Marilyn Brochu et Jessica Fournier, « Pour en lire plus : L’éducation par la nature : Théories, pratiques, formations », Éducation relative à l’environnement [En ligne], Volume 19.1 | 2024, mis en ligne le 15 juin 2024, consulté le 04 janvier 2025. URL : http://journals.openedition.org/ere/11608 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12yqo
Le paradigme actuel d’exploitation qui instrumentalise la nature et l’humain a mis les écosystèmes en péril. Afin de rétablir l’équilibre, l’humanité devra (re)découvrir d’autres visions du monde. Pour ce faire, des personnes chercheuses sont d’avis que l’écosensibilité peut se développer dès l’enfance en étant en relation avec la nature (par exemple, Chawla, 2007 ; Stern et coll., 2014). L’éducation formelle et informelle peut contribuer à réduire le déficit de nature dès le jeune âge. L’exposition répétée à la nature peut permettre d’apprendre à l’aimer et à s’y sentir attaché, en vue de développer le désir de la protéger.
L’ouvrage de Laura Nicolas et Virginie Boelen traite de ces questions. L’éducation par la nature y est abordée sous plusieurs angles. La première partie du livre regroupe des textes portant sur des enjeux épistémologiques et méthodologiques. Les personnes autrices traitent également des enjeux socio-environnementaux que l’éducation par la nature pourrait soulever ou mettre en lumière. La deuxième partie de l’ouvrage présente des pratiques pédagogiques en éducation par la nature. On y trouve des exemples concrets d’initiatives pédagogiques auprès de divers types de personnes apprenantes. La troisième partie du livre s’attarde enfin à des dispositifs de formation mise en œuvre tant au Canada, qu’en France et en Belgique. De manière générale, les propos de cet ouvrage collectif sont nuancés. Cette nuance permet à la personne lectrice de réfléchir à ses propres conceptions de la pédagogie, à ce qu’est l’apprentissage ainsi qu’à son rapport à la nature.
D’ailleurs, bien qu’il existe différentes conceptions de l’éducation par la nature, certains repères conceptuels sont proposés. En effet, en introduction, Laura Nicolas et Virginie Boelen proposent une définition de l’éduction par la nature, soit « l’ensemble des pratiques scolaires ou non scolaires ayant lieu dans un environnement végétalisé, minéralisé et animalisé et visant à mettre directement, cognitivement et sensoriellement les jeunes en relation avec cet environnement » (p. 16). Point et coll., pour leur part, s’inspirent des travaux de Waite (2019) et de Lloyd et coll. (2018) pour définir l’éducation par la nature. Ainsi, pour ces personnes chercheuses, l’éducation par la nature est « une proposition éducative où le contexte, à la fois social et environnemental, joue un rôle significatif dans l’apprentissage et qui s’inscrit dans la logique d’augmenter l’exposition et l’attachement à la nature » (p. 246). Il pourrait alors être avantageux d’enraciner l’apprentissage dans le lieu selon l’approche du place based learning (p. 246). Ainsi, on observe que ces deux définitions abordent les notions de relation à l’environnement, d’éducation au-delà du cadre scolaire normatif et de l’importance du contexte environnemental.
L’éducation par la nature apporte son lot de questionnements relatifs à l’éducation et à la nature. La première partie de l’ouvrage, qui aborde des enjeux épistémologiques et méthodologiques, permet à la personne lectrice de réfléchir à ces questions primordiales. Au-delà d’une stratégie pédagogique, l’éducation par la nature demande aux pédagogues de mettre en perspective leur propre rapport à la nature et aux humains, et de se questionner sur leurs choix épistémologiques à cet égard. L’éducation par la nature permet de (re)penser le rapport à soi, aux autres et au monde. Adopter cette approche plus globale amène à (re)penser également les apprentissages, la façon dont les apprentissages se font et la manière qu’ont les personnes apprenantes de témoigner de leur rapport à la nature. En effet, la conception de la nature qu’adopte le ou la pédagogue peut teinter sa façon de l’aborder et déterminer son action éducative.
La deuxième partie du livre permet d’outiller les personnes lectrices, quant aux diverses pratiques d’éducation par la nature. Les textes abordent ici l’éducation par la nature de façon concrète et avec des exemples pratiques. Étant donné la diversité des pratiques proposées, une vision holistique de l’enfant en émerge. Ainsi, en plus de considérer les apprentissages cognitifs, les personnes autrices considèrent la contribution des dimensions physiques, émotionnelles et relationnelles de l’enfant dans ses apprentissages.
La dernière section de l’ouvrage propose divers dispositifs de formation et d’accompagnement à l’éducation par la nature. La richesse de cette partie repose en partie sur le fait que les personnes autrices sont d’origines variées, soit belges, canadiennes et françaises. Cette diversité permet aux personnes lectrices de plonger dans différentes expériences de formation. D’ailleurs, une présentation des personnes autrices est réalisée à la fin de chacun des chapitres et cela permet d’en apprendre davantage sur leurs travaux et de s’y référer au besoin. Ainsi, certains textes nous proposent de découvrir des dispositifs de formation et d’accompagnement concrets et pratiques (Boelen, 2024 ; Le Bouil et Nicolas, 2024 ; Point et coll., 2024). La richesse des dispositifs, parfois codéveloppés avec les personnes actrices des milieux, permet aux personnes enseignantes de s’approprier différentes stratégies d’enseignement.
Dans cette dernière section, Cottereau (2024) présente le texte phare du livre. L’autrice propose un magnifique texte portant sur le soi écologique. Comme mentionné précédemment, le rapport à la nature et la conception de la nature de la personne enseignante teinteront l’approche et les stratégies pédagogiques déployées. Ainsi, Cottereau propose au pédagogue « qu’il sache lui-même se positionner dans son rapport à cette “nature” » (p. 211). L’autrice convie donc les personnes lectrices dans un voyage qui permet la découverte de descriptions abondantes et précises de la nature. Elle utilise un langage poétique pour parler du soi écologique qui se construit et se manifeste dans « les interactions que nous déployons avec le monde non humain », conscientes ou non (p. 212). Le texte permet donc de réfléchir à notre rapport au monde et propose à cet effet une stratégie concrète.
Au bilan, l’ouvrage collectif « L’éducation par la nature » offre des fondements et des pistes inspirantes pour mettre en œuvre des pratiques éducatives en relation avec l’environnement. Il ouvre ainsi une avenue pédagogique permettant d’atténuer l’éco-anxiété que certaines personnes peuvent ressentir. En effet, l’éducation par la nature peut permettre la (re)connexion des personnes à leur environnement et elle peut offrir l’occasion de s’éduquer aux enjeux socio-environnementaux (Lopes, 2023). Cet ouvrage permet de s’informer, de se former et de poser un regard critique sur nos conceptions et nos pratiques éducatives en relation avec la nature.
Bibliographie
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Chawla, L. (2007). Childhood experiences associated with care for the natural world : A theoretical framework for empirical results. Children, Youth and Environments, 17(4), 144-170.
DOI : 10.1353/cye.2007.0010
Lloyd, A., Truong, S. et Gray, T. (2018). Place-based outdoor learning : more than a drag and drop approach. Journal of Outdoor and Environmental Education, 21(1), 45-60.
Lopes, I. (2023). Les visages de l’éco-anxiété. Les Éditions Écosociété.
Waite, S. (2019). Outdoor Learning Research : Insight into Forms and Functions. London Routledge (p. 1-7).
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