Bonjour Marc est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appelle Marc Le Gall, je suis enseignant au lycée Vauban et coordinateur de la Coopérative Pédagogique du Finistère. Je suis également formateur académique pour l’intégration des usages du numérique dans les pratiques pédagogiques. Je continue à enseigner et suis toujours à six heures devant élèves, ce qui permet d’expérimenter certaines pratiques avec le numérique, ça m’aide beaucoup en tant que formateur.
Les populations d’élèves que l’on a depuis 5 - 6 ans évoluent, leurs pratiques changent avec par exemple la venue des smatphones et dernièrement des forfaits illimités. Je pense qu’il est important d’observer les pratiques des élèves pour adapter nos pédagogies. Leurs usages évoluent rapidement, à une époque ils utilisaient les blogs pour s’exprimer, aujourd’hui ils « consomment » beaucoup de clips vidéo sur YouTube, ils sont moins sur Facebook, plutôt sur Instagram et Snapchat. Et si par exemple, l’on veut intégrer l’usage des réseaux sociaux en classe, nous devons le prendre en compte dans nos pratiques.
Tu relies toujours innovation numérique et l’innovation pédagogique ?
Oui, il s’agit d’abord innovation pédagogique avec un usage d’outil numériques. Les deux sont assez liés, ce n’est pas l’outil pour l’outil : introduire des outils numériques sans avoir de projet pédagogique n’a pas beaucoup d’intérêt. Nous sommes au service de l’élève dans les apprentissages, nous regardons si les outils numériques permettent de nous projeter dans nouvelles innovations pédagogiques.
Pourquoi cette coopérative pédagogique en Finistère et en Bretagne
Le projet de coopérative pédagogique est un projet à grande échelle déployé sur l’académie. Le projet s’appelle « Living Lab Interactik » et comprend deux volets :
- quatre coopératives pédagogiques déployées , une dans chaque département,
- et un volet recherche : comme c’est un dispositif innovant, il est important d’avoir des observateurs extérieurs, des chercheurs qui regardent ce qui se met en place dans les coopératives et de ce qui découle de ces pratiques
Interactik : un écosystème pour le numérique éducatif en Bretagne
Interroger les outils numériques comme moyen d’évolution des pratiques pédagogiques ? Proposer de nouveaux modes de formation et d’échanges autour de la pédagogie ? Favoriser le travail collaboratif entre les enseignants ? Réduire la fracture numérique et favoriser l’inclusion numérique ?
C’est à partir de ces questionnements que l’académie de Rennes, les collectivités territoriales et des laboratoires de recherche bretons se sont réunis pour proposer la création d’un écosystème numérique éducatif innovant en Bretagne.
texte et logo repris de la page du rectorat sur Interactik
Quelle est l’intention de l’académie en créant ces coopératives pédagogiques ?
À l’origine, la salle actuellement dédiée à la coopérative était un incubateur pédagogique numérique. C’était un endroit où les enseignants qui voulaient innover avec de nouvelles pratiques et qui bloquaient un peu sur l’aspect technique du numérique, pouvaient venir. On mettait en place des séances qui leur permettaient de s’affranchir de tout l’aspect technique et leur permettaient de se concentrer sur l’aspect pédagogique des innovations. Ils venaient avec leurs élèves dans cette salle.
Le terrain est propice, depuis plus de 20 ans cette culture du numérique et de la coopération dans le pays de Brest est impulsée par Michel Briand, ancien élu au numérique de la ville de Brest.
Et de fil en aiguille, nous nous sommes dit que qu’il fallait aussi développer de nouvelles pratiques collaboratives parmi les enseignants. Une équipe académique a observé que dans les entreprises il y avait de plus en plus d’espaces de travail collaboratif et on s’est demandé si le travail collaboratif dans l’enseignement ne serait pas également intéressant ? est ce que l’on ne pourrait pas impulser cela à l’échelle des enseignants ?
D’où l’idée de ces coopératives pédagogiques
Et lorsque l’on m’a proposé d’animer une coopérative pédagogique, j’ai de suite accepté, c’est une problématique qui me passionne et je consacre beaucoup de temps à faire vivre ce projet.
Nous avons commencé à imaginer des nouveaux espaces de travail collaboratif au sein de la coopérative, ici sur le site du lycée Vauban, c’est intéressant tout qui est à inventer. Je tiens à remercier Gabin du Master TEF (Technologies pour l’Education et la Formation), qui est en apprentissage ici et travaille sur le mobilier : comment des espaces et le mobilier peuvent être adaptés pour favoriser de nouvelles méthodes de travail coopératif ?
Nous avons également Gaëlle, agent de laboratoire, détachée à mi-temps qui gère tout l’aspect matériel de la coopérative et participe activement aux animations.
Ce projet de coopérative participe s’intègre dans un projet plus global. Il s’inscrit dans une mouvance qui émerge, avec des courants porteurs. L’innovation ici c’est cette ouverture d’un espace de co-working pour des enseignants. Se former entre pairs. On ne sait pas toujours très bien comment s’y prendre, on tâtonne parfois, il y a des choses qui marchent bien et d’autres moins bien.
est-ce que tu peux préciser ?
Ce qui marche bien, c’est que lorsque des collègues viennent dans l’espace de travail, qu’ils trouvent des réponses pour mettre en place un projet, ils sont ravis, c’est très encourageant.
Par contre on ne sait pas toujours comment les faire venir ? la communication doit se faire par différents canaux pour éviter l’entre-soi, ce sont les premiers pas qui sont difficiles.
La coopérative pédagogique du lycée Vauban à Brest est un site pilote, je tiens à le préciser, un site de coopérative pour l’ensemble du département cela ne peut pas marcher. Nous ne pouvons pas imaginer que des collègues du Guilvinec, de Concarneau, ou de Morlaix (entre 60 et 100 km de Brest) viennent co-worker ici à Brest. Si cette solution fonctionne sur les établissements pilotes du finistère (lycée Vauban, Collège de la Fontaine Margot et l’école du Petit paris), il va falloir l’essaimer dans le département à une plus petite échelle de territoires.
Comment fonctionne la coopérative pédagogique ?
Il y a l’aspect collaboratif, avec des collègues qui viennent travailler seuls ou par petits groupes dans ce lieu parce que l’espace est convivial et « numériquement favorable », la porte est ouverte du matin au soir. Il y a tous les outils nécessaires, les différents espaces pour travailler en petits groupes avec en plus l’accueil, le café et les conseils.
Dans ce coin banquette où plus loin avec des tables mobiles ; l’espace est suffisamment grand pour que plusieurs groupes puissent y travailler.
Et puis il y a il y a deuxième aspect : les animations proposées, sur une thématique qui intéresse des collègues. Prenons un exemple : quels usages pédagogiques d’un drone en classe ? On invite à venir des collègues qui ont envie de découvrir que faire avec un drone en classe et on espère faire venir aussi des collègues qui pratiquent déjà et qui veulent partager leur expérience. Voilà c’est en théorie, en pratique c’est un peu plus compliqué. Le plus dur n’est pas de faire venir les collègues qui ne connaissent pas, s’ils sont intéressés, ils viendront facilement. Ce qui est difficile c’est d’impliquer les collègues qui ont déjà un peu d’avance il faut leur suggérer de venir quand même pour qu’ils partagent leur expérience. C’est compliqué parce que dans notre culture, classiquement il y a un formateur qui connaît et transmet aux formés qui ne connaissent pas. Il faut changer ce code et cela ne se fera pas en un an. Cette pratique de la collaboration est un changement de posture qui se fait au minimum sur du moyen terme.
A un an et demi de fonctionnement, est-ce que tu peux nous décrire une initiative particulière ?
En marge de la coopérative il y a aussi le réseau prof à Brest qui bénéficie d’une nouvelle impulsion avec la coopérative pédagogique. Le fait que l’on soit dans un lieu convivial, avec une dynamique d’animation, a permis de bien relancer le réseau prof@brest. J’ai envie de m’appuyer sur ce réseau parce que ce sont des collègues dynamiques qui ont envie d’innover.
Comme toute la société, notre éducation, notre école, sont embarquées dans la transition numérique. Nombreux sont les enseignant-e-s et acteur-ice-s de l’éducation qui s’impliquent pour une école créative, ouverte sur la société et plus juste. Le travail en réseau est aujourd’hui facilité par l’usage des outils du numérique qui nous permettent d’échanger, de donner à voir, de créer un réseau social qui associe les professionnels d’un territoire. A l’image du réseau doc@brest, des bibliothécaires et documentalistes, voici un réseau prof@Brest des acteurs de l’éducation ouverte et créative. Rencontres, veilles collaboratives, présentation d’innovations, ateliers, conférenciers invités, remix de services, développement de communs, tiers lieux de "co-travail" nous proposons de nous inspirer de cette dynamique fructueuse et convivale de doc@brest.
prof@brest, texte repris du wiki
Nous avons un peu changé nos pratiques sur prof@brest : au lieu de faire une conférence avec quelqu’un qui présente son initiative ou un sujet on essaie de rendre à chaque fois les collègues acteurs du dispositif. C’était le cas lors des deux derniers profs à Brest où les collègues ont apprécié cette collaboration et d’être acteur de l’expérience vécue ensemble.
Est-ce que tu peux expliquer ?
Le premier rendez-vous sur un escape game sur l’univers de « Survive on Mars » réunissait des collègues du premier et du second degré, de l’enseignement supérieur. Il a fallu faire des équipes, collaborer pour l’escape game et cela grouillait d’activité dans la coopérative. C’était juste merveilleux et on imaginerait bien des formations d’enseignants sous cette forme la. Chacun a eu je pense un déclic en disant ah oui c’est quand même extrêmement motivant !
Le second rendez-vous c’était sur l’outil de créativité Genially où chacun ( on était une dizaine) a apporté une petite contribution pour réaliser une présentation de prof@brest. C’était vraiment un atelier participatif.
Et après on a joué aux #bouloupok
La coopérative est ouverte sur le territoire, ce ne sont pas uniquement des enseignants, nous accueillons aussi par exemple des anciens enseignants en retraite telle Monique Argouac’h qui vient souvent s’occuper du robot NAO et de fil en aiguille on trouve des idées.
Par exemple, nous avons fait germé un jeu de boules le #bouloupok : ce sont des boules numérique sur lesquelles il faut programmer la trajectoire. On s’appuie sur le fameux jeu de la boule bretonne qui s’appelle le bouloù pok. Il sera présenté au forum des usages coopératifs.
Je suis convaincu que c’est aussi le rôle d’une coopérative que de permettre de faire émerger des idées, un endroit où les personnes peuvent prendre leur temps pour travailler et approfondir sur un sujet.
Est ce qu’il y a là une particularité de cette coopérative pédagogique à Brest ?
La coopérative brestoise a bien démarré parce que nous avons cette culture de la coopération et des réseaux bien implantés. La coopérative c’est aussi une interconnexion de réseaux, un hub en quelque sorte. Avec mon implication depuis longtemps sur différents projets sur Brest, je peux faire l’interface avec les nombreux réseaux, cela marche bien, est dans la collaboration.
On a cette chance à Brest d’avoir une dynamique bien implantée autour du numérique et qui met les acteurs en relation les uns avec les autres, qui n’existe peut-être pas dans d’autres territoires (un peu comme ce qui se construit autour des réseaux labfab à Rennes).
Comment ces coopératives qui sont un changement de culture pour les institutions se sont mises en place ?
Les coopératives pédagogiques ont un pilote extrêmement impliqué Alain Van Sante, délégué académique au numérique (DANE) ainsi que le chef de projet Nicolas Kermanbon.
Et on a la chance ici au lycée Vauban et aussi au collège de la Fontaine Margot d’avoir des chefs d’établissement qui soutiennent activement cette dynamique. Au lycée Vauban, toute l’équipe de direction nous appuie pour développer les usages de la coopérative, en permettant par exemple d’élargir les horaires d’ouvertures, et en nous confiant les clés du batiment. Le proviseur nous fait confiance pour cela. C’est important de pouvoir prolonger une réunion au delà de 20h , par exemple dans le cadre d’un rencontre de prof@brest alors que tout est bouclé dans le lycée ou dans d’autres établissements. Ce serait dommage, lorsqu’il y a des choses qui se mettent en place de bloquer les initiatives de discussion par rapport à une heure butée.
Ce n’est pas anodin que les établissements pilotes soient le lycée Vauban et le collège de La Fontaine Margot où des équipes enseignantes portent des innovations pédagogiques utilisant le numérique depuis plus d’une quinzaine d’années.
Quelle coopération entre la coopérative pédagogique et Canopé ?
Il faut que l’on soit complémentaire et non pas concurrent. Canopé est toujours associé quand on réalise des animations. On s’entend très bien avec l’équipe de Canopé qui est invitée et présente du matériel quand on fait les présentations. Canopé a aussi la spécificité de prêter du matériel aux établissements.
Qui fréquente la coopérative entre primaire collège lycée ?
Le site de la coopérative est sur trois établissements : le collège de La Fontaine Margot, le lycée Vauban et l’école du Petit Paris. Ce dernier site et en cours d’équipement et cela prend du temps ; l’équipe pédagogique est en attente de l’aménagement de la salle (déjà repérée) avec la ville de Brest. Le premier degré a des contraintes particulières comme la nécessité d’une ouverture entre midi et deux et après 17h compte tenu du temps de travail des enseignants qui ne peuvent pas libérer leurs élèves. Nous avons eu de nombreuses réunions avec eux pour inventer le site coopératif du premier degré avec leurs contraintes spécifiques.
Ici sur le site du lycée Vauban, nous avons une mixité de public avec par exemple la semaine dernière un travail avec les IRUN qui sont les interlocuteurs autour du numérique dans les circonscriptions pour le premier degré.
Nous avons la chance d’avoir trois personnes à temps partiel qui participent aux animations de la coopérative et permettent une ouverture en continu.
Merci Marc, longue vie et plein de cousins à venir à cette coopérative
Quelques liens
– quelques comptes twitter actifs : @CPNfinistere, @profabrest, @GabinMts, @jmlebaut, @marclegall, @jmgilliot, @margoual, @aVanSante
– le projet interactik
– les articles sur prof@brest sur le magazine a-brest
– le prochain Forum des usages coopératifs avce la session sur la coopértion ouverte et l’éducation animée par Jean Marie Gilliot
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