ-1.pdf
Larose, F., Couturier, Y. et Boulanger, D. (2007). Conditions et enjeux de l’actualisation de l’interdisciplinarité professionnelle pour les formations initiales à l’enseignement et à l’exercice du travail social au Québec. Les dossiers des sciences de l’éducation, 17, p.77-93. https://doi.org/10.3406/dsedu.2007.1103
Mukamurera, J. (2018). Les préoccupations, le sentiment de compétence et les besoins de soutien professionnel des enseignants débutants : un état de la situation au Québec. Dans J. Mukamurera, J-F. Desbiens et T. Perez-Roux (dir.). Se développer comme professionnel dans les professions adressées à autrui (189-238). Éditions JFD.
Payette, A. et Champagne, C. (1997). Le groupe de codéveloppement professionnel. Presses de l’Université du Québec.
Policard, F. (2014). Apprendre à travailler ensemble : l’interprofessionnalité en formation par la simulation au service du développement des compétences collaboratives. Recherches en soins infirmiers, 117, 33-49. https://doi.org/10.3917/rsi.117.0033
Renaut, P., Fiquet, L., Allory, E., Chapron, A., Hugé, S. et Annezo, F. (2015). Le speed dating pédagogique : une innovation pour enseigner la collaboration interprofessionnelle. Exercer, 26(118), 84-90. https://www.researchgate.net/publication/285338053_Le_speed_dating_pedagogique_une_innovation_pour_enseigner_la_collaboration_interprofessionnelle_Renaut_P_Fiquet_L_Allory_E_Chapron_A_Huge_S_Annezo_F

Pour en savoir plus

Baron, M-P., Sasseville, N., Doucet, M. et Bizot, D. (2019). Development of professional competencies in social work and special education : an interdisciplinary project of collaboration between Quebec university students . The International Journal of interdisciplinarity Educational Studies, 14(1), 79-93. https://doi.org/10.18848/2327-011X/CGP/v14i01/79-93
Beaudry, N. (2017). Le codéveloppement : un outil de formation professionnelle. Le Tableau, 6(6).  https://pedagogie.uquebec.ca/le-tableau/le-codeveloppement-un-outil-de-formation-professionnelle 
Beaumont, C., Lavoie, J. et Couture, C. (2011). Les pratiques collaboratives en milieu scolaire : cadre de référence pour soutenir la formation. CRIRES. https://crires.ulaval.ca/sites/default/files/guide_sec_nouvelle_version.pdf  
Legault, G., A. (2001). L’interdisciplinarité et l’interprofessionnalité : enjeux d’éthique professionnelle. Fréquences, 13(3), 87-94. https://www.usherbrooke.ca/psychologie/fileadmin/sites/psychologie/espace-etudiant/Revue_Interactions/Volume_5_no_1/V5N1_LEGAULT_Georges_A_p87-94.pdf
Vandercleyen, F. (2019). Le groupe de codéveloppement professionnel comme approche de formation continue. Dans F. Vandercleyen, M. L’Hostie et M-J. Dumoulin (dir.). Le groupe de codéveloppement professionnel pour former à l’accompagnement des stagiaires (p.13-30). Presses de l’Université du Québec.

 

D’autres questions à explorer

  • Quelles sont les situations de collaboration interprofessionnelles vécues dans les différents contextes de pratique professionnelle ? Comment s’opérationnalisent-elles au quotidien ?
  • Comment augmenter l’adéquation de la formation clinique aux besoins de la pratique professionnelle ?
  • Comment s’assurer du transfert de cette pratique, incluant l’utilisation des dispositifs de collaboration, dans la pratique professionnelle ?

Notices biographiques

Marie-Pierre Baron, Ph. D. est professeure en enseignement en adaptation scolaire et sociale à l’Université du Québec à Chicoutimi. Elle est directrice de la Clinique Universitaire d’Orthopédagogie et de la Revue Hybride de l’Éducation. Elle a développé une expertise quant à l’intervention en ce qui a trait au discours narratif et à la théorie de l’esprit d’élèves ayant des difficultés et/ou des troubles d’apprentissage. Elle s’intéresse également au développement de l’identité professionnelle et des compétences nécessaires à la collaboration interprofessionnelle des futurs orthopédagogues en contexte de clinique universitaire. 

Nathalie Sasseville, Ph.D. est travailleuse sociale, professeure au département des sciences sociales et directrice de la Clinique Universitaire de Travail Social de l’Université du Québec à Chicoutimi. Elle a une carrière multidisciplinaire dans le domaine du travail social et de la santé publique. Elle a développé une expertise en collaboration interprofessionnelle et en recherche de partenariat. Ses recherches portent sur les méthodes pédagogiques en milieu universitaire favorisant l’intégration de la théorie à la pratique dans le domaine du travail social.

Catherine Vachon, M.A. est doctorante en éducation au doctorat réseau (UQAM-UQAC). Elle travaille à titre d’assistante de recherche et de chargée d’enseignement à l’Université du Québec à Chicoutimi au sein de l’unité d’enseignement en adaptation scolaire et sociale. Elle occupe également le titre d’orthopédagogue conseil à la Clinique Universitaire d’Orthopédagogie. Dans ses recherches, elle s’intéresse aux difficultés en écriture, ainsi qu’au développement des fonctions exécutives notamment pour les étudiants inscrits à la formation générale des adultes.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)
Comité éditorial : Claude Boucher, François Guillemette, Alain Huot, Céline Leblanc et Chantal Roussel
Coordination : Marie-Michèle Lemieux
Rédaction : Marie-Pierre Baron, Nathalie Sasseville et Catherine Vachon
Correction : Isabelle Brochu et Julie Lafrenière

Licence : CC by-nc-sa

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