Audrey Groleau, « Compte rendu du 2e séminaire international de l’Office for Climate Education », Éducation relative à l’environnement [En ligne], Volume 19.1 | 2024, mis en ligne le 15 juin 2024, consulté le 16 décembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/ere/11382 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12wrz
Je me suis rendue au 2e séminaire international de l’Office for Climate Education, qui s’est tenu du 12 au 15 septembre 2023 en France. On y regroupait trente-huit personnes représentant une quinzaine de pays pour suivre des formations et discuter d’éducation aux changements climatiques : formateurs et formatrices d’enseignant.e.s, employé.e.s d’organisations non gouvernementales, fonctionnaires, etc. J’y ai représenté le Canada en tant que professeure de didactique des sciences et de la technologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Je ne me suis pas sentie dépaysée lorsqu’il a été question de l’importance d’aborder avec les jeunes, comme avec le personnel enseignant, les enjeux de la pensée systémique, de l’interdisciplinarité, du contact avec la nature, du développement des capacités citoyennes, de l’enseignement et de l’apprentissage pour l’action, etc. Il a aussi beaucoup été question d’écoanxiété, de pédagogies actives ou par projet et de démarches d’investigation, mais aussi d’évaluation des apprentissages et des résultats des initiatives pédagogiques.
L’activité de conception de plans d’action pour poursuivre les réflexions et les activités après le séminaire était particulièrement intéressante. Avec des représentantes de l’Ukraine et des États-Unis, j’ai travaillé à l’élaboration d’un programme de formation d’enseignant.e.s ukrainien.ne.s visant l’implantation de pédagogies actives dans les classes, malgré l’invasion russe actuelle. Parmi les autres projets d’action développés lors du séminaire, on peut mentionner des plans d’adaptation et d’enrichissement de programmes d’études pour favoriser l’éducation aux changements climatiques dans divers pays africains et la création d’une organisation non gouvernementale en Asie du Sud-est pour coordonner les efforts relatifs à l’éducation aux changements climatiques. L’Office for Climate Education [1] sera impliqué dans la réalisation de plusieurs de ces projets, et il me semble probable que plusieurs seront menés à bien.
Pour le reste de ce compte rendu des discussions, je développe trois idées dont il a été question pendant l’évènement. Il ne s’agit pas nécessairement des idées qui étaient les plus importantes ou qui ont occupé le plus de temps, mais de celles qui ont suscité chez moi une réflexion et qui m’ont apporté quelque chose de nouveau.
L’établissement de projets pilotes de moyenne échelle
Plusieurs personnes ayant pris part au séminaire ont insisté sur l’importance d’établir des projets pilotes de moyenne échelle en éducation aux changements climatiques. C’est que les projets pilotes de petite échelle, bien qu’ils puissent produire des résultats fort intéressants dans un ou quelques milieux, ne peuvent pas facilement être reproduits ou adaptés à grande échelle. Ils ne sont non plus pas toujours pérennisés, souvent par manque de financement. Pour ces raisons, il importe d’encourager l’établissement de projets pilotes à moyenne échelle d’initiatives qui se sont avérées prometteuses à plus petite échelle et de favoriser leur financement.
Le financement de la formation initiale et continue des enseignant.e.s
J’ai été préoccupée par les propos de représentant.e.s de quelques pays qui parlaient des défis relatifs au financement de la formation des enseignant.e.s. C’est que le contenu et le financement de ces formations deviennent souvent hautement politiques, surtout lorsqu’il est question d’éducation aux changements climatiques. Il semble qu’à certains endroits, la subvention de fonctionnement des universités pour la formation initiale des enseignant.e.s n’est pas garantie, en ce sens qu’on doit périodiquement faire de nouvelles demandes aux gouvernements ou à des fondations privées par exemple. En ce qui concerne la formation continue, elle peut être offerte, un peu comme au Québec, par les universités, les fondations, diverses organisations, etc., ce qui rend la question de son financement plus complexe. Pour le Québec, gardons un œil sur les manières dont les trente heures de formation continue obligatoire échelonnées sur deux ans seront financées, mais aussi sur les façons dont elles seront reconnues et sur les groupes qui les offriront.
Le rôle des savoirs scientifiques dans l’éducation aux changements climatiques
Le séminaire de l’Office for Climate Education portait une attention particulière aux savoirs scientifiques relatifs à l’éducation aux changements climatiques : une journée complète a notamment été consacrée aux causes de la hausse du niveau des océans, au phénomène de l’effet de serre et à l’enseignement de ces contenus de formation. On y a souvent dit que pour réaliser une éducation aux changements climatiques de qualité, il faut bien comprendre le phénomène d’un point de vue scientifique et faire en sorte que les élèves le comprennent bien eux aussi. Je me suis alors beaucoup questionnée sur la place des savoirs scientifiques dans l’éducation aux changements climatiques et plus largement, sur les visées et la teneur d’une telle éducation. Pendant le séminaire, j’ai constaté que dès qu’on creuse un peu sous la surface, les buts de l’éducation aux changements climatiques et les contenus à y aborder sont loin de faire consensus d’une personne à l’autre, d’une juridiction à l’autre.
Au Québec, le programme Culture et citoyenneté québécoise a récemment été implanté. On parle par ailleurs de plus en plus d’une refonte à venir du programme Science et technologie. Dans les deux cas, on dit que l’environnement et les changements climatiques prendront une place plus importante qu’auparavant dans les programmes. Il s’agit d’une bonne occasion pour discuter des caractéristiques de l’éducation aux changements climatiques que nous souhaitons offrir aux jeunes et d’y réfléchir en profondeur. Pendant le séminaire, les points de vue étaient vraiment diversifiés : on a discuté de la maitrise des concepts, des changements de comportements individuels, du développement de capacités de débat et d’action, du développement de la pensée critique, complexe et systémique, etc. Ces questions, qui ne sont bien sûr pas mutuellement exclusives, ne sont pas anodines : elles auront des impacts sur les manières dont on comprendra les changements climatiques dans le futur, dont on luttera contre eux et dont on s’y adaptera. Des pistes de réflexion ont déjà été formulées dans les champs de l’éducation aux sciences, des questions socialement vives, des thèmes sensibles, de l’éducation relative à l’environnement et de l’éducation pour un avenir viable. Mener cette réflexion et chercher à en discuter avec de nombreuses personnes intéressées ou concernées par la question de l’éducation au changement climatique formeront mon projet personnel à la suite de ma participation au séminaire.
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