Qu’est-ce que le Dictionnaire des francophones ?
Le Dictionnaire des francophones est une base de connaissances sur la langue française et un site internet pour la consulter. Présentant des informations sur les mots et expressions de la langue française dans toute sa diversité sociale et géographique sous la forme d’un dictionnaire, il innove en adaptant le contenu à son lectorat, modifiant l’ordre d’affichage des définitions lorsqu’elles sont associées à une aire d’usage en particulier.
Intégrant une dizaine de dictionnaires, ce sont plus de 2 500 000 entrées, en comptant les formes conjuguées des verbes, et plus de 600 000 définitions. C’est également un outil collaboratif, de dialogue autour de la langue pour l’enrichissement des informations déjà intégrées, la critique ou la confirmation. Depuis le lancement en mars 2021, plus d’un millier de nouvelles définitions ont ainsi été ajoutées en ligne par le contributorat !
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
L’équipe-projet du Dictionnaire des francophones est composée de quatre personnes en ce moment : Noé Gasparini, responsable d’édition, Sébastien Gathier, responsable des données, Nadia Sefiane, responsable de communication, Hugo Casamian, stagiaire pour la communication numérique. L’équipe est membre de l‘Institut international pour la Francophonie, composante de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Elle a été réunie pour ce projet, et allie des approches issues de la lexicographie traditionnelle, du monde de l’édition et des outils collaboratifs en ligne.
Quelles sont les ressources proposées ?
Le projet a débuté en 2019 par la numérisation d’un ouvrage décrivant les usages spécifiques à une douzaine de pays d’Afrique, associé à un dictionnaire décrivant déjà largement la langue française actuelle, le Wiktionnaire. Une dizaine de ressources se sont ajoutées ensuite, et d’autres sont en cours d’intégration. Ces travaux peuvent être de description massive, telle la Base de données lexicographiques panfrancophone, institutionnels pour le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois à la langue française et pour FranceTerme ; issus de la recherche académique et spécialisés sur une aire francophone : Belgique, Djibouti, Drôme.
À quel objectif répond-il ? Pour quel public ?
Le Dictionnaire des francophones est utile pour toute personne intéressée par la langue française, souhaitant acquérir de nouvelles connaissances ou vérifier des usages actuels, qu’ils soient de grande ou de petite diffusion, sans a priori. Il n’est pas le garant d’une norme propre à une communauté linguistique, mais le véhicule d’un partage de connaissances mettant à égalité tous les francophones.
Quels rôles peut-il jouer dans l’apprentissage ?
Comme tout dictionnaire, le Dictionnaire des francophones accompagne l’acquisition du vocabulaire. Sa grande dimension descriptive et son approche collaborative permettent une pédagogie active sur la langue et favorisent le sentiment d’appartenance à la communauté francophone.
La consultation d’un dictionnaire numérique se fait par la navigation d’un mot à un autre, la découverte des champs lexicaux et d’exemples venant du monde entier. L’exploration en particulier du Dictionnaire des francophones amène les apprenants et les apprenantes à découvrir que leurs usages propres, leurs variétés du français, sont décrites et qu’elles ont droit de cité et même valeur au sein de la langue. L’objet dictionnaire, qui souffre traditionnellement d’une aura intimidante de par son statut de référence, est rénové avec le Dictionnaire des francophones qui embrasse l’ensemble de la langue française et des cultures qui en font l’usage.
La participation active au Dictionnaire des francophones peut également permettre aux apprenants de fixer leurs connaissances, que ce soit en validant un usage qui est le leur ou celui de leurs proches, en liant un mot à un autre déjà connu ou en donnant un exemple d’usage contemporain. L’approche du sens des mots peut alors se baser sur l’entrée culturelle, partir des acquis des élèves et aller vers les connaissances de la langue.
Prenons l’exemple de la bille. Selon où se situe la cour de récréation, elle peut être appelée « canique » dans les Antilles, « chique » en Belgique, « canette » à la Réunion, et de bien d’autres manières. Un élève martiniquais ou belge pourra rencontrer ces mots qui sont liés à sa culture et les lier à d’autres désignations, ce qui facilite son apprentissage et le rattache à la communauté francophone.
La participation active au dictionnaire, la lexicographie collaborative, permet également le développement de compétences pratiques individuelles et au sein de la classe, par la concertation sur le sens des mots. Elle participe à lutter contre le sentiment d’illégitimité et l’insécurité linguistique que peuvent ressentir des francophones face à des connaissances sur leur propre langue qu’ils maitrisent imparfaitement. On peut aussi aller plus loin : la consultation et la contribution au Dictionnaire des francophones, par la rencontre avec soi et avec l’autre à travers les mots favorise, le développement de compétences douces comme la confiance en soi, la tolérance et l’empathie.
Avez-vous connaissance d’usages dans l’enseignement supérieur francophone ?
Pensé d’abord comme un outil citoyen, le Dictionnaire des francophones valorise des travaux de recherche sur la langue. Sa conception n’est initialement pas liée à un projet de recherche. Des projets sont cependant menés autour de cet objet et de ses usages, à Lyon et au sein de divers réseaux. Plusieurs lexicographes d’Afrique et d’Amérique du Nord échangent régulièrement autour de leurs activités de description de la langue, avec le soutien de l’Agence universitaire de la Francophonie.
Des initiatives pour la valorisation des travaux de recherche sont menés, pour l’intégration des glossaires produits pendant la recherche notamment, tel que présenté par l’équipe-projet lors d’une journée d’étude à Lyon en novembre 2022.
En ce qui concerne l’enseignement du FLE, on peut citer le CAVILAM-Alliance française de Vichy, qui a réalisé et met à disposition gratuitement des fiches pédagogiques et une application mobile Défis DDF qui s’appuient sur le Dictionnaire des francophones.
Comment est organisé le côté collaboratif ?
Un formulaire de contribution en ligne permet à tout un chacun d’ajouter des informations, des définitions, des mots et nouvelles expressions directement visibles et accessibles en ligne. Elles sont ensuite relues par un comité de relecture international qui va lier les nouvelles informations aux connaissances existantes et réviser la mise en forme si nécessaire.
L’action de contribution est accompagnée et guidée, car elle nécessite un apprentissage progressif des codes du dictionnaire. Les indications descriptives (désuet ou archaïque ? transitif ou intransitif ? par analogie ou par métonymie ?) sont ainsi toujours explicitées et de nombreuses pages d’aide sont présentes pour la formation individuelle ou collective. Plusieurs supports pédagogiques et l’animation d’ateliers de contribution en ligne ou dans des cadres adaptés viennent compléter les efforts de formation à la lexicographie collaborative. Nous avons ainsi pu organiser une initiation pendant le festival des Zébrures d’automne à Limoges et dans le cadre des Journées du Logiciel Libre à Lyon. Nous avons par ailleurs déjà expérimenté des ateliers de contribution en distanciel grâce à un partenariat avec l’AUF Amériques et l’AUF Caraïbe.
Comment arrivez-vous à le faire vivre ?
Nous communiquons principalement sur les réseaux numériques et par la production d’éléments de communication réutilisables par nos partenaires francophones telles que les Alliances françaises, Instituts français ou Maisons de la francophonie. Nous avons ainsi produit Les Petites Cartes, un support de médiation pour stand qui permet de faire découvrir les espaces francophones et d’intéresser à la langue française dans toute sa richesse.
En ligne, l’activité principale est la publication de mots du jour sur différents réseaux avec le compte @DFrancophones et la rédaction d’articles de fond sur le blogue du Dictionnaire des francophones, Parler en bouche.
Les mots proposés apportent des exemples du génie de la langue sans exotiser ni réduire à un herbier d’explorateur les mots communs des francophones. Ils sensibilisent sur les enjeux francophones et les valeurs du projet : intérêt général, description des usages, dynamisme, impartialité, ouverture, transparence du fonctionnement et approche collaborative.
Quelles sont les évolutions envisagées ?
Au niveau des fonctionnalités, nous travaillons sur l’intégration d’enregistrements audio permettant d’entendre les accents des francophones, ainsi que sur l’ajout de cartes représentant les aires d’usage pour chaque entrée du dictionnaire. La partie collaborative va également s’enrichir d’espaces de discussion sur les parties rédactionnelles portant sur l’histoire du mot, sa forme et ses usages.
Du côté du contenu, nous poursuivons les échanges avec les personnes ayant publié des descriptions de la langue pour les rééditer au sein du Dictionnaire des francophones, et nous travaillons en ce moment sur un lexique spécialisé sur le vin et la tonnellerie, qui permettra la découverte de toute une richesse de régionalismes liés aux territoires de France et de Suisse.
Enfin, pour la communication, nous planchons actuellement sur un tutoriel de contribution ludique qui permettra à des néophytes et aux personnes frileuses du numérique de nous donner leurs mots d’où qu’ils viennent.
Crédits des illustrations : Rue devant une école à Charleroi par Jmh2o. ; Jeu de billes au Sénégal par Mouha.ibs ; Salle de classe mutuelle au lycée Dorian, Paris (France) par Vetadine.
Toutes ces photographies sont sous la licence CC BY-SA 4.0.
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