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L’IA peut tout faire sauf prétendre à des droits d’auteur ?

17 septembre 2023 par binaire Coopérer 267 visites 0 commentaire

Un article repris de https://www.lemonde.fr/blog/binaire...

Pas un jour où nous n’entendions parler de ChatGPT ou d’intelligence artificielle générative. Parmi les points abordés, le respect des droits d’auteur fait souvent débat. Alors nième billet sur ce sujet ? Et bien, non ! Charles CUVELIEZ et Jean-Jacques QUISQUATER nous proposent d’inverser la question et de nous interroger sur la possibilité d’attribuer des droits d’auteur à une oeuvre créée à l’aide d’une IA. Pour ce faire, ils s’appuient sur un dossier émanant des Etats-unis où la question des droits d’auteur est traitée différemment de notre culture européenne, notamment avec une tension très forte entre la protection des droits d’auteur (qui est une exception) et la liberté individuelle. Pascal Guitton

Un article repris du blog binaire, une publication sous licence CC by

Parmi les nombreuses questions soulevées par l’apparition des systèmes d’intelligence artificielle générative, figure celle sur les droits d’auteur relatifs aux données utilisées pour les entraîner. Elle touche bien entendu des systèmes comme ChatGPT, l’IA Act adopté en commission au Parlement européen le 11 mai dernier l’évoque. Mais, symétriquement, on pourrait aussi questionner les droits d’auteur sur une œuvre produite par l’IA. Curieusement, on n’en parle pas beaucoup et pourtant ChatGPT et ses consœurs sont directement concernées.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’organisme en charge des questions de droits d’auteur aux Etats unis (le Copyright Office) a voulu clarifier les choses avec des lignes directrices qui consacrent le cas par cas. Il n’y a jamais eu de droit d’auteur donné à une œuvre créée par un algorithme sur une machine autonome sans intervention humaine. En effet, octroyer des droits d’auteur à un logiciel reviendrait à lui octroyer des droits réservés aux personnes physiques. Mais qui sont ces auteurs ? Qui sont donc les bénéficiaires de ces droits : le(s) développeur(s) du système, l’entreprise le commercialisant, et au fond, pourquoi pas les utilisateurs experts (on parle maintenant de scripteurs d’IA) sachant tirer partie au mieux des IA.

Le Copyright Office a notamment pris pour exemple l’affaire dite Zarya of the Dawn du nom d’une BD dont les images avaient été calculées à l’aide de MidJourney, un logiciel d’intelligence artificielle, mais dont le texte avait été créé par Kristina Kashtanova son autrice. Dans ce cas, le Copyright Office n’a reconnu des droits d’auteur que pour le texte. Il y a eu d’autres variations : des œuvres où l’IA était citée comme co-auteur ou bien figurait dans les remerciements. De façon générale, le Copyright Act bannit tout auteur qui ne serait pas humain : un singe qui prend une photo n’aura pas de droit d’auteur. Un photographe peut y prétendre (la Cour Suprême a tout de même dû statuer) mais un appareil qui prend automatiquement des photos, non, sauf à prétendre que l’avoir placé à tel endroit constitue un acte créatif.

Dorénavant, le Copyright Office décomposera chaque œuvre en parties crées par IA de manière autonome et d’autres qui ne le sont pas. Il examinera dans quelle mesure l’IA a produit sa partie de manière autonome ou si une intervention humaine a été nécessaire au point de l’orienter avec une approche mentale, et donc une expertise, de sa part. Il faudra donc une mise en forme visible d’origine humaine (sic).

ChatGPT

C’est évidemment ChatGPT que le Copyright Office a en tête : en quelques instructions, on peut lui demander de construire une œuvre musicale ou littéraire qui est souvent bluffante.

Ces quelques instructions ne peuvent prétendre à bénéficier du droit d’auteur, dit le Copyright Office. Tout le monde ne sera pas d’accord : il faut parfois un tel savoir-faire pour donner à ChatGPT la bonne instruction qu’on peut s’interroger pour savoir si on peut parler d’intervention humaine créative.

Les droits d’auteur vont uniquement s’appliquer aux aspects émanant d’un humain dans ce qui aura été produit en commun par l’IA et l’humain, comprend-t-on dans les intentions du Copyright Office. Si un auteur réarrange ce que ChatGPT aura produit, il y a de l’espoir.

Suite à l’affaire Zarya of the Dawn où Kristina Kashtanova avait initialement déclaré être l’autrice de l’ensemble de la BD, le Copyright Office a modifié son formulaire de déclaration en demandant désormais explicitement aux auteurs si certaines parties de leur œuvre avait été fabriquées à l’aide d’IA. Et s’ils ne savent pas le distinguer, le Copyright Office les contactera pour décider ensemble !

En Europe, la directive sur les droits d’auteur s’applique mais elle représente au fond une exception à la liberté d’expression : le contenu auquel les droits d’auteur s’appliquent doivent résulter d’un effort intellectuel humain. Avec l’IA, ce dernier peut intervenir au moment de la conception ou de la touche finale : l’exécution reste souvent l’apanage de l’IA.

Avec l’IA, on a encore une illustration de cette éternelle tension entre l’exception à la liberté d’expression qu’est le droit d’auteur et la protection de l’investisseur dans le développement de l’IA.

Charles CUVELLIEZ (DSSI Belfius Banque et Ecole Polytechnique de Bruxelles, Université de Bruxelles) & Jean-Jacques QUISQUATER (Ecole Polytechnique de Louvain, Université de Louvain)

Pour en savoir plus :

 Copyright Office,37 CFR Part 202,Copyright Registration Guidance : Works Containing Material Generated by Artificial Intelligence AGENCY : U.S. Copyright Office, March 2023
 Copyright and Artificial Creation : Does EU Copyright Law Protect AI-Assisted Output ? P. Bernt Hugenholtz & João Pedro Quintais – International Review of Intellectual Property and Competition Law volume 52, 2021

Licence : CC by

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