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Accompagnement par les référents professionnels et professionnalisation des stagiaires en formation de moniteur éducateur

29 septembre 2021 par Nathalie Vidal Veille 1163 visites 0 commentaire

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

En quoi la formation en alternance, et plus particulièrement l’accompagnement réalisé en stage par les référents professionnels sont des éléments qualitatifs porteurs dans les processus de professionnalisation des stagiaires moniteurs éducateurs ? Basée sur le concept de représentation en psychologie sociale, l’étude présentée consiste en un croisement des points de vue des stagiaires et des référents professionnels. Les quatre entretiens menés auprès des référents ainsi que les quarante-deux questionnaires de stagiaires première année et les trante-sept questionnaires des stagiaires deuxième année sont analysés au moyen de deux logiciels de lexicométrie, ALCESTE et LEXICO. Les résultats mettent en avant la notion de « solidarité professionnalisée » et la nature d’« accompagnement au quotidien par une équipe pluridisciplinaire » de l’activité comme éléments saillants de ce qui se transmet de génération professionnelle en génération professionnelle.

Nathalie Vidal, « Accompagnement par les référents professionnels et professionnalisation des stagiaires en formation de moniteur éducateur », Éducation et socialisation [En ligne], 30 | 2012, mis en ligne le 21 septembre 2021, consulté le 29 septembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/edso/15743 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.15743

Regard psychosocial sur l’accompagnement et la professionnalisation en formation en alternance.

Situés à l’intersection de deux champs, économique et social, les métiers de la relation à autrui doivent sans cesse se renouveler pour accomplir leurs rôles : adaptation au public, à la conjoncture sociale, aux différentes formes d’intervention... La pluralité des missions et des contextes d’exercice du moniteur éducateur (objet au centre de cet article) incite à se demander comment une formation unique peut préparer le futur professionnel aux spécificités d’une activité polymorphe ? La formation en alternance est sans doute une des réponses à cette question dans sa proposition de confrontation des « vécus » en contexte d’exercice au sein de groupes d’analyse des situations.

Organisée sous forme de successions de périodes de « formation pratique [1] » et de rassemblements en centre de formation, ce type de formation fait alors intervenir un référent professionnel pour l’accompagnement du stagiaire lors des périodes en structure et l’évaluation du stagiaire.

Notre travail consiste en un croisement de point de vue entre le discours des stagiaires et celui des référents de terrain pour tenter de répondre à notre question de départ : « En quoi l’alternance, et plus particulièrement la forme d’accompagnement sur le terrain de stage, sont-elles des éléments qualitatifs porteurs dans le processus de professionnalisation des stagiaires moniteurs éducateurs ? » (Vidal, 2009, p. 3).

Les éléments théoriques mobilisés dans cette présentation viendront éclairer l’accompagnement en stage et la professionnalisation des stagiaires avec une exploitation du concept de représentation sociale (Moscovici, 1961/1976), spécifiée en représentation professionnelle lors du déroulement de l’exercice professionnel (Piaser, 1999).

Prenant place dans la théorie d’ensemble de la pensée sociale (Flament et Rouquette, 2003), les représentations sociales ou « forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. Également désignée comme “savoir de sens commun” ou encore “savoir naïf”, “naturel” [...] », (Jodelet, 2007, p. 53), peuvent être considérées comme une « connaissance impliquée d’un objet complexe saisi en bloc, de l’intérieur, dans le rapport pratique que le sujet entretient avec lui sans nécessité d’avoir à analyser ce “tout signifiant implicité” » (Bataille, 2000, p. 171). Une connaissance intériorisée en quelque sorte. L’implicitation mise à l’œuvre lors de la constitution de la représentation conférerait son caractère impliqué à cette connaissance. Le travail d’implicitation (appropriation de la représentation collective) s’opère dans un processus d’explicitation correspondant à un dépliage des implications individuelles. La représentation sociale manifeste alors le paradoxe du couple implicitation/explicitation selon lequel la convergence des explicitations individuelles mènent à la construction d’un implicite collectif.

Les représentations professionnelles sont quant à elles définies comme « des représentations sociales portant sur des objets appartenant à un milieu professionnel spécifique et partagées par les membres de la profession. » (Piaser, 1999, p. 101). Doublement circonscrites, les représentations professionnelles constituent une forme de connaissance de « spécialiste » de l’objet de représentation.

Nous allons donc dans un premier temps recueillir des éléments concernant ce qui est mis en avant par les référents professionnels dans leur accompagnement des stagiaires. Dans un second temps, nous nous intéresserons aux éléments transmis par les stagiaires concernant la formation et le métier. Car en effet, si l’on envisage le processus de professionnalisation des stagiaires comme :

Ensemble des processus de construction permanente de la professionnalité. La professionnalité est un état, donc saisissable à un moment donné, des représentations, de l’identité, de l’implication et des pratiques professionnelles. Cet état constatable synchroniquement est en réalité dynamique diachroniquement (Lac et Mias, 2007, p. 6),

le processus représentationnel consistant en un passage d’une représentation sociale à une représentation professionnelle à propos d’un même objet, serait un indicateur du processus de professionnalisation à l’œuvre chez les stagiaires en formation. Plus précisemment, « La professionnalisation relèverait tout à la fois de l’acceptation dynamique et processuelle de la notion de passage et de sa définition plus “tangible” en terme de ce qui permet le lien, les allers-retours, entre la représentation sociale et professionnelle de l’objet » (Lac et Ratinaud, 2005, p. 76).

En ce qui concerne plus particulièrement la professionnalisation des moniteurs éducateurs, nous pouvons citer l’exemple d’une étude longitudinale allant de la sélection des futurs stagiaires à la fin de la formation pour mettre en évidence « les actualisations et les transformations d’une représentation sociale de l’éducation spécialisée en une représentation professionnelle des accompagnements éducatifs » (Dumont, 2009, p. 279). Les travaux de cet auteur suggèrent la transformation de l’objet de représentation lors la professionnalisation des stagiaires : d’une centration quasi naïve sur le rôle de l’éducation spécialisée, on passe à la construction progressive d’un savoir professionnel spécifiant l’accompagnement éducatif.

1 Méthodologie du croisement des points de vue : stagiaires vs référents

Le croisement des points de vue s’effectue par comparaison des éléments recueillis concernant les représentations professionnelles des référents professionnels au sujet de l’accompagnement des stagiaires en formation, aux caractéristiques dégagées du suivi de l’évolution du processus représentationnel à l’œuvre chez les stagiaires en formation. Nous proposons un tableau résumant cette méthodologie en annexe (tableau 1).

1.1 Étude comparative synchronique auprès de la population « référent professionnel »

Les contextes d’exercices des moniteurs éducateurs sont très variés, certains sont à caractère psychiatrique, alors que d’autres relèvent de l’aide sociale à l’enfance. C’est pourquoi la variable « établissement d’exercice » a retenu notre attention. Nous avons donc effectué un traitement particulier du matériau discursif recueilli au cours de quatre entretiens individuels en fonction de cette variable établissement en utilisant le logiciel de lexicométrie LEXICO. Les résultats ainsi obtenus renforcent alors les résultats obtenus avec le logiciel de lexicométrie ALCESTE utilisé dans un premier temps. Alors qu’avec ALCESTE les variables illustratives sont replacées a posteriori sur l’analyse factorielle des correspondances, LEXICO effectue une analyse en fonction de la variable sélectionnée.

Les entretiens menés, de type semi-directifs, avaient pour object de recueillir des éléments concernant :

 la formation (son rôle au sein de la formation, les aspects du métier à valoriser, la pertinence du dispositif et de sa mise en place...,
 le stagiaire (son rôle auprès du stagiaire, les besoins des stagiaires, la réflexivité, l’insertion dans une équipe pluridisciplinaire, les supports éventuels...).

1.2 Étude comparative diachronique auprès de la population « stagiaires »

En ce qui concerne la population stagiaire, nous avons effectué une étude comparative diachronique visant à apprécier l’ampleur des évolutions des représentations en fonction de la variable « temps de formation ».

Les dispositifs méthodologiques de type longitudinal s’avérant trop lourds à mettre en œuvre, nous avons interrogé au même moment des groupes de sujets comparables, en première et seconde années de formation de moniteur éducateur. Le principe de cette méthodologie, validé par la communauté scientifique, demande cependant d’admettre le postulat de départ suivant :

Toutes choses égales par ailleurs, on suppose implicitement que le fait d’avoir vécu ces situations a eu un impact sur la représentation étudiée. On suppose donc que les sujets les plus jeunes sont porteurs d’une représentation qui va évoluer dans le sens de celle des sujets les plus âgés. Grâce à ce stratagème, on fait comme si l’on étudiait la représentation à plusieurs moments de son histoire. (Moliner, Rateau et Cohen-Scali, 2002, p. 40)

Nous avons ainsi recueilli quarante-deux questionnaires de stagiaires en première année et trente-sept questionnaires de stagiaires en seconde année de formation de moniteur éducateur, tous issus du même centre de formation, et nous avons alors utilisé le logiciel de lexicométrie ALCESTE pour l’analyse de l’information.

Ces questionnaires, dont les questions étaient principalement ouvertes, étaient construits autour de deux thèmes :

 le métier de moniteur éducateur (qualités requises, valeurs, situation par rapport au contexte, identité professionnelle...),
 la formation et le référent professionnel (pertinence de l’alternance, rôle du référent professionnel, les « tête à tête », les attentes vis à vis du référent, l’accompagnement à la réflexivité et à l’intégration professionnelle...).

2 Résultats et discussion

La méthodologie mise en place va permettre de comparer les discours des référents relatifs à l’accompagnement du stagiaire et ceux des stagiaires par rapport à la formation et le métier de moniteur éducateur. Nous obtenons donc dans un premier temps deux types de résultats, les premiers concernant les référents et les seconds concernant les stagiaires, que nous confronterons ensuite pour effectuer le croisement de points de vue.

2.1 Les référents professionnels et leur vision de l’accompagnement en stage de formation de moniteur éducateur

L’utilisation du logiciel ALCESTE [2] nous a permis de mettre en évidence quatre classes de discours différentes, chacune pouvant être associée à un sujet épistémique caractéristique d’une posture professionnelle de référent. Au fond, quelles préoccupations chez les personnes interrogées sont suffisamment significatives et corrélées pour construire une classe ? Précisons que les différentes postures ainsi établies sont complémentaires et peuvent coexister chez un même sujet réel. L’analyse factorielle des correspondances effectuée sur cette classification (Fig. 1 en annexe, p. 237) offre une lecture plus « dynamique » des résultats et permet de positionner chacun des sujets épistémiques en fonction de leur ancrage psychosocial [3].

Nous présentons infra les contenus des classes directement par rapport à leurs positions sur les facteurs. Pour chacune de ces constructions statistiquement significatives, nous avons attribué un nom, tout en recommandant au lecteur la vigilance nécessaire pour ne pas sombrer dans un biais de catégorisation. Cette « coutume » de nomination est avant tout pédagogique.

Le discours type de la posture de « collègue expérimenté », au centre de l’analyse factorielle, constitue une sorte de médian ou discours de base des référents professionnels concernant l’accompagnement des stagiaires. Le métier est au cœur de ce discours en tant que, métier de l’action (cf. agir, action, mener, intervenir, répondre) soumis à une méthodologie de projet (cf. projet, objectif, individuel), et métier de l’humain (cf. humain, résident, situation, temps, accompagner, aider, envie) qui requiert un savoir être et des savoirs faire à la hauteur de ses responsabilités (cf. savoir, être, faire, être, façon, responsabilité). Ce sujet épistémique utilise comme principal support les questionnements du stagiaire (cf. les mots est-ce, comment, pourquoi, je crois) et favorise ainsi et avant tout l’apprentissage de la pensée réflexive.

Ancré dans le métier, un discours type de la posture d’« équipier bienveillant ». Le métier de moniteur éducateur est avant tout un métier relationnel. Ainsi, l’intégration à l’équipe pluridisciplinaire (cf. les mots équipe, membre, entretien, place, réunion, rencontre, discuter, arriver, bilan) et la confrontation à un public difficile (cf. crainte, confronter, population, personne, histoire, gamin, groupe, jeune, usager, difficile) sont les éléments à favoriser tant dans l’accompagnement mis en œuvre auprès des stagiaires que dans l’action professionnelle (position extrême basse sur l’axe de la pratique professionnelle F2).

Les autres discours types des postures d’accompagnateur mises en avant par notre étude sont eux davantage ancrés dans la formation.

Situés en position extrême haute sur l’axe de la pratique professionnelle, le discours type de la posture d’« accompagnateur » exprime le cadre général de la formation et les relations souvent trop distantes entre les deux pôles formateurs (cf. besoin, école, jury, partage, temps, compliqué, terrain, frustré, formation, savoir, pouvoir, lieu, rôle, écrit, échange, mouvement, lien, remuer, danger). Considérant que son action consiste en un accompagnement de la démarche de formation du stagiaire, ce sujet épistémique favorise l’apprentissage de la pensée réflexive (cf. entendre, permettre, réflexion, départ, correspondre, fin, sens, question, questionner, s’appuyer, essayer, amener, comprendre) en utilisant la vie quotidienne comme principal support (cf. quotidien, boulot, vie, animation, choses, petit, énormément, action, éduc).

Le discours type de la posture de « formateur », est davantage centré sur l’intégration professionnelle. L’accompagnement sera davantage axé sur les compétences à acquérir et les repères identitaires (cf. identité, champ, moniteur, éducation, spécialisé, professionnel, travail, psychologie, adulte, enfant), institutionnels (cf. tuteurs, centre, institution, stage, théorie, rémunération, réforme, rapport, apport, encadrer, lier) et théoriques (cf. représentation, implication, autorité, notion) nécessaires au positionnement du moniteur éducateur.

L’utilisation du logiciel LEXICO [4] a permis d’une part, d’effectuer un test spécifique sur la variable « établissement d’exercice » et d’autre part, d’affiner les résultats concernant les discours des référents professionnels au sujet de l’accompagnement des stagiaires.

Dans les contextes de type Foyer Occupationnel pour adultes en situation de handicap, axés sur le bien-être quotidien des résidents, le discours associé à cette modalité de la variable met l’accent sur l’action auprès des personnes et se réfère aux capacités relationnelles du professionnel (cf. les mots personne, rapport, individuel, temps, distance et accompagnement fournis par le rapport LEXICO).

Le discours associé à la modalité M.E.C.S. (maison d’enfants à caractère social), structure accueillant un public enfant et adolescent de provenances diverses et aux problématiques différentes, fait intervenir de manière significative l’équipe pluridisciplinaire dans la conduite de l’action (cf. équipe, travailler, jeune, compétence et spécialisé).

Enfin, le discours associé à la modalité MECS et Hôpital de jour, qui regroupe l’expérience de deux types de structures dont l’une en milieu psychiatrique, met en avant l’action sur l’environnement en cohérence avec le projet institutionnel de la structure (cf. quotidien, mouvement, chose, amener, angle, projet, place et démarche).

Le rapport ALCESTE fournit des classes de discours auxquelles il associe des variables illustratives dont la variable « établissement d’exercice ». Ainsi nous pouvons ré-examiner les résultats ALCESTE au vue de ceux de LEXICO. On constate alors que la modalité « foyer occupationnel » est significative du discours type de la posture de « collègue expérimenté », dont on rappelle qu’il constitue le discours de base des référents professionnels, valorisant les aspects métier de l’action et de l’humain. La modalité « M.E.C.S. » est elle significative du discours type de la posture de « formateur » dans lequel la dimension équipe apparaît au sujet de la constitution de l’identité professionnelle comme espace de comparaison avec ses différents membres. Marquée par l’importance des repères institutionnels et théoriques, il semble que cette classe de discours reflète une constante réinterrogation des repères et de l’identité de la part de ce professionnel et ce en raison notamment de la pluralité des situations rencontrées dans ce type de structure. Enfin la modalité « M.E.C.S. et Hôpital de jour » est à rapprocher du discours type de la posture d’« accompagnateur » dans lequel l’apprentissage de la pensée réflexive en s’appuyant sur la vie quotidienne constitue l’élément central. L’action éducative organisée, interrogée et maîtrisée semble fonder l’identité professionnelle de ce sujet épistémique.

De plus, le rapport ALCESTE fait état d’une classe de discours, celle du discours type de la posture d’« équipier bienveillant », sans modalité de la variable « établissement d’exercice ». L’ensemble de ce discours se rapporte à l’intégration professionnelle et à l’équipe. Nous considérerons qu’il s’agit là aussi d’un élément du discours de base des référents, valorisant la place du professionnel au sein de sa structure.

La confrontation des différents résultats obtenus avec les deux logiciels met alors en évidence un tronc commun du métier valorisé dans l’accompagnement mis en œuvre par les référents professionnels, modulé en fonction du contexte d’exercice et de son caractère plus ou moins repérant (Fig. 2 en annexe, p. 236).

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Nous considérons par conséquent qu’un contexte professionnel repérant possède des éléments identificateurs forts. Prenons par exemple une structure de type hôpital de jour, celle-ci relevant du milieu psychiatrique est plus « identifiée » qu’une structure de type maison d’enfants à caractère social qui regroupe un public d’enfants et d’adolescents de provenances diverses et aux problématiques différentes.

Le tronc commun du métier valorisé dans l’accompagnement des stagiaires se caractérise par la place du professionnel au sein de la structure et la notion de « solidarité professionnalisée » que nous définirons comme une forme de solidarité médiatisée par des pratiques professionnelles et un savoir-être normé par les critères (éthique, valeur, référentiel) de la profession. Elle constitue selon nous un élément identitaire fort mis en avant par les référents professionnels.

2.2 Les stagiaires moniteurs éducateurs et leur vision de la formation et du métier

Le second type de résultats concerne les discours des stagiaires moniteurs éducateurs, en première et seconde année de formation. Nous avons utilisé le logiciel ALCESTE pour analyser les données recueillies auprès des stagiaires moniteurs éducateurs en première année de formation exclusivement, celles des stagiaires moniteurs éducateurs en seconde année de formation exclusivement, et celles des stagiaires en première et deuxième année ensemble. Nous avons alors comparé les différentes classifications hiérarchiques descendantes issues des différentes analyses et nous nous sommes intéressée aux analyses factorielles des correspondances des rapports des « première année » exclusivement et des « seconde année » exclusivement.

Les différentes CHD ont permis de mettre en évidences cinq approches complémentaires et constitutives du discours global des stagiaires au sujet du métier et de la formation (en effet, le vocabulaire associé à chaque classe traite spécifiquement d’une de ces approches) : la formation en alternance, le référent professionnel, les tête-à-tête avec le référent professionnel, le professionnel et son contexte, et le métier caractérisé par la relation éducative et la vie quotidienne. Nous observons dès lors des évolutions entre le discours des « première année » et celui des « seconde année » en ce qui concerne :

la représentation de l’objet « métier » avec, pour la dimension « relation éducative », une utilisation de verbes relatifs à l’action de la personne prise en charge par les M1 (cf. les verbes appuyer, créer, garder, permettre, réaliser, vivre) alors que les M2 préfèrent les verbes relatifs à l’action du professionnel (cf. agir, demander, écouter, intervenir, investir, mener), et pour la dimension « vie quotidienne » une utilisation de termes très concrets chez les M1 (cf. coucher, devoir, repas, lever) alors qu’elle n’est pas forcément considérer comme valorisante par les M2 (cf. seulement les mots animation, courante, vie).

celle de l’objet « référent professionnel » qui pour les M1, semble correspondre à une figure de guide protecteur (cf. les mots guide, aiguiller, apprendre, soutenir), alors que pour les M2, la figure de tuteur mise en avant correspondrait davantage à celle de formateur expérimenté (cf. les mots école, structure, parcours, évaluer, observer, connaissance, expérience, élève, évaluation).

celle de l’objet « le professionnel » avec pour les M1, un vocabulaire qui fait état de peu de grandes valeurs (cf. seulement partage, tolérance et honnêteté) mais plutôt de qualités personnelles (cf. ouverture, savoir, dynamique, disponible, recul, patient, agir) alors que pour les M2 la référence à des valeurs est plus importante (cf. les mots égalité, chance, éthique, humanisme, humilité, liberté, solidarité) et la présence du triplet savoir, savoir-être et savoir-faire résume les qualités du professionnel en une forme de savoir commun qui le sous-entend.

Enfin, la comparaison des deux A.F.C. a permis d’affiner nos résultats concernant l’approche « formation en alternance » et plus particulièrement en ce qui concerne la situation de stage. En effet, les deux A.F.C. présentent la même organisation. Les facteurs sont identiques dans leurs thématiques mais présentent certaines nuances dans le vocabulaire présent aux pôles. Ainsi, cette comparaison permet de mettre en avant une évolution dans la représentation de l’objet « situation de stage » chez les stagiaires au cours de la formation. Dans l’A.F.C. des M1, on retrouve des termes tels que voir, faire, stage, évolutif, questionner, bilanet réalité dont nous estimerons qu’il sont relatif à une situation de formation. L’A.F.C. des M2 propose elle des termes tels que faire, situation, problème, public, possible, pouvoir et relation que nous associerons plutôt à une situation professionnelle.

Les différentes évolutions représentationnelles observées sont synthétisées dans la figure 4 en annexe. Nous analysons ces évolutions comme l’expression de deux états différents et successifs de professionnalité chez les stagiaires reflétant le processus représentationnel constitutif du processus de professionnalisation des stagiaires.

On observe ainsi un mouvement dans la construction des savoirs professionnels : le passage d’un état naïf ou pré-professionnel, dans lequel le stagiaire se sent en « cours de professionnalisation », vers un état plus éclairé ou néo-professionnel, dans lequel le stagiaire se sent « professionnel en formation ». L’évolution de la représentation de l’objet « référent professionnel » ainsi que celle de l’objet « situation de stage » reflètent ce passage et notamment un affranchissement du stagiaire par rapport à la figure de référent professionnel. De plus, l’évolution de la représentation du métier et de celle du professionnel manifestent une vision plus « conforme » à ce que véhiculent les référents professionnels dans leur accompagnement. On retrouve alors la « solidarité professionnalisée » et la place du professionnel au sein de l’équipe pluridisciplinaire chez les stagiaires de seconde année.

3 D’un point de vue praxéologique

Ces résultats sont intéressants à prendre en compte tant dans la compréhension du processus de professionnalisation des personnes en formation professionnelle que dans l’élaboration de formation à l’intention des référents professionnels. La mise en relation des discours des stagiaires et référents professionnels nous éclaire alors sur ce qui fait sens au sein de la profession et qui se transmet de « génération professionnelle » en « génération professionnelle ».

Revenons plus en détail sur la « solidarité professionnalisée » et sur l’« accompagnement au quotidien par une équipe pluridisciplinaire ». Ces deux éléments caractéristiques de l’état néo-professionnel chez les stagiaires se retrouvent en effet dans les discours des référents professionnels. En effet, la « solidarité professionnalisée » appartient au tronc commun du métier valorisé dans l’accompagnement mis en œuvre par ces référents et pour qui elle constitue selon nous un élément identitaire fort. En ce qui concerne l’« accompagnement au quotidien par une équipe pluridisciplinaire », nous remarquons tout d’abord que l’on retrouve là aussi un élément du tronc commun du métier valorisé par les référents professionnels, la place du professionnel au sein de sa structure, dans son équipe de travail et auprès du public accueilli.

En conclusion, il s’avère que ces deux aspects, « solidarité professionnalisée » et « accompagnement au quotidien par une équipe pluridisciplinaire », font de l’accompagnement sur le terrain de stage un élément qualitatif porteur dans le processus de professionnalisation des stagiaires moniteurs éducateurs.

Bibliographie

Bataille M., « Représentation, implicitation, implication : des représentations sociales aux représentations professionnelles », In Garnier C. et Rouquette M.-L. (éd.), Représentations sociales et éducation, Boucherville, Éditions nouvelles, 2000, p. 165-189.

Dumont J.-F., Les émotions, vecteurs de l’actualisation de l’implication et des représentations professionnelles. L’exemple des moniteurs éducateurs en formation, thèse de doctorat, université de Toulouse Le Mirail, 2009.

Flament C. et Rouquette M.-L., Anatomie des idées ordinaires : Comment étudier les représentations sociales, Belgique, Armand Colin, 2003.

Lac M. et Mias C., « Éditorial », Les Dossiers des sciences de l’Education, 17, 5-12, 2007.

Lac M. et Ratinaud P., « La professionnalisation : approche d’un processus représentationnel », JIRSO, 2 (1), 2005, p. 68-77.

Jodelet D., « Représentations sociales : un domaine en expansion ». In Jodelet D. (éd), Les représentations sociales, Paris, PUF, 2007, p. 47-78.

Moliner P., Rateau P. et Cohen-Scali V., Les représentations sociales : Pratique et études de terrain, Bonchamp-Les-Laval, PUR, 2002.

Moscovici S., La Psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF, 1961/1976.

Piaser A., Représentations professionnelles à l’école. Particularités selon le statut : enseignant, inspecteur, thèse de doctorat, université Toulouse Le Mirail, 1999.

Vidal N., En quoi l’alternance, et plus particulièrement la forme d’accompagnement sur le terrain de stage, sont-elles des éléments qualitatifs porteurs dans le processus de professionnalisation des stagiaires moniteurs éducateurs ?, Mémoire de master 2 de Recherche, université de Toulouse Le Mirail, 2009.

Licence : CC by-nc-nd

Notes

[1Article 6. Bulletin officiel Santé, Protection sociale, Solidarités no 7 du 15 Août 2007. Paris : Direction des journaux officiels.

[2Basé sur l’étude des co-occurrences, cet outil permet, dans un premier temps, de dégager des classes significatives du vocabulaire employé (classification hiérarchique descendante) en procédant par itérations successives par rapport aux unités de contexte (support de l’étude de co-occurrence correspondant à tout type de segment de texte). Il donne, dans un second temps, une représentation spatiale de ces classes (analyse factorielle des correspondances) en proposant des facteurs d’analyse des relations entre elles.

[3« Cibois préfère même parler, plutôt que d’analyse factorielle, de représentation factorielle, c’est-à-dire de “présentation nouvelle des mêmes données [...] sous un jour plus agréable” », cité par Bressoux. P. (2010). Modélisation statistique appliquée aux sciences sociales. Ed. : De boeck.

[4De même type mais plus « dynamique » qu’Alceste, il permet de tester les variables sans hypothèse a priori. Grâce à son système de clefs, le corpus peut être découpé en parties (correspondant chacune à une modalité de la clef) et analysé ensuite selon ces parties. Ainsi à la différence d’Alceste où les variables illustratives sont replacées a posteriori, Lexico permet une analyse lexicométrique en fonction de la variable clef. En ce qui concerne les calculs de corrélation, Alceste utilise le chi2 alors que Lexico 3 utilise un modèle hypergéométrique pour son calcul des spécificités.

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