La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Une idée (fausse) circule depuis (trop) longtemps à propos des technologies du numérique à l’école qu’il convient de défaire : selon certains, elles devraient nécessairement permettre à l’élève d’obtenir de meilleurs résultats et d’avoir plus de compétences. Cette conception, on a tendance à l’oublier, est en prise avec nos modes de raisonnement et de production intellectuelle qui sont eux-mêmes assujettis à la rationalité capitaliste. Comme la formation aux usages des technologies passe par un nécessaire investissement des établissements de l’enseignement et, par extension, des pouvoirs publics, on fantasme l’idée d’un retour sur investissement. Quelque part, on se met même à l’espérer. Mais à tort.
En effet, en quoi un outil – aussi intelligent soit-il – pourrait-il améliorer les compétences intellectuelles des individus ? Il peut les assister, leur permettre de progresser dans leurs apprentissages, leur faciliter la tâche, démocratiser l’accès au savoir, mais d’aucune manière les Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation (TICE) – ces outils et produits numériques utilisés dans le cadre de l’éducation et de l’enseignement – n’ont le pouvoir d’améliorer nos capacités cérébrales.
Un contexte de rupture technique et intellectuelle
Quand ils sont apparus, le livre de poche, le manuel scolaire et toutes les autres formes d’imprimés à large diffusion, le stylo Bic© ou encore le Ronéotypage©, n’ont pas permis intrinsèquement aux apprenants d’accroître leurs compétences intellectuelles. Ils ont, par contre, permis une accession et une diffusion plus massive et facilitée aux connaissances ; ils ont participé à une élévation générale des esprits, à un « nivellement par le haut » des compétences.
La lecture, l’écriture, l’accession au savoir n’étaient plus l’apanage d’une élite. Elles étaient maintenant ouvertes à tous. Mais les effets de ces technologies de l’intellect n’ont pas été immédiats : il a fallu un temps de diffusion puis de domestication. Toutefois, dès lors qu’elles existaient, et qu’on en avait mesuré les effets positifs, elles étaient devenues incontournables. Il fallait « faire avec » sans que cela nous dispense de continuer à enseigner des gestes de calligraphie ou à faire l’acquisition de beaux livres reliés.
De la même manière, les TICE marquent une rupture technique et intellectuelle dans le fonctionnement du système éducatif. Elles sont là pour accompagner, diffuser et faciliter les apprentissages. Les enseignants l’ont d’ailleurs très bien compris en l’utilisant dans des logiques de pédagogies par projets ou de pédagogies adaptées (ou différenciées). L’outil numérique remplit alors une fonction de rassembleur le temps d’une production collective (généralement un blog ou l’animation d’un réseau social pour rendre compte d’activités conduites dans la classe). Il peut aussi répondre à des besoins d’accélération ou de décélération dans les apprentissages, toutes les personnes n’ayant pas le même rythme de travail l’outil numérique vient alors assister l’enseignant qui ne peut pas répondre aux besoins tous spécifiques de ses élèves.
Pour une formation des formateurs
On observe ici des effets incontestablement positifs de l’introduction du numérique à l’école qui renforce les apports des technologies de l’intellect qui ont consécutivement été intégrées dans le milieu éducatif ; il les raffine, mais il n’a aucune place à tenir en tant que vecteur d’accroissement du savoir individuel. Si tout le monde s’accorde sur la grande difficulté qu’il y a d’évoluer dans notre société sans avoir des compétences minimales liées au numérique (trouver une information pratique en ligne, réaliser des achats ; utiliser les réseaux sociaux à bon escient ; mais aussi : se cultiver, apprendre, découvrir ; avoir des comportements corrects et déontologiques ; jusqu’à la fabrication elle-même d’outils et services numériques), l’engagement du corps pédagogique dans cette voie est très variable, car il est peu ou mal formé.
Généralement, les initiatives sont prises à titre individuel et en fonction de compétences développées par chacun, en toute autonomie. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’appellation « natifs du numérique » (Digital Natives), utilisée pour désigner les jeunes générations, a connu une fortune certaine dans les milieux éducatifs pour asseoir cette rupture entre des enseignants (soi-disant) malhabiles et des élèves (soi-disant) débrouillards.
En ce sens, ce sont les pédagogues qui doivent d’abord acquérir les compétences nécessaires à la conduite de cette nouvelle mission qui est la leur. Une mission qui consiste à former les jeunes générations à la maîtrise de la technique, mais plus encore : à la maîtrise d’une véritable culture technique. Un besoin auquel une institution comme l’Institut Catholique de Paris tente de répondre en cette rentrée 2015-2016 puisqu’elle a décidé d’offrir à ses personnels enseignants une formation adaptée à leurs besoins. Sans attendre les premières retombées, un tiers de son personnel statutaire s’est engagé dans cette voie pour monter en compétences au plus vite et encadrer au mieux les étudiants. La preuve que les besoins sont là et que les motivations sont grandes.
De nouveaux métiers : les auxiliaires numériques
Mais toutes les connaissances et les compétences nécessaires à la manipulation des technologies ne sont pas du seul ressort de l’enseignant. Il importe donc que les institutions d’enseignement se dotent urgemment d’auxiliaires numériques dont la tâche est de répondre à des besoins d’assistance technique et de production de ressources multimédiatiques.
Là encore, l’Institut Catholique de Paris a pris cette problématique à bras le corps avec sa direction informatique en montant un service ad hoc – l’Atelier du Numérique – composé d’une équipe qui est là pour répondre aux besoins du personnel éducatif : installation et entretien du matériel, captation de ressources vidéo, animation d’un environnement numérique de travail, sauvegarde, gestion et stockage des données, etc. Des problématiques soulevées par l’usage des technologies à l’école dont on ne peut se départir et qui se posent aussi pour les acteurs du primaire et du secondaire.
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