Au cours du dernier billet, je vous ai présenté la thématique de ma thèse : les taux de certification. J’aimerais maintenant vous présenter quelques-unes de mes questions de recherche, qui font écho à un article de Daphné Koller. Alors que le débat sur les taux de certification des MOOC bat son plein, la fondatrice de la plate-forme américaine Coursera publie en 2013 dans la revue Educause un réquisitoire sur la « rétention » dans les MOOC qui fera date (Koller et al., 2013). Ces quelques phrases d’introduction en illustrent la logique :
For educators used to thinking about student attrition in a traditional university setting, the « retention funnel » in a MOOC can cause considerable alarm. To a university professor accustomed to the traditional audience of committed, paying students in a brick-and-mortar classroom, the image of continuously-emptying lecture halls — where only one in every 20 students remains to the end — is an understandably frightening prospect. But is this really the appropriate framework for thinking about student success in MOOCs ?
Les auteurs présentent une longue liste d’éléments susceptibles d’expliquer la faiblesse des taux de certification observés, tâchant de répondre à une question récurrente et qui est au cœur de notre travail de recherche : Pourquoi les taux de certification des MOOC sont-il si bas ? L’examen de quatre des arguments du réquisitoire de Koller et al. (2013) servira de fil rouge à ce manuscrit ; les voici en substance :
- Il existe un écart entre activité prescrite et activité effective des utilisateurs, ceux-ci ne suivant pas nécessairement les instructions de l’équipe pédagogique. Ainsi, l’obtention du certificat ne constitue pas nécessairement la seule manière de terminer un MOOC, et nombreux sont les participants qui visionnent la quasi-totalité des vidéos du cours sans pour autant participer aux activités nécessaires à l’obtention du certificat.
- Dans la mesure où l’inscription au MOOC est gratuite, s’inscrire au MOOC ne signifie pas nécessairement que l’on ait l’intention de commencer la formation, et a fortiori de la terminer. L’intérêt pour le cours est souvent passager et une portion significative des inscrits ne se connecte jamais au cours. La plupart des participants s’inscrivent d’ailleurs à plus de cours qu’ils ne peuvent en suivre, ce qui suggère selon les auteurs qu’ils n’ont pas l’intention de tous les terminer.
- De nombreuses motivations peuvent sous-tendre l’inscription à un MOOC, motivations qui n’impliquent pas nécessairement de terminer la formation pour être satisfaites. La non-certification ne correspond pas pour ces participants à un « échec ».
- Enfin, un certain nombre de participants n’accorderaient pas d’intérêt au certificat, ils seraient autodirigés et n’auraient pas besoin de la reconnaissance qui y serait éventuellement associée.
La question qui sert de fil rouge au réquisitoire de Koller et al. (2013) peut se résumer en ces termes : « Pourquoi les taux de certification des MOOC sont-ils significativement plus bas que ceux des formations à distance traditionnelles ? ». Sans nous cantonner à cette seule problématique – nos questionnements dépasseront largement cette question – nous nous servirons du fil rouge qu’elle constitue pour présenter de manière aussi cohérente que possible les différentes recherches que nous avons menées. Nous nous proposons ici de formuler les quelques questions qui ont structuré nos recherches.
Précisons que je ne cherche pas à mener un travail de comparaison entre MOOC et formations à distance traditionnelles, mais plutôt à identifier parmi les spécificités des MOOC, celles qui sont susceptibles d’expliquer les faibles taux de certification. Cette formulation permet d’écarter de notre réflexion tout élément qui ne serait pas suffisamment spécifique de notre objet d’étude, comme le fait que la formation soit délivrée à distance. De nombreux travaux ont été réalisés pour expliquer le fort décrochage dans les formations à distance traditionnelles, et nombre d’auteurs se sont penchés sur les implications de la distance sur la persistance des participants, nous y reviendrons. Pour que notre recherche ait une véritable plus-value, elle se doit de se concentrer sur ce qui fait la spécificité de notre objet d’étude, dont notamment les implications de la gratuité de l’inscription. Soulignons enfin qu’au regard de nos questions de recherche, nous ne nous intéressons qu’aux seuls MOOC délivrant des certificats, autrement appelés MOOC certifiants.
Revenons d’abord sur les questions qui structurent mon travail. Celles-ci font écho à quatre des arguments de Koller et al. (2013) rapportés plus tôt, que nous transformons ici en quatre questions de recherche (dont chacune fait l’objet d’un chapitre de mon manuscrit de thèse, soit dit en passant ) :
- Peut-on attribuer les faibles taux de certification à un écart entre activité prescrite et activité effective, dans le sens où les participants terminent le cours sans pour autant en obtenir le certificat ? Dans ce cas, comment définir « terminer un MOOC sans en obtenir le certificat » ? A contrario, obtenir le certificat signifie-t-il réaliser l’essentiel des activités prescrites par l’équipe pédagogique ?
- Peut-on expliquer les faibles taux de certification par le fait que de nombreux participants s’inscrivent-ils sans intention de s’engager dans la formation, et a priori sans intention d’en obtenir le certificat ? Leur comportement d’inscription à l’échelle d’une plate-forme de MOOC peut-il nous éclairer quant à leurs intentions ?
- Quelles sont les principales motivations des participants pour s’inscrire, et comment interpréter la non-certification au regard de ces motivations ?
- Peut-on expliquer les faibles taux de certification par un désintérêt généralisé vis-à-vis du certificat ? Quelles formes prend l’intérêt pour le certificat ? Quels sont les tenants des différentes postures vis-à-vis du certificat ?
Les quelques données sur lesquelles se base l’article de Koller et al. (2013) ouvrent des pistes pour répondre à la question des faibles taux de certification, mais elles sont fragmentaires ; par ailleurs, le format de cet article est davantage celui d’un billet d’opinion que d’une publication scientifique. Si nous nous inspirerons de ces pistes de réflexion pour bâtir notre propre argumentaire, nous tâcherons d’étoffer notre discours avec un corpus d’analyses autrement plus conséquent. Voilà, le décor est planté. Prochaine étape, je vous présente le plan que j’ai suivi dans le cadre de mon manuscrit, et qui vous permettra de mieux comprendre la plupart des résultats que je vous présenterai dans les billets à venir.
PS : en ce qui concerne la bibliographie, j’ai créé un billet dédié dans un autre blog, pour des raisons de lisibilité : http://www.matthieucisel.fr/la-bibliographie-de-ma-these-sur-les-mooc/
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