Innovation Pédagogique et transition
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L’égalité dans l’enseignement supérieur entre utopie et solutions concrètes

Un article repris de http://journals.openedition.org/eds...

Les interventions de trois spécialistes de la pédagogie, de la pédagogie universitaire et de la didactique ont établi que d’autres mécanismes que ceux d’une distillation fractionnée sont possibles et efficaces dans l’enseignement supérieur. Les origines sociales et scolaires des étudiantes et étudiants leur imposent de s’acculturer aux exigences ainsi qu’aux coutumes du monde universitaire. Le rôle de l’écrit dans la réussite est essentiel à ce niveau et l’organisation de travaux d’écriture avec des outils et une méthode progressive constitue une innovation relative sur laquelle peuvent échanger les enseignants-chercheurs. L’enseignement supérieur ne tient pas ses promesses de réussite parce qu’il transforme systématiquement ses objectifs en préalable. Or, le dispositif pédagogique et didactique est au moins aussi important que le contenu de la formation. Faire évoluer le supérieur dans ce sens relève d’un défi politique qui ne s’intéresse pas qu’à une élite, aux seuls « vainqueurs », pour reprendre l’image de François Dubet.

Un article retranscription de la table ronde du 6 mars 2020 du Colloque Egalisup avec Dominique Bucheton, Jean-Marie De Ketele, Philippe Meirieu et Richard Étienne repris de la revue Education et socialisation, une publication sous licence CC by nc nd

La table ronde était prévue en début de deuxième journée du colloque international Egalisup dans l’intention de passer d’un constat rigoureux sur les inégalités présentes dans l’enseignement supérieur comme dans tout le système à quelques pistes permettant d’échapper peu ou prou ce que François Dubet a si bien caractérisé de « distillation fractionnée ». Elle a réuni trois spécialistes de l’approche pédagogique, didactique et universitaire en éducation et en formation. Des questions leur avaient été transmises à l’avance mais l’avantage d’une table ronde se situe toujours plus dans les échanges que dans des exposés bien structurés…

Introduction

Richard Étienne : - Nous allons commencer cette table ronde et, autant j’ai remercié François Dubet hier, autant je voudrais remercier chaleureusement aujourd’hui Dominique Bucheton, Jean-Marie De Ketele et Philippe Meirieu d’avoir bien voulu se prêter à l’exercice. L’idée de ce colloque, j’y réfléchis en repensant à ce qu’a dit François Dubet, c’est que nous sommes dans une forme de troisième massification, après la première qui a concerné les collèges, la deuxième les lycées. Et maintenant, l’objectif, c’est 50 % d’une classe d’âge avec une licence. Il faut donc se poser la question du comment faire et ne pas simplement donner des réponses sociologiques, pas simplement donner des réponses pédagogiques ou pas simplement donner des réponses politiques, mais penser le complexe. Je crois que mes voisins ou voisines vont pouvoir nous proposer leur point de vue sur ce sujet. Comme je n’aime pas que les questions soient plus longues que les réponses, je vais faire un premier tour de parole et demander aux différents interlocuteurs et interlocutrices de se présenter. Vous les connaissez, mais c’est toujours intéressant de voir comment les gens se présentent. Alors, Dominique, si tu veux bien commencer.

Une présentation sous forme d’anecdote en rapport avec la vie universitaire

Dominique Bucheton : - À vrai dire, je suis une très mauvaise élève parce que j’avais perdu les questions. La première chose à dire, c’est que, contrairement aux apparences, je suis à la retraite, avec du temps pour réfléchir un petit peu plus, et pas dans l’urgence des tâches immédiates, ce qui permet de prendre un peu de recul avec plein de choses. La deuxième, c’est que la grande fierté de ma carrière, cela a été de diriger le laboratoire LIRDEF de Montpellier, ce qui a été totalement passionnant parce qu’il se situe à la rencontre de nombreux courants, didactiques, sociologiques, linguistiques. Et c’est une chance inouïe d’être dans un laboratoire qui travaille sur la complexité. Dans ce laboratoire, j’ai pu continuer une quête entamée, j’allais dire, dans ma toute jeunesse, c’est-à-dire en tant qu’institutrice ou professeure, puis formatrice, donc un cursus typique d’un certain nombre d’enseignants qui ont progressivement avancé dans leur questionnement. Le mien a toujours été le même, pratiquement, c’est-à-dire de comprendre d’où venaient les inégalités socio-scolaires. J’ai traqué cela dans tous les coins, et notamment sur les questions d’écriture, en didactique de l’écriture, et par la suite en travaillant de façon très fine sur les gestes professionnels des enseignants. Je viens de sortir un livre sur ces questions (2020) pour essayer d’expliquer ce parcours intellectuel qui est aussi un parcours complètement politique. Je le dis tranquillement, donc merci Richard.

Richard Étienne : - Est-ce que tu as une anecdote qui te vient en tête ?

Dominique Bucheton : - C’est une anecdote que je raconte assez fréquemment. Quand je suis entrée comme maître de conférences à l’université de Lille, à 45 ans, j’avais un cours sur l’enseignement de l’oral à l’école. Je ne pouvais pas imaginer faire un cours magistral sur l’enseignement de l’oral simplement en amphithéâtre. Donc j’ai mis en place des TD (travaux dirigés) où on était soixante-dix dans des friches industrielles de Lille. Il fait un froid de canard en hiver. J’ai organisé des travaux de groupe où ils étaient quinze. Pourquoi j’ai mis en place des travaux de groupe ? C’était notamment parce que je m’étais rendu compte qu’en sciences de l’éducation les étudiants qui arrivaient là sortaient d’un peu partout, avec des parcours professionnels, reconversion par exemple, ou, au contraire, bon chic, bon genre, un cursus parfaitement lisse de la maternelle à l’université, et il y avait beaucoup d’étudiants qui n’étaient pas bien, qui étaient perdus, qui ne savaient pas trop où se retrouver. Donc mon objectif, dans un premier temps, c’était qu’ils se rencontrent et qu’ils se parlent. C’était mon objectif premier. Je raconte cela à mes copines professeures d’université très distinguées, qui me disent « mais Dominique, tu n’es plus au collège ! ». Cette réflexion m’a profondément déstabilisée. J’ai réfléchi, j’ai tournicoté dans ma tête, je n’ai pas trop l’habitude de capituler, donc j’ai continué. J’ai continué à faire en sorte que mes étudiants puissent se parler d’abord et discuter. Un ou deux ans après, mes copines disaient : « les étudiants ne font que répéter ce qu’on dit, ils ne pensent pas, etc. » Cette expérience d’introduction à la pédagogie universitaire m’a confirmée dans l’idée qu’il fallait qu’on réfléchisse à la pédagogie universitaire. Je vous fais part de cette anecdote parce que je pense qu’elle est assez parlante.

Richard Étienne : - Merci beaucoup pour cette anecdote. Jean-Marie.

Jean-Marie De Ketele : - Conformément à ce que vous savez, je suis aussi retraité. Je vais remonter très loin en arrière car je suis probablement né dans le bassin de la pédagogie universitaire : après avoir enseigné trois ans dans le secondaire, je me suis permis de me payer des études universitaires en faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Le premier cours que nous avions, c’était un cours de statistiques, parce que dans notre faculté la méthodologie de la recherche, la statistique était très importante. Aucun étudiant n’y comprenait quoi que ce soit. C’était donné par un professeur du département de mathématiques. J’ai été tout de suite élu délégué étudiant, sans doute parce que j’avais déjà un peu de bouteille, j’avais enseigné trois ans. Donc je me suis mis à créer des cours parallèles de statistiques pour les étudiants. Quand je rencontre dans la rue parfois de mes anciens amis étudiants, c’est toujours la première chose qu’ils me disent : « si je suis diplômé, c’est en grande partie grâce à toi ». Donc, C’est un peu à ce moment-là que je suis né dans la pédagogie universitaire (1970). Puis ayant une maîtrise en psychologie et une maîtrise en sciences de l’éducation en poche, ayant été délégué toute ma carrière d’étudiant, j’ai été appelé par le Vice-recteur de l’époque, que certains connaissent encore sans doute, Jean Demal, qui a créé l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU). Il m’a demandé d’organiser avec lui un questionnaire qu’il allait adresser à tous les enseignants-chercheurs de mon université, celle de Louvain, pour voir quelles sont les personnes qui estiment faire un dispositif de pédagogie universitaire innovant. Donc on a créé ce questionnaire très ouvert « si vous faites quelque chose sur le plan pédagogique innovant, peu importe ce que vous entendez par innovant, faites-le-nous savoir ». Nous avons reçu plus de 300 réponses que nous avons commencé à analyser. Nous nous sommes dit « c’est formidable, dans cette université il y a vraiment des gens qui pensent à améliorer leur formation ». Nous avons créé un feuillet vert périodique, nous appelons cela le feuillet vert, c’était une feuille A3 pliée en deux, donc quatre pages, et chaque mois nous décrivions un dispositif de pédagogie universitaire qui semblait innovant, que nous avions sélectionné dans notre base de données. À partir de là, nous avons créé des demi-journées d’échange de dispositifs pédagogiques. Puis est né le centre de ressources de pédagogie universitaire. Enfin, Jean Demal a eu l’opportunité, parce qu’il avait fait des voyages professionnels, notamment au Québec et en France, de créer l’AIPU. Je suis content, cinquante ans après, de me retrouver ici, dans cette situation, avec des gens qui travaillent à améliorer toujours la formation universitaire.

Richard Étienne : - Merci, d’autant plus que l’AIPU est partenaire de ce colloque, comme l’AECSE et nous remercions encore ces associations de toute l’aide qu’elles nous ont fournie, que ce soit sur un plan matériel ou au niveau de la diffusion de l’information. Alors, Philippe.

Philippe Meirieu : - Merci de m’avoir invité, Richard. Je ne suis pas, moi, contrairement à Jean-Marie, un spécialiste de la pédagogie universitaire. Comment suis-je arrivé à l’université ? Relativement par hasard. Avant 1981, il existait un statut de collège expérimental. C’étaient des collèges qui avaient droit à certaines dérogations dès lors qu’ils soumettaient leurs élèves à des évaluations régulières, comparant les résultats de ces élèves à des groupes témoins. J’ai travaillé dans un collège expérimental assez longuement. Ce collège essayait d’expérimenter ce que nous appelions déjà dans la mouvance de Louis Legrand (1984) la pédagogie différenciée. Une des caractéristiques de ce collège était que les élèves choisissaient à la fois leur nombre d’heures de cours par semaine dans chaque discipline ainsi que les enseignants avec lesquels ils travaillaient. C’était déjà une situation assez exceptionnelle. Il existait à Lyon un laboratoire de pédagogie expérimentale, dirigé par Guy Avanzini, un homme tout à fait remarquable, et ce laboratoire de pédagogie universitaire avait pour mission de vérifier que nos élèves n’étaient pas handicapés par l’innovation que nous avions mise en place. Ils étaient donc soumis à des tests, comparés à des groupes témoins. J’ai donc rencontré un grand universitaire en la personne de Guy Avanzini qui, au bout de quelques mois, m’a dit : « Le travail que vous faites m’intéresse, j’aimerais bien que vous écriviez quelque chose autour de ce travail ». De fil en aiguille, Guy Avanzini m’a amené à écrire une thèse d’État (1984) sur la question des interactions entre pairs dans les apprentissages sur laquelle j’avais effectué de nombreuses observations dans le collège. Je suis entré comme cela à l’université, mais aussi parce que l’une de mes collègues, Huguette Bouchardeau, a été appelée au gouvernement et a laissé son poste. Il était vacant, j’étais sur place, je venais de passer ma thèse et j’ai été recruté d’une manière tout à fait étonnante. Donc je suis arrivé dans le monde universitaire, en sciences de l’éducation, en venant du monde des militants pédagogiques et de l’expérimentation pédagogique. Si j’avais une seule anecdote à présenter, pour faire écho à ce que disent mes collègues, c’est que j’ai découvert globalement que les sciences de l’éducation étaient une discipline extrêmement intéressante où on passait beaucoup de temps à expliquer aux étudiants avec de beaux cours magistraux qu’il n’en fallait point faire ! Cette dissociation entre le dire et le faire (1995) a interrogé le militant pédagogique que j’étais. Cela m’a poussé à tenter de réconcilier les idéaux de l’Éducation nouvelle dans laquelle j’étais engagé avec la pédagogie universitaire. Cela m’a poussé à tenter de réconcilier les idéaux de l’Education nouvelle dans laquelle j’étais engagé avec la pédagogie universitaire. C’était une entreprise difficile : je travaillais, par exemple, avec d’éminents spécialistes de la théorie du curriculum qui n’étaient absolument pas gênés par le fait de constituer des emplois du temps pour les étudiants, simplement à partir des commodités des enseignants et de leur spécialité antérieure, sans s’intéresser à la cohérence que cela pouvait avoir pour les étudiants en question. J’ai donc pu mesurer à quel point la formation universitaire était loin de ce que j’avais imaginé, et à quel point nous restions, à l’université, tributaires du paradigme de l’enseignement, bien loin du paradigme de la formation.

Je terminerai en disant que j’ai pu, heureusement, dans l’université essayer, non pas de renverser la vapeur, ce serait bien trop prétentieux, mais d’introduire des éléments nouveaux parce qu’il s’est trouvé que j’ai pris l’initiative de lancer un master professionnel autour des métiers de la formation, et que, dans des petits groupes, nous avons pu expérimenter, d’une manière que je crois assez efficace, des méthodologies un peu nouvelles, plus proches de ce que j’espérais. Elles n’avaient plus rien à voir avec ces enseignements universitaires, qui étaient une sorte de libre-service offert à des étudiantes et à des étudiants, sans grand souci ni de l’accompagnement ni de la cohérence de ce qui pouvait leur être proposé. Au fond, pendant toute ma carrière universitaire, j’ai cherché à introduire dans l’université cet accompagnement et cette cohérence ; j’en donnerai quelques exemples en réponse aux prochaines questions que Richard nous posera.
Peut-on définir la réussite à l’université… et comment faire pour y parvenir ?

Richard Étienne : - Merci pour cette présentation, et ces anecdotes qui illustrent bien les parcours que vous avez faits, et que vous continuez de faire, même si officiellement vous êtes à la retraite. Comme le disait François Dubet, il y a des mots clés en éducation. Un des mots clés est : réussite. Il a beaucoup développé sur l’égalité des chances comme étant un système méritocratique cruel qui crée des inégalités justes, mais évidemment, comme souvent, quand on travaille avec des sociologues, il décrivait des mécanismes, c’est le terme qu’il a employé. Ce que nous voudrions comprendre, c’est quel bricolage nous pourrions mettre en place. Donc, si je vous parle de réussite dans l’enseignement supérieur, quelle définition vous vient à l’esprit ? Qu’est-ce que réussir dans l’enseignement supérieur ? Si nous faisons une alternative avec « chances, c’est pour la Française des Jeux », comme l’a écrit un jour Philippe Meirieu, la réussite, ce n’est pas pour la Française des Jeux. La réussite, qu’est-ce pour vous ? Pourriez-vous nous la définir, et pourriez-vous décrire quelques pratiques qui ont été mises en œuvre avec ce souci de la réussite comme vous la définissez ?

Jean-Marie De Ketele : - Je commencerai par rappeler qu’il y a eu une conférence de consensus dont le rapport a été coordonné par Emmanuelle Annoot (2016), ici présente. Cette conférence de consensus admettait que le concept de réussite était trop souvent, dans beaucoup de recherches, associé simplement au fait de réussir son année universitaire, d’où l’ensemble des recherches qui datent des années 1980-2000. Il y a eu énormément de recherches sur les facteurs de réussite et d’échec à l’université. En particulier, on parlait de réussites et d’échecs à l’université surtout à la fin de la première année. Puis, les recherches se sont étendues. On s’est dit progressivement : ce n’est pas parce que quelqu’un a échoué en première année d’université qu’il doit abandonner. Il pourrait très bien faire un parcours universitaire particulièrement riche et prometteur. La notion de réussite s’est étendue progressivement vers une notion de réussite au terme de tout un parcours d’enseignement universitaire.

C’était un peu dans ce sens-là que Saeed Paivandi a travaillé, par exemple, dans sa thèse (1991), qui était d’ailleurs un excellent travail de recherche. Mais je pense que maintenant encore on doit élargir le débat. Il y a deux ans, avec un groupe international composé notamment d’un de mes anciens étudiants qui est responsable de l’enseignement et de la formation dans mon université, Philippe Parmentier, avec Laurent Cosnefroy de Lyon, avec Bernard Hugonnier, ancien directeur de l’OCDE, avec Donatella Palomba de l’université de Rome, nous avons écrit ensemble un livre (De Ketele et al., 2016) après avoir analysé toute la littérature sur l’excellence dans l’enseignement supérieur. Vous allez me dire : quel est le lien avec la réussite ?

Qui dit excellence fait automatiquement penser à une qualité d’un niveau supérieur. Et il semble, au terme de nos travaux, que nous distinguions trois types d’excellence, alors qu’on ne parle que d’une seule pratiquement qui est l’excellence élitiste, c’est-à-dire une formation de très haut niveau de qualité, pour les « meilleurs » étudiants, assurée par les « meilleurs » professeurs, dans les « meilleures » institutions, c’est-à-dire celles qui sont issues des classements internationaux, tels que ceux du Times. C’est une excellente élitiste dans la mesure où il y a, sans doute, une formation de qualité qui est assurée, sur beaucoup d’aspects, mais elle est réservée à une petite élite. Quand on regarde soigneusement les caractéristiques des personnes qui peuvent bénéficier de cette excellence élitiste, ce sont effectivement des personnes de niveaux socioculturels et économiques extrêmement favorisés.

À côté de cette excellence élitiste, nous avons plaidé pour deux autres types d’excellence que nous pourrions réunir : c’est une excellence sociale, d’une part, et c’est une excellence sociétale, d’autre part. Une excellence sociale, c’est-à-dire comment faire en sorte qu’à l’université, avec la pédagogie universitaire, on puisse donner une formation de qualité pour tous, et pas simplement réservée à une petite élite de personnes favorisées. Une excellence sociétale, c’est une excellence qui n’est pas seulement tournée vers la compétition, vers le développement économique, ce que le mouvement actuel de globalisation, de mondialisation met en exergue, mais une excellence sociétale qui essaie à travers la formation universitaire, à travers une certaine forme de qualité de la formation universitaire, de pouvoir répondre aux grands enjeux sociétaux dont on parle de plus en plus maintenant, avec tous les problèmes environnementaux, avec les problèmes de migration, avec les problèmes d’iniquité, avec les problèmes de faim, etc.

Donc pour moi la réussite n’est pas simplement une réussite strictement individuelle, mais c’est une réussite aussi institutionnelle, les deux étant étroitement liées. Je pense que si on ne fait pas attention, toutes les institutions telles que l’OCDE, l’Union européenne, etc., font entrer l’université et la formation universitaire dans un tourbillon de compétition avec la finalité d’être les meilleurs sur le plan du développement économique. Je pense que si on continue à trop perdre pied là-dedans, on fait fausse route. Il me semble que les universités devraient davantage viser une forme d’excellence sociale, si possible, et certainement sociétale. Il y a là des enjeux vraiment importants à mes yeux. Je voudrais peut-être faire allusion à un auteur américain qui est un des auteurs les plus étudiés actuellement en France, c’est John Dewey. John Dewey a écrit un livre remarquable sur la démocratie (1916), et qui a un concept que je trouve extraordinaire, que j’aime répéter, c’est le concept de capacité distinctive. John Dewey dit que l’école, l’université, devrait pouvoir identifier chez chacun d’entre nous, chez chacun des étudiants, chez chacun des enseignants sa capacité distinctive, sa potentialité, ce qui le distingue des autres personnes.

C’est une première condition : identifier la capacité distinctive de chacun, pour contribuer à la développer le plus possible. La deuxième condition est aussi importante : c’est de la mettre au service du groupe. On construit véritablement une démocratie, on construit sans doute un monde où l’excellence sociétale sera prioritaire, si effectivement on développe chez chacun d’entre nous notre capacité distinctive, et que chacun d’entre nous la mette au service du groupe, de la classe si je suis en primaire, du groupe d’année d’étude, du groupe de recherche dont je fais partie, du groupe social dont je fais partie. Je pense qu’il y a là un enjeu très important, et pour moi la réussite d’un individu lié à la réussite d’une institution, c’est cela : mettre les capacités distinctives au service du groupe et du bien commun.

Richard Étienne : - Est-ce qu’il y a une pratique qui serait caractéristique de cette forme de capacité distinctive ? Nous avons tous un ADN différent, donc il est normal que dans une société nous nous distinguions chacun, mais en travaillant pour cette société.

Jean-Marie De Ketele  : - Chez nous, les professeurs expérimentés sont obligés d’enseigner, au moins pour une partie de leur service, dans le premier cycle, et, autant que possible, en première année, parce que ce sont les cours les plus difficiles à donner. Donc il n’est pas question pour un professeur dit de rang A de ne vouloir donner que des cours de fin de deuxième cycle ou de troisième cycle. Je trouve que c’est une très bonne chose.

Tout ceci pour en revenir à une expérience pour essayer de lutter contre cette tendance à l’uniformisation qui fait qu’à l’université le fait de dispenser le même cours à tout le monde, en réunissant des masses énormes d’étudiants, c’est tout à fait contraire à ce que je viens d’expliciter. J’ai été confronté à cette situation de me retrouver face à 450 étudiants, et d’avoir à enseigner un cours de méthodologie d’observation, y compris de statistiques descriptives. Comment être cohérent ? C’est André de Peretti (2013, avec François Muller) qui m’a inspiré, il prétendait, il en avait fait plusieurs fois la démonstration, qu’il est possible de faire de la pédagogie active avec 600 personnes dans un amphithéâtre. Donc j’ai conçu un cours où le contenu du cours était dans un livre écrit avec Xavier Roegiers, qui est d’ailleurs publié, Méthodologie du recueil d’informations (2016).

Dans un premier temps, au début de l’année, nous présentions le cours, les objectifs du cours, le contenu du cours, les modalités du cours, comme cela doit se faire normalement dans tous cours. Les Canadiens nous ont donné l’exemple au départ avec les plans de cours, déjà dans les années 70, et nous avons suivi dans certains autres pays, comme le mien. Les étudiants avaient dans le plan de cours le contenu de chacune des séances, et ils étaient invités à prendre connaissance des quelques pages du livre qui seraient la base, les connaissances qui seraient mobilisées dans le cadre d’un cours de deux heures, avec une pause de dix minutes. Le cours a été conçu comme ceci : il y avait une partie en amphithéâtre à 450 et une autre partie sous forme de travaux pratiques.

Et, en amphithéâtre, je préparais pour chaque séance de cours trois, quatre situations d’observation décrites très brièvement, dont une étude de cas. Cette étude de cas se terminait par une question à laquelle les étudiants devaient pouvoir répondre, et ils devaient mobiliser des connaissances extraites des quelques pages qu’ils avaient lues avant de venir au cours. Puis, lorsque je présentais une situation sur écran, je demandais aux étudiants : « voilà, réfléchissez d’abord une minute sur les connaissances que vous pensez devoir mobiliser pour répondre à la question, et donnez votre réponse à votre voisin de gauche et à votre voisin de droite, essayez de voir quelle est la réponse qui semble le mieux mobiliser les connaissances pour répondre à la question ».

Donc je laissais cinq minutes, il y avait une ruche dans l’amphithéâtre, l’étude de cas étant toujours affichée à l’écran, et je passais avec mon micro dans les travées, et j’essayais de repérer l’un ou l’autre groupe qui avait des réponses intéressantes, mais très contrastées. À un moment donné, je mettais fin à la concertation et je rapportais, en espérant ne pas les trahir, les réponses de quatre ou cinq groupes de travail. Je rapportais le plus fidèlement possible les réponses qui étaient données, et ce faisant je voyais déjà dans les yeux de mes étudiants : « ça, c’est vrai, on avait oublié ça ».

Petit à petit dans la mécanique du cerveau des étudiants se mettait en place une tentative de réponse. Quand j’avais terminé, au bout de quatre ou cinq descriptifs de réponse, je crois que beaucoup d’étudiants avaient trouvé la réponse finale, je donnais une réponse vraiment très argumentée, en faisant référence de façon très claire au contenu du cours qu’ils avaient lu au préalable. C’est un premier aspect du dispositif.

Le deuxième, c’est qu’à l’entrée du cours, à la première heure, les étudiants étaient invités à déposer sur un bout de papier une question sur ce qu’ils n’avaient pas compris en lisant le contenu du cours dont on allait traiter. Je disais « un papier, une question. Si vous avez deux questions, deux papiers ». À l’intercours, je prenais ces papiers, je les classais, j’éliminais les questions pour lesquelles nous avions eu une réponse à travers les quatre ou cinq études de cas que nous avions faites pendant la première heure de cours, et pendant la seconde heure de cours, soit je prenais une étude de cas pour répondre à une majeure partie des questions, soit je donnais des réponses directes s’il s’agissait de questions relativement faciles à expliquer. C’est la première partie du dispositif.

La deuxième partie du dispositif avait lieu après la session de janvier. Car, en Belgique, il y a une session à ce moment-là lors de laquelle les étudiants passent des examens sur les cours qui sont entièrement terminés du premier semestre, ce qui n’était pas le cas de mon cours qui durait toute l’année. On constate qu’après la session de janvier, il y a une évaporation de plus ou moins 10 à 11% des étudiants qui abandonnent l’année académique en cours. Donc, au lieu d’avoir 450 étudiants, vous avez une cinquantaine d’étudiants en moins. Je demandais aux étudiants de se mettre en groupe de huit, ce qui fait beaucoup de groupes, et je leur disais : « nous avons beaucoup d’étudiants étrangers en première année d’université - je pense qu’il y avait 105 pays différents représentés dans notre université - essayez d’intégrer dans votre groupe un étudiant étranger, ce sera très enrichissant pour vous, parce qu’il ne pensera pas nécessairement de la même façon que vous, et c’est de la confrontation de pensées et de cultures différentes que nous nous enrichissons ». C’était une façon pour moi à la fois d’insérer les étudiants étrangers dans la collectivité des étudiants, mais, en même temps, d’introduire quelque chose de très important, c’est par la confrontation des cultures, des pensées, des modalités de pensées qu’on se forme. Chaque groupe devait se désigner un étudiant qui coordonnerait les activités du groupe. Le travail du groupe consistait en ceci : je présentais de nouveau sous une forme d’une feuille A3 une étude de cas d’une recherche observationnelle, une vraie recherche observationnelle qui avait été menée et publiée dans la littérature scientifique. Je la simplifiais un tout petit peu. Un certain nombre de questions étaient posées et un certain nombre d’hypothèses formulées. En général, je disais : « il y a trois hypothèses à vérifier obligatoirement, à travers une recherche observationnelle que vous allez mener, je vous laisse libre d’en vérifier une quatrième, à partir des données que vous récoltez ». Les étudiants recevaient un protocole d’observation, en général, ils prenaient des recherches observationnelles relativement faciles et intéressantes pour les étudiantes, souvent avec des élèves de cinq, six ou sept ans, parce qu’ils se laissent facilement observer, interviewer, etc.

Donc les étudiants devaient s’arranger pour pouvoir récolter des données, pour tenter de vérifier les trois hypothèses imposées, et de trouver une quatrième hypothèse purement autonome, à laquelle ils devaient tenter de répondre. Ils avaient un protocole d’observation, qui était en partie fermé et en partie ouvert. Évidemment, ça voulait dire que dans les cours dits théoriques, en amphithéâtre, il fallait pouvoir expliquer ce qu’est une recherche observationnelle, ce qu’est récolter des données, quelles sont les méthodes, comment encoder des données, etc.. Ça n’a l’air de rien, mais en tant que directeur de thèse, je vois encore qu’au début les étudiants sont complètement abasourdis « comment vais-je récolter les données pour que ce soit exploitable, qu’est-ce qu’un tableau de codage des données ? Qu’est-ce qu’une légende de codage de données ? Comment faire pour que je puisse traiter ces données quantitativement et qualitativement ? » Chaque groupe d’étudiants s’organisait et devait au bout de la recherche rédiger un rapport scientifique, en première année d’université, conforme aux critères d’un rapport scientifique d’une recherche empirique, avec introduction, méthodologie, présentation des résultats et discussion et référence biographique, suivant les normes. Tout cela était expliqué. Ils devaient faire un rapport collectif, validé par l’ensemble des huit étudiants. Si un ou deux étudiants n’étaient pas d’accord, ne fût-ce que sur un paragraphe du rapport, ils devaient le mentionner, ajouter une feuille et remplacer le paragraphe par ce qu’ils pensaient être conforme.

Ce qui fait qu’au bout des quatre-vingt-dix heures de cours, amphithéâtre et travaux pratiques, les étudiants avaient un examen, un examen plus théorique. Là, de nouveau, je présentais une étude de cas d’une recherche observationnelle à partir de laquelle les étudiants répondaient à des questions fermées, des questions avec appariement qui sont d’une très grande richesse, contrairement aux QCM, et des questions ouvertes. Les questions fermées étaient analysées par un lecteur optique ; les questions ouvertes, je les corrigeais et je mettais les réponses sur le formulaire de réponse optique. Le rapport scientifique comptait évidemment pour la moitié des points. Il était corrigé sur la base d’une grille de critères très opérationnels, et qui prenait elle-même toute une séquence d’un cours en phase théorique. Chaque groupe d’étudiants recevait après l’examen de juin la feuille sur laquelle se trouvaient les critères et les indicateurs opérationnels. Ils avaient la possibilité de consulter quels étaient les points du rapport scientifique qui auraient pu être améliorés, surtout dans le cas où les étudiants avaient à passer une seconde session d’examen en septembre.

C’est un dispositif qui essaie de rentrer dans l’esprit que j’ai évoqué en début d’intervention. Je vous assure que j’ai vu des rapports extraordinaires, j’ai vu des gens qui ont fait des revues critiques de la littérature extraordinaires. On voit que ce genre de formule permet à certains étudiants de développer des capacités distinctives remarquables, et surtout de les mettre au service du groupe. Le dispositif oblige les gens à mettre leur capacité distinctive au service du groupe. Donc ceci se passait en première année d’étude universitaire, devant un groupe de 450 au départ, qui se réduit à un groupe de 350 à 400 après.

Richard Étienne : - Merci. Je vais donner la parole à Philippe.

Philippe Meirieu : - Richard a évoqué ma réticence à l’égard de l’expression « égalité des chances ». Il m’est arrivé, effectivement, de dire : « l’égalité des chances, il y a la Française des Jeux pour cela ». Car ce qui caractérise le projet d’une éducation démocratique et émancipatrice, ce n’est pas l’égalité des chances, c’est l’égalité des droits, et cela quelles que soient les chances que l’on a de partir avec un capital culturel plus ou moins important. C’est pourquoi j’ai cherché à mettre en place en permanence des dispositifs pédagogiques qui permettent de concrétiser le droit de chacune et chacun à la réussite. Pour décrire ces dispositifs rapidement, j’utiliserai cinq verbes et je détaillerai brièvement chacun d’entre eux : accueillir, accompagner, didactiser, coopérer, exiger.

Accueillir  : la question de la sélection à l’université se pose régulièrement ; c’est une question importante et sur laquelle, à mon avis, nous butons parce que nous la traitons trop souvent sous l’angle des pré-requis que nous pourrions appeler fonctionnels, c’est-à-dire de ce qui a été antérieurement stabilisé comme connaissances et comme savoirs, et attesté soit par des diplômes, soit par des expériences antérieures. Ce qui m’a apparu quand j’ai animé l’équipe de sciences de l’éducation de l’université de Lyon II, c’est qu’à s’en tenir à cette conception de la sélection, nous excluions toute une série d’étudiantes et d’étudiants qui étaient mobilisés par leurs intérêts autour de l’éducation, mais qui ne disposaient pas de ces pré-requis traditionnels. C’est la raison pour laquelle une des premières choses que j’ai essayé de faire, c’est d’ouvrir très largement nos diplômes dès la L3… À l’époque, le cursus ne commençait pas en première année ou en deuxième année, mais en troisième année seulement. Il nous fallait donc ouvrir cette troisième année à des gens à qui traditionnellement la route était barrée, aux étudiants de DUT etde BTS et plus encore aux étudiants qui n’avaient ni le baccalauréat, ni un diplôme universitaire, mais qui avaient à la fois une expérience, un intérêt et une vraie motivation pour tout ce qui était l’enseignement et l’éducation. J’ai développé à ce moment-là ce qui s’est d’abord appelé la validation des acquis professionnels (VAP) et qui s’est ensuite enrichi avec la validation des acquis de l’expérience (VAE). J’ai pu observer à quel point, d’ailleurs, l’université française était particulièrement réticente à la mise en place de ces dispositifs, puisque la VAE, la validation des acquis de l’expérience, s’avère finalement un parcours du combattant bien plus compliqué pour ceux et celles qui s’y engagent que la passation des diplômes traditionnels. Le paradoxe, c’est que, pour honorer son niveau d’exigence, l’université exige plus de ceux qui viennent d’ailleurs que de ceux qu’elle a formés elle-même. La VAE était à l’époque, il y a une quinzaine d’années, au moment où elle a été mise en place, un dispositif d’une difficulté absolument extraordinaire, peu ou pas accompagné, qui supposait des capacités rédactionnelles, par exemple, que la quasi-totalité des gens qui avaient une expérience en matière éducative, sans avoir de diplôme universitaire, ne possédaient pas. Nous avons donc mis en place tout un système de détection des motivations et d’aide à la rédaction de lettres de motivation pour tous ceux et celles qui pouvaient prétendre à une VAP ou une VAE. Nous avons surtout mis en place, et ça a été très important, des sessions de préparation à cette intégration. Il ne suffit pas, en effet, de dire « vous allez présenter une VAE », il faut accompagner les gens pour qu’ils réussissent cette VAE. C’est un accompagnement rigoureux, exigeant, dont ils ont besoin. Ça a été un moment très important pour nous, et ça a été un moment de renouvellement des publics, particulièrement prometteur.

Nous avons vu arriver des gens à la fois plus âgés, avec des expériences différentes, issus de milieux sociaux différents, qui sont venus enrichir d’une manière considérable les populations d’étudiants et d’étudiantes que nous avions jusqu’à présent à l’université. Simultanément, nous avons lancé une campagne auprès des gens déjà en activité pour qu’ils s’intéressent à la formation universitaire, et qu’ils l’intègrent dans le cadre de la formation continue. Cet accueil a abouti à une diversification considérable des publics, à la fois en direction des professionnels en exercice, en direction de ceux et celles qui n’avaient pas les diplômes universitaires requis, mais qui en manifestaient le désir et à destination, plus largement, de tous ceux et celles qui voulaient accéder d’une manière ou d’une autre à notre travail en sciences de l’éducation. J’ai vécu, pour ma part, comme extrêmement enrichissante pour l’université cette ouverture des publics. Il me semble que c’est une des premières exigences de l’université pour aller vers une université de la réussite : diversifier les profils, diversifier pour supprimer cette homogénéité que nous avons retrouvée aujourd’hui d’ailleurs, et pour permettre d’avoir des groupes d’étudiants et d’étudiantes au sein desquels il y ait une véritable complémentarité avec des échanges importants. Pour qu’il y ait aussi une véritable mixité, mixité sociale, mixité des âges, etc. tout cela nous est apparu extrêmement important.

Pour ma part, j’ai beaucoup appris de groupes d’étudiantes et d’étudiants où il y avait à la fois des retraités, des gens en activité, des gens qui sortaient d’un BTS et qui étaient tout jeunes et qui avaient une qualification professionnelle très particulière. Voir tous ces gens échanger, travailler, se donner des objets de travail communs et réussir à constituer des collectifs solidaires m’est apparu comme un outil assez extraordinaire pour aller vers une université de la réussite, une réussite qui ne se fasse pas sur un profil unique, sur un modèle unique, mais qui assume d’accueillir une diversité de publics.

Premier verbe, accueillir : je pense qu’il y a là un très gros travail, pour les universités, de réflexion autour de la fausse problématique de la sélection. Pour moi, la vraie problématique, ce n’est pas qui sélectionner, c’est qui accueillir, qui accueillir avec quelles mobilisations, et aussi avec quel accompagnement pour que cet accueil se fasse dans les meilleures conditions. Après avoir accueilli, il faut accompagner.

Une des premières choses que nous avons tenté de faire dans le cadre de l’Institut des sciences et pratiques d’éducation et de formation (ISPEF), c’est la mise en place de groupes que nous appelions les GAREDT, c’est un acronyme qui signifie : Groupe d’Aide à la Recherche, à l’Écriture et au Travail Documentaire. C’était, à côté des cours en amphi qui étaient de 400 ou 500, à côté des TD qui étaient de 50 à 60 personnes, des groupes de 15 à 20 personnes qui se réunissaient deux heures deux fois par mois sur un programme extrêmement précis pour accompagner les travaux individuels et collectifs des étudiants, pour tenter de tirer les fils des différents enseignements, mettre en relation ces différents enseignements entre eux, repérer les déficits et les lacunes, mettre en relation des étudiantes et des étudiants qui pouvaient échanger leurs compétences. L’objectif était de créer de véritables collectifs apprenants là où il n’existe le plus souvent qu’une juxtaposition de travaux individuels.

Troisième élément : didactiser. Didactiser, c’est-à-dire offrir sur les contenus de la formation universitaire, des situations et des outils précis, pensés et travaillés de manière rigoureuse. Trois enjeux, à mes yeux, sont essentiels dans ce domaine : l’écriture, la conceptualisation, la documentation. Un des premiers enjeux, et un de ceux qui m’a le plus occupé pour ma part, c’est l’accès à l’écriture, à l’écriture longue en particulier. L’écriture longue, c’est-à-dire pas seulement un paragraphe, pas seulement une copie de quatre pages, mais un dossier, et à terme un mémoire, et évidemment enfin une thèse. En accueillant des élèves issus de DUT ou de BTS, on ne pouvait pas s’attendre à ce que ce soit des gens habitués à entrer dans l’écriture longue, on ne pouvait même pas s’attendre à ce que ce soit des gens capables de distinguer de manière pertinente une phrase et un paragraphe. On ne pouvait pas s’attendre a fortiori à ce que ce soit des gens capables de comprendre qu’un texte universitaire doit articuler la démonstration, les références et les exemples qui viennent en appui de la démonstration. C’est pourquoi nous avons mis en place tout un travail de didactisation de l’écriture universitaire. On commençait par apprendre à écrire une définition, jusqu’au travail sur la construction d’une démonstration avec des méthodes qui peuvent apparaître assez « primaires », au sens d’« élémentaires », mais qui se sont avérées extrêmement efficaces. On prenait en petits groupes un texte écrit par un étudiant, trois surligneurs fluorescents, et on surlignait d’une couleur particulière les phrases à caractère démonstratif, d’une couleur particulière les phrases qui faisaient référence à des auteurs ou à des étayages empruntés ici ou là, et d’une autre couleur tout ce qui renvoyait à des exemples, ou à des données empiriques. On voyait ainsi comment les trois types d’écriture s’articulent, s’il y avait dans un texte une démonstration sans aucun appui théorique, ni aucun appui empirique, etc. On a travaillé systématiquement sur cet équilibre entre ces trois types de discours, comment ils devaient s’entrelacer, comment ensuite ils devaient par une série d’outils linguistiques particuliers s’articuler les uns aux autres. On a même travaillé sur une didactique des « petits mots », comme nous l’appelions, c’est-à-dire les « car, donc, en conséquence, mais, ainsi, d’une part, d’autre part ». Nous avions listé tous ces mots, et on donnait même des textes à trous dans lesquels ces mots avaient été enlevés, on essayait de les réintroduire pour voir à quel moment c’était cohérent et à quel moment ce n’était pas cohérent, et ainsi de suite. On a vraiment fait un travail de didactique du passage à l’écrit universitaire qui me semble absolument nécessaire aujourd’hui, pas simplement parce que le niveau de l’écrit a baissé à la sortie de la terminale, mais parce que globalement, dans la société actuelle, nous vivons l’hégémonie d’une expression orale en phrases extrêmement brèves, peu articulées, peu reliées les unes aux autres, et dans lesquelles la dimension démonstrative peine à s’objectiver. Donc tout ce travail de didactisation de l’écriture doit être fait à l’université. Cela nous a amenés aussi à travailler sur la progressivité des écrits à l’université. En première année, dès lors que nous avons eu des L1, nous ne demandions plus des dissertations, nous demandions de répondre à quelques questions en cinq ou six lignes, avec des contraintes extrêmement précises sur la manière de répondre à une question, en reprenant la question dans la réponse, en faisant une phrase correcte, en donnant à la fois une référence et un exemple. Cela permettait d’organiser une progressivité des écrits de la rédaction du simple paragraphe en première année qui répond à une question particulière, jusqu’en thèse, à la rédaction d’un écrit long, mais d’un écrit long qui est l’aboutissement de tout un travail sur l’écrit qui, me semble-t-il, est rarement programmé au sein de l’université. Nous avons aussi travaillé, en deuxième ou troisième année, sur la réorganisation de textes, avec le système du puzzle, on prenait un texte important, comme un texte de Bernard Charlot sur le rapport au savoir par exemple, on le découpait en paragraphes, on mettait tous ces paragraphes en désordre dans une enveloppe, on le donnait à chaque étudiant ou à des groupes d’étudiants, et on travaillait sur l’organisation de ces paragraphes pour en faire un texte cohérent.

Dans l’université, on suppose beaucoup trop que les gens savent écrire. Ce n’est pas vrai : ils ne savent pas entrer dans les exigences de l’écriture universitaire. Mais nous avons aussi travaillé sur la didactisation de la conceptualisation, en nous appuyant sur des travaux comme ceux de Britt-Mari Barth (1987) et de Bruner (1996) : comment on conceptualise, comment on fabrique un concept, comment on définit un concept, le rapport de la méthode déductive et de la méthode inductive, etc. Et puis, nous nous sommes attachés à la didactisation de la documentation, et en particulier à la question de la hiérarchisation des sources. Qu’est-ce qu’un document de première main ? Qu’est-ce qu’un article journalistique ? Tout cela n’est que très rarement fait dans les universités, alors que c’est, à mes yeux, un élément absolument essentiel de la réussite universitaire.

Quatrième élément : coopérer. Coopérer, je n’y reviendrai pas longuement puisque Jean-Marie l’a évoqué : coopérer, y compris dans les grands groupes. Je ne suis nullement un adversaire systématique du cours magistral. D’ailleurs, nous en faisons un, ici, ce matin. Je pense que la question de l’efficacité du cours magistral est celle de la présence ou non d’un conflit socio-cognitif : il faut se demander quelles sont les conditions pour qu’un cours magistral ne soit pas simplement un apport à mémoriser pour l’examen mais que cela produise chez celui qui l’entend du conflit socio-cognitif, que ça fasse évoluer ses représentations ? Pour cela, nous avons travaillé, mais insuffisamment à mes yeux, sur la pédagogie des grands groupes. J’attire votre attention sur un point : nous avons beaucoup de choses à étudier et à apprendre sur la pédagogie des grands groupes. André de Peretti avait déjà avancé de ce côté-là, il y a aussi des données qui viennent de nos collègues africains car ils ont de grands groupes à gérer. Moi-même, j’ai tenté de travailler sur la pédagogie des grands groupes avec des méthodes extrêmement simples : je donne une définition, je l’écris au tableau, puis je m’interromps cinq minutes, et je demande à chacun de réécrire cette définition, sauf que je donne une contrainte, une contrainte empruntée au lipogramme de l’Oulipo par exemple : toute cette rangée n’a pas le droit à la lettre A, cette autre à la lettre E, puis à la lettre I, à la lettre O, à la lettre U… il faut donc réécrire la définition avec l’interdiction d’une lettre, c’est-à-dire qu’il faut chercher des mots nouveaux, trouver des synonymes. Ensuite, on met ensemble les personnes qui ont l’interdiction de la lettre A, de la lettre E, de la lettre I, de la lettre O, de la lettre U : on sait donc qu’elles ont toutes un vocabulaire différent, qu’elles vont donc disposer d’une palette de vocabulaire bien plus grande que chacune individuellement, qu’elles vont donc pouvoir élaborer une définition beaucoup plus précise. On peut dans des grands groupes mettre en place ce genre de choses. Dans les grands groupes, on peut aussi aller vers des systèmes d’inter-enseignement, on peut aller vers des systèmes de mise en réseau. J’ai beaucoup travaillé sur les réseaux d’échange réciproque de savoirs (RERS) (Héber-Suffrin, 2011) au sein d’un groupe d’étudiants : qui peut expliquer quelque chose à quelqu’un ? Comment peut-on consacrer une demi-journée, voire une journée, voire, parfois, deux à trois jours, à ce que ceux qui ont compris, lu, travaillé telle ou telle chose puissent en parler à d’autres. J’ai beaucoup travaillé cela en particulier sur la bibliographie : comment les étudiants peuvent se répartir leurs lectures, et peuvent à partir de ce qu’ils ont lu chacun mettre en commun leur lecture pour susciter l’intérêt pour d’autres éléments et s’enrichir réciproquement. On ne peut pas imaginer aujourd’hui qu’un étudiant lise la totalité des bibliographies qu’on lui donne, c’est absolument impossible, donc autant se répartir les lectures, autant travailler pour remettre en commun ensuite ce que l’on a travaillé chacun, etc.

Cinquième élément : l’exigence, je dois dire que j’ai peiné. J’ai peiné parce que, dès mon arrivée à l’université, j’ai lutté de manière extrêmement rigoureuse contre le système d’une évaluation par compensation, c’est-à-dire contre le système qui permet et qui permet toujours à l’immense majorité des étudiants de compenser une mauvaise note dans un enseignement par une bonne note ailleurs. Je me suis heurté aux organisations syndicales étudiantes qui, elles, considéraient que cette compensation était absolument indispensable, que ne pas utiliser la compensation d’une unité de valeur à une autre ou d’un enseignement à un autre était une manière de sélectionner. J’ai travaillé, ça a été compliqué, autour de ce qu’on pourrait appeler une pédagogie du chef d’œuvre pour reprendre l’expression de Célestin Freinet, c’est-à-dire que, dans chaque cours ou dans chaque enseignement, il s’agit bien de valider l’enseignement par quelque chose qui ne sera pas nécessairement noté, mais qui, si c’est validé, permettra d’accéder à la validation et à l’ensemble des validations. Ça a été un peu compliqué, ça a été une des choses les plus difficiles à faire entendre aux étudiants que c’était le meilleur service à leur rendre. Ce n’était pas du tout une manière de les coincer, mais de les amener à travailler d’une façon exigeante pour aller jusqu’au bout d’une élaboration donnée, d’un dossier, d’une séquence d’enseignement à préparer. C’était leur permettre de se remettre en chantier, c’était leur permettre d’aller jusqu’au bout de leur démarche, et donc d’accéder à une véritable réussite. La réussite ne peut pas être quelque chose de l’ordre de la stratégie pure, qui consisterait à faire l’impasse sur certaines disciplines, à avoir de bonnes notes ailleurs, et à accéder d’une manière tout à fait habile à des compensations. Ça, ce n’est pas de la réussite, c’est tout le contraire de la réussite. C’est une manière, on va dire un peu marchande, c’est de la pédagogie bancaire qui n’a rien à voir avec une réussite authentique. On voit bien que ce n’est pas simple.

Donc j’ai évoqué ces cinq mots : accueillir, accompagner, didactiser, coopérer, exiger. Il me semble qu’il y a là un programme sur lequel, pour ma part, j’ai essayé de m’engager dans l’université, qui reste encore très largement un chantier. Je pense que l’accueil à travers des dispositifs à la fois empathiques et exigeants reste à faire, l’accompagnement aussi, la didactisation des capacités et des compétences d’étudiants reste à faire, de même que la mise en place d’une coopération systématique et d’une exigence plus grande dans le rendu des travaux.

Richard Étienne : - Merci beaucoup Philippe. Dominique.

Dominique Bucheton  : - La question qui est posée est une question, de mon point de vue, totalement politique. Que veut dire « réussite à l’université » ? Je pense qu’il faut répondre par « réussite de l’université ». Mais cette réussite de l’université, c’est la réussite pour quel modèle de société, pour quels enjeux politiques ? Que ce soit au Québec, en Belgique, en Afrique, ou ailleurs, nous sommes devant un même problème sociétal, économique, politique, écologique, etc., nous sommes tous devant le même problème. La porte de sortie de ce problème, c’est l’école et c’est l’université, c’est-à-dire être en mesure de former des esprits qui soient en capacité d’apporter les réponses voulues, la créativité surtout et la dimension collective de cette pensée. Nous avons donc une responsabilité en tant qu’enseignants du primaire, du collège, du lycée et de l’université, nous avons sur nos épaules cette énorme responsabilité, encore plus vive que jamais. Je voudrais dire un peu combien j’ai été admirative devant ce colloque, je ne suis pas du tout spécialiste en termes de recherche de travaux sur la pédagogie universitaire, mais nous sommes devant aujourd’hui une forteresse à l’université, de même que nous étions devant une forteresse à l’école. Elle est en train, quand même, à l’école, du fait de tous les travaux multiples, des expériences multiples, de bouger un peu, mais très difficilement.

Le modèle scolaire, qu’il soit à l’école ou à l’université, ne peut plus continuer aujourd’hui sans changement. Cette forme scolaire où je transmets, je fais faire quelques exercices en TD et j’évalue n’est pas la solution, elle ne permet pas de construire les individus dont on a besoin. Que veut dire la réussite pour les étudiants ? Je vais me projeter dans l’avenir : qu’est-ce que l’honnête homme, l’honnête femme, l’honnête jeune fille qui va sortir de l’université dans cinq ans ? Pour moi, c’est quelqu’un qui est épanoui, qui, à l’université, aura fait des rencontres, aura ouvert son esprit. Je ne suis pas tout-à-fait d’accord avec la notion de capacité distinctive, personnellement. Nos capacités explosent en fonction de nos rencontres, en fonction de nos travaux, de nos histoires. C’est une sorte d’épanouissement, du goût du bonheur, de l’invention, et c’est un projet de vie et un projet de société. Ce n’est pas des grands mots.

La deuxième idée, me semble-t-il, l’honnête femme ou homme devrait être un esprit libre. Je ne sais pas si vous voyez ce que ça veut dire aujourd’hui, un esprit libre, quand on est dans une société qui nous donne des algorithmes, des protocoles pour prendre le train, se faire accompagner, si le protocole n’est pas suivi, on ne peut pas prendre le train alors qu’il va partir, et qu’on a une personne handicapée à côté de soi, mais le protocole dit que… Nous sommes dans une situation qui tourne au délire, que ce soit sur la santé, sur l’école, etc.

Donc il nous faut des gens qui soient en capacité de développer une pensée critique et libre. Et il me semble que c’est la mission de l’université de donner suffisamment de culture, de capacités, d’outils méthodologiques, dont vous avez parlé, Jean-Marie et Philippe, pour se penser de manière autonome et singulière, tout en se pensant dans un collectif et en étant engagé.

Effectivement, la notion des grands groupes me paraît une question centrale. Autrement dit, cette intelligence collective, collaborative, ces esprits libres qui ne vont pas obéir aux dernières instructions de notre ministre Blanquer sur tel ou tel point, qui n’auront plus besoin de penser parce qu’on va leur donner du clés en main pour tout faire : c’est ça que l’université doit absolument combattre avec véhémence. La réussite de l’université est de finaliser ce qu’elle attend, quelle société elle veut, quelle science elle veut.

Les enseignants-chercheurs étaient dans la rue hier, 5 mars 2020, pourquoi ? Parce qu’on est en train de limiter leurs objets de recherche, leur projet de recherche. Ce n’est plus eux qui vont choisir leur problématique, si cela continue. Donc la capacité de penser à côté, et non pas de penser dans le grand escalier, mais de regarder dans les coins et d’avoir des idées nouvelles me semble se rétrécir. Je me souviens d’un propos de mon fils rentrant de l’Université d’Orsay, brillante Université il y a quelques années. Je le vois arriver dans le canapé, s’effondrer et me dire « tu te rends compte ? Je fais de la biologie moléculaire de haut niveau, et je ne sais rien de la nature, je ne comprends rien, je ne sais rien ».

Autrement dit, nous avons une science, nous avons une conception de la science qui se fourvoie de plus en plus sur des chemins extrêmement étroits, et ce que proposent en France les réformes universitaires, c’est d’emmener une petite cohorte de gens hyper spécialisés, hyper techniques, hyper pointus pour répondre à des questions très pointues que posent l’économie, les industries pharmaceutiques. Il me semble que, dans les ambitions de la réussite, c’est une culture large, ce sont des connaissances dans des domaines assez diversifiés qu’il faut viser. Il me semble qu’aujourd’hui la capacité à faire de la science, de plus en plus, quel que soit les domaines, que l’on soit en biologie, en neuroscience ou en linguistique, c’est la capacité à se nourrir d’autres champs scientifiques qui vont ouvrir les portes, qui vont déclencher un autre regard sur un certain nombre de problèmes, parfois petits, que nous allons étudier.

Donc ouverture d’esprit, culture large, voilà ce qu’est la réussite pour moi, capacité à collaborer avec plusieurs, développer des talents, mais aussi en trouver de nouveaux, développer cette intelligence collective, s’engager. L’engagement sociétal, la réussite est l’engagement de la société et de l’institution dans laquelle on se trouve, voilà pour moi ce que serait la réussite au sens prospectif. Nous n’en sommes pas là. Nous sommes plutôt devant une sélection… Je regardais les résultats PISA qui sont sortis, où on voit que 40 % des enfants des milieux défavorisés sont en très grande difficulté. Ils seront encore plus en difficulté à la sortie du bac. Quand nous les retrouvons à l’université, les étudiants qui viennent de passer un bac pro et arrivent en fac de psycho ne comprennent rien, ils sont désespérés. Ils sont à la fois passionnés, motivés par des discours magistraux qui leur montrent la science… Ils ne comprennent pas, mais ils sont motivés, ou au contraire ils sont totalement démotivés, ils décrochent et au premier trimestre, ils s’en vont.

Effectivement, ce n’est pas pour eux. Si on pense que ce n’est pas pour eux, pourquoi n’est-ce pas pour eux ? Ils se disent que ce n’est pas pour eux. Leur famille leur dit que ce n’est pas pour eux. Donc on a des étudiants qui ont des représentations de leur intelligence, de leur capacité d’apprendre qui, à la moindre remarque, au moindre échec, qui vient d’un cours ou d’un examen s’écroulent. D’autres non, d’autres vont persister. Qui persiste ? Ce sont ceux des catégories sociales favorisées. Ils persistent, ils trouvent d’autres stratégies. Voilà ce que je perçois. Pour moi, la question aujourd’hui, personnellement, c’est que l’université doit faire une révolution et se demander quelles sont ses finalités.

Je crois qu’il y a une discussion en cours sur ce point. Effectivement, ça bouge sur les finalités, mais il faut une véritable révolution au sens professionnel, c’est-à-dire se demander en quoi nos façons de faire, notre pédagogie contribuent à l’échec d’un certain nombre d’étudiants. Il y a quand même un étudiant sur deux qui décroche pratiquement en première année.

Il me semble, hypothèse forte, que ce qui a produit de l’échec dans l’enseignement secondaire et collège, et quand je dis de l’échec, des milieux socialement défavorisés, puisqu’il a produit aussi de la réussite des milieux favorisés, aux mêmes causes, on a les mêmes effets.

Donc l’hypothèse que je fais, pour avoir dans nos laboratoires, travaillé beaucoup et de façon très objective, avec des vidéos, sur la relation didactique et pédagogique des enseignants dans la classe en identifiant un certain nombre de postures des enseignants, il y a très peu de postures d’accompagnement. Et, plus on monte à l’université, moins il y a de postures d’accompagnement, alors que, plus on descend en maternelle, plus il y a de postures d’accompagnement. En d’autres termes, ce qu’on a observé au niveau de l’école, c’est que plus les enseignants sont dans une posture magistrale et de contrôle, plus les étudiants, les élèves, sont en posture scolaire, ils écoutent, ils ne pensent pas. Ils ne pensent pas, ils prennent des notes, certains ne comprennent pas ce qu’ils sont en train d’écrire, et ils pensent qu’en rentrant chez eux, en relisant et en réécrivant leurs notes, ils vont digérer le cours. Ils sont dans une attitude complètement passive et inhibée. Donc ces processus très fins que nous avons identifiés dans cette façon de faire issue de notre conception de l’enseignement dessinent une forme scolaire ancestrale qui ne fonctionne plus aujourd’hui, notamment pour la démocratisation et les nouveaux publics qui viennent ici…

La deuxième chose qui me frappe énormément, c’est que, quand on a regardé et comparé l’enseignement universitaire de gens qui travaillaient dans les dimensions techniques, technologiques, les universitaires faisaient sans arrêt des liens avec la vie, sans arrêt. Il y a eu un très beau master sur la viticulture, et le prof d’université faisait sans arrêt référence à l’expérience des étudiants, à leur expérience de vie, à leur expérience sociale, de sorte que le cours magistral qu’il faisait prenait sens pour les étudiants parce qu’il était toujours ancré sur l’expérience, ce que nous avons qualifié de geste de tissage. Ils étaient très nombreux chez cet enseignant, alors qu’il n’y avait aucun geste de tissage chez des enseignants qui étaient en train de faire leur cours magistral, même s’ils étaient très intéressants, très distingués, très conceptuels. Si je dis tout cela, c’est que sans doute une des pistes de recherche serait non pas d’aller chercher seulement l’origine sociale, la culture, tout le tour des multiples causes qui nous disculpent d’une certaine façon, « ils n’ont pas ci, ils n’ont pas ça, ils n’ont pas de ceci, ils n’ont pas de cela », et d’aller chercher ce que nous faisons quand on enseigne pour essayer de les accompagner, de didactiser.

Quelque part, dans les dernières hypothèses que j’ai faites sur les travaux sur les gestes professionnels des enseignants, il me semble que cela concerne aussi l’université, c’est que les conduites d’enseignement et les conduites d’apprentissage des étudiants efficientes ou pas efficientes, sont sous-tendues par des conceptions très fortes du savoir, du métier et, chez les élèves, par des conceptions de l’image, du professeur, l’image de ce qu’il faut faire à l’université, et quelques fois, tout ça est complètement faux, il y a des malentendus extrêmement importants, nous sommes dans le malentendu complet, certains s’en sortent, d’autres ne s’en sortent pas. Donc il me semble qu’il nous faut regarder de très près, et c’est une urgence.

Richard Étienne : - C’était passionnant. Maintenant, pendant que nous échangeons avec la salle, vous allez penser chacun à une phrase qui résumerait votre recommandation issue de votre expérience et de vos travaux de recherche, mais interdit de battre Proust en longueur ! Une phrase de chacun et chacune résumant vos propositions pour que l’inégalité ne soit pas le fait de l’université. Auparavant, nous allons prendre trois questions.

Questions et réponses

Benoît Laplante de l’Institut national de la recherche scientifique, Montréal : - Je suis professeur en gestion de l’éducation, Montréal. Petit commentaire : j’ai tellement hâte que le Canada, surtout le Québec, puisse développer ou plutôt rattraper la France quant à la VAE. Bravo !

Richard Étienne : - Le dispositif ou la pratique ? Comme Philippe Meirieu l’a dit, la pratique de la VAE, ce n’est pas toujours ce que ça devrait être, parfois même au niveau de l’exigence, et le dossier… Deuxième question ou commentaire.

Personne non identifiée : - Bonjour. Merci beaucoup, c’était édifiant. Vous avez parlé de John Dewey, j’étais très contente parce que j’ai entendu les présentations ce matin, dans un lien entre la santé et l’éducation. C’est aussi très politique. Je suis tout à fait d’accord, le fondement de tout ce à quoi on réfléchit est très politique, et je propose une réflexion : qu’on le pense aussi en termes éthique, une éthique de la pratique, des finalités. John Dewey dans son éthique pragmatique et son lien avec la démocratie, je pense, peut être un inspirateur bien vivant, malgré tout. Il est très étudié actuellement aux États-Unis aussi. J’étais vraiment contente d’apprendre ça, de vous entendre parler de politique et des valeurs fondamentales, je trouve ça inspirant.

Jean-Marie De Ketele : -C’est vous qui parlez d’hospitalité éthique ?

Personne non identifiée : - Oui, l’éthique clinique, toute la pratique de l’éthique clinique dans les hôpitaux en Amérique du Nord, presque toute la réflexion et la méthode d’analyse est basée sur John Dewey…

Richard Étienne : - J’en profite pour faire de la publicité pour le livre de Joris Thievenaz (2019) qui vient de sortir sur l’enquête chez Dewey qui est remarquable.

Autre personne non identifiée : - Merci, je partage, c’était un très bon moment de vous écouter, c’était très inspirant. Merci, merci beaucoup pour tout ça. J’ai une question : on parle de politique, d’éthique, de bien commun, de collectif, d’intelligence collective, etc., il y a une forme de consensus avec des divergences, mais il y a une forme de consensus dans les intentions. Comment se fait-il qu’il y ait une telle déconnexion avec ces expériences positives et les recherches ? Comment expliquer l’espèce de rouleau compresseur auquel on fait face et une telle dévalorisation de certaines perspectives de recherche en sciences de l’éducation qui sont, d’une certaine manière extrêmement décrédibilisées ? Je trouve, peut-être c’est un avis… J’ai le sentiment que les sciences de l’éducation qui ne sont pas quantitativistes, se référant à certains paradigmes aujourd’hui… Il y a une forme de dévalorisation de tout ce travail qui est pire, me semble-t-il, aujourd’hui qu’il y a quelque temps. Donc je ne comprends pas cette espèce de moment que l’on vit, et j’ai l’impression que c’est un peu démotivant de travailler dans ces perspectives, parce que notre communauté, il y en a une partie qui est aujourd’hui dans la rue, mais il y a quand même aujourd’hui une grande partie qui écrase la publication francophone, et je vous passe les détails de ce à quoi on fait face. Donc je me demande comment on peut réagir.

Richard Étienne : - C’est sûr que le colloque montre la difficulté de mener une action alors que nous sommes aux prises avec des mécanismes en forme de rouleaux compresseurs. Ce que nous pouvons présenter comme témoignages, ce que nous pouvons analyser de ce qu’il s’est fait ici, de gens qui ne sont pas là comme Sylvain Connac et bien d’autres nous donne des raisons pour agir… Je serai un peu plus optimiste que vous, parce qu’il y a quelques années Marie-Anne Hugon, professeure à Nanterre me disait : « mais, est-ce que tu as le nom de quelqu’un pour être sur mon poste quand je prendrai ma retraite ? ». Et quand je regarde un peu l’évolution du corps, on commence à avoir beaucoup de pédagogues. Ça a toujours été un peu la marque de fabrique des gens comme Jean Houssaye, comme toi, Philippe, comme à Toulouse Jean-François Marcel, ce sont des gens qui ont commencé, comme Dominique l’a dit aussi, ils ont commencé dans le premier ou le second degré et, quand ils sont arrivés à l’université, ils n’ont pas oublié et les types de recherche… Voilà…

Personne qui a pris la parole précédemment : - Ils sont arrivés à faire des choses très intéressantes, je ne le nie absolument pas, mais en quoi il y a une reconnaissance de ce travail ? Quand on dit qu’aujourd’hui… Il y a beaucoup de discours pour dire que les sciences de l’éducation, ce n’est pas là que sera la solution pour l’éducation, c’est quand même violent.

Richard Étienne : - C’est vrai que c’est très violent. Il y a tout de même des choses qui bougent, mais c’est très difficile à distinguer.

Dominique Bucheton : - Ça s’appelle le combat idéologique, puissant, violent et de plus en plus violent. Je suis en train, laborieusement, de lire le bouquin de Piketty, Le Capital idéologique (2019). L’intérêt de ce livre pour moi, c’est qu’il montre comment les idéologies installées par des systèmes de propriété, de capital, etc., sont extrêmement lentes à faire bouger, inscrites dans nos gènes. Je lisais un article où dans le fond le modèle de l’école qu’on ingère à l’école primaire rentre dans nos systèmes neuronaux, et avant de le déloger… Autrement dit, nous sommes devant des résistances idéologiques extrêmement puissantes, à l’intérieur desquelles un certain nombre d’entre nous ont réussi à trouver des espaces intéressants intellectuellement.

Nous avons fait ce que nous avons pu, et pas que nous en sciences de l’éducation, dans les autres domaines. Je ne sais pas quelle est l’histoire de mes collègues, mais beaucoup sont issus de classes moyennes, ont eu une certaine ascension sociale et sont arrivés à l’université. Ils essaient de garder leur place, mais ces places à l’université sont en train de bouger, avec tout le système des vacataires qui arrivent et qui ne vont pas trouver leur place à l’université. Donc on est devant une lutte idéologique devant laquelle il faut réfléchir profondément, avec des représentations très fortes, très enracinées sur ce qu’est enseigner, ce qu’est faire de la science, etc., ce qu’est la méthodologie, parce qu’il y a peut-être plusieurs façons d’envisager la méthodologie aujourd’hui.

Philippe Meirieu : - Je veux bien ajouter quelque chose. Je suis assez d’accord pour les combats idéologiques, mais il faut les mettre en phase avec ses comportements quotidiens. Par exemple, je partage tout ce qu’a dit Dominique, mais je pense qu’en sciences de l’éducation, section à laquelle j’ai appartenu pendant de nombreuses années, on n’a pas suffisamment mis nos actes en cohérence avec nos propos. Par exemple, on n’a pas revendiqué, comme on aurait dû le faire, l’égale dignité du travail et de l’investissement dans l’enseignement par rapport au travail et à l’investissement dans la recherche. J’ai vécu le moment où on donnait des primes de recherche et des primes d’enseignement, je dirigeais un nombre important de thèses, j’ai refusé avec un certain nombre de collègues de toucher la prime de recherche pour protester d’une manière solennelle contre l’inégalité extravagante entre la prime de recherche et la prime d’enseignement. La prime d’enseignement était, je crois, de l’ordre de 2000 euros par an, l’équivalent, la prime de recherche était à peu près à 5 fois plus. Je ne sais pas de combien elle est aujourd’hui, je crois qu’elle doit être dans ces eaux-là. Donc tant que la carrière universitaire ne prendra pas en compte l’investissement des enseignants dans la pédagogie universitaire et dans l’enseignement, nous continuerons à faire de la sélection sans le vouloir, ou à laisser en réalité se produire un darwinisme éducatif où les plus adaptés survivent.

Je m’excuse de mettre les pieds dans le plat, mais y compris dans les sciences de l’éducation, il y a un certain nombre de collègues pour lesquels s’il n’y avait pas d’étudiants à l’université, on pourrait enfin faire de la recherche sérieusement. [rires] Cela reste profondément ancré dans les mentalités, et pas n’importe quel type de recherche. Je suis totalement d’accord avec vous : une recherche qui doit aujourd’hui être strictement quantitative, qui doit rentrer dans l’idéologie de l’evidence-based policy, des données probantes, etc. J’ai travaillé pendant une partie de ma carrière sur les rapports entre la littérature et la pédagogie, jamais ces recherches n’ont été identifiées, repérées par quiconque. Il faut savoir aujourd’hui que si Kant se présentait au Conseil national des universités, on lui dirait : « mais monsieur Kant, où sont vos données empiriques et vos statistiques ? » [rires]. Et il n’aurait absolument aucune chance d’être professeur à Königsberg, absolument aucune chance. Il serait retoqué immédiatement.

Nous sommes dans une vision de la recherche, et c’est totalement idéologique, dans une vision de la recherche qui n’est valorisée que si elle est au service de la concurrence. Pour être au service de la concurrence, il faut être quantitatif. Il n’y a pas d’autres solutions. Il faut mettre les gens en situation de rivalité quantitative, donc il faut produire du chiffre. Mais n’oubliez pas Karl Marx : « nous périrons dans les eaux glacées du calcul égoïste ». Le calcul, c’est l’inverse de l’humain. Le cerveau n’est pas une machine à calculer, contrairement à ce que nous disent les neuroscientifiques, c’est une machine à arbitrer, à arbitrer entre des finalités, pas à calculer. Quand on calcule, il n’y a qu’un résultat. Quand on arbitre, on a des choix et des choix de finalité. Le travail en sciences de l’éducation sur la question des finalités, sur la question de la philosophie de l’éducation, sur la question de l’histoire des doctrines pédagogiques a été mis au second plan au sein même des sciences de l’éducation. Après, que les sciences de l’éducation viennent se plaindre, c’est tout à fait émouvant [rires], mais nous-mêmes, sciences de l’éducation, nous n’avons pas, je crois, sérieusement défendu nos paradigmes dans leurs spécificités. Qu’on ne me dise pas qu’il n’y a que le quantitatif qui produit des effets en termes de recherche. Freud a étudié combien de cas ? Cinq en le comptant lui-même. Il a construit des modèles. Ce qui constitue la recherche, c’est la construction de modèles, et de modèles d’intelligibilité du réel. Ces modèles d’intelligibilité du réel, on peut les construire avec du quantitatif, et je suis le premier à saluer tous les travaux qui sont faits dans ce domaine, mais on peut aussi les construire avec du qualitatif, le remarquable ouvrage de Michael Huberman sur les méthodes qualitatives en éducation (2003, avec Miles) est un ouvrage qui est totalement de côté. [rires et applaudissements]

Jean-Marie De Ketele : - Très brièvement, une petite anecdote. Certains d’entre vous connaissaient Marcel Lebrun en technologie de l’information et de la communication. Parfois nous travaillons ensemble, il a fait partie du département pendant longtemps, et souvent, quand on va ensemble à l’étranger, à partir du moment où je dis aux personnes qui sont devant moi « Marcel Lebrun est docteur en physique nucléaire, mais il s’est intéressé aux sciences de l’éducation », ça change complètement le regard des gens, et de l’être un peu anonyme, il devient quelqu’un de reconnu et de respecté. C’est dire qu’il y a une hiérarchie dans la tête, y compris dans la tête des universitaires entre les disciplines. Cette hiérarchie entre les disciplines entraîne aussi des hiérarchies en termes de vision de la recherche, et en termes de paradigmes de la recherche.

Il ne faut pas oublier que les sciences de l’éducation ont comme objet l’éducation et la formation et qu’elles doivent être regardées sous trois axes et trois types de logique : la logique du logos, de la connaissance, la logique de la praxis, sciences de l’éducation et de la formation, et aussi de l’éthos, de l’éthique. C’est la raison pour laquelle il y a tant de bagarres idéologiques. Je me dis toujours : quand j’ai une méta-analyse devant moi, je suis toujours intéressé par savoir finalement quelles étaient les variables dépendantes dont on essaie de voir quels sont les facteurs explicatifs. Très souvent, ce n’est pas clair. Ce sont uniquement des variables dépendantes qui sont plus ou moins faciles à mesurer, à évaluer, et qui sont souvent décontextualisées, et qui portent sur des valeurs qui ne sont pas les plus importantes. Tout ce dont on a parlé sur l’esprit critique, essayez de me trouver une méta-analyse où on a essayé de « mesurer », au sens large du terme, l’esprit critique. Je n’en vois pas. Donc on est dans un monde où on a hiérarchisé les disciplines, on a hiérarchisé les visions de la recherche, on a hiérarchisé les paradigmes de recherche, et pour l’instant nous sommes inquiets, notamment Richard, Emmanuelle et moi nous avons une réunion lundi là-dessus, sur la production scientifique, sur la publication scientifique parce que le publish or perish actuel est en train de complètement renforcer ces problèmes de hiérarchisation. Donc il y a là un enjeu très important. Comme le disait Philippe, je pense que nous, sciences de l’éducation, nous sommes en grande partie fautifs.

Je termine par cet exemple-là : dans mon université, ce qui a fait le plus bouger l’université dans le bon sens en termes de pédagogie universitaire, c’est l’existence de trois facultés ouvertes pour adultes, c’est la faculté ouverte en sciences politiques, économiques et sociales, c’est la faculté ouverte de pédagogie des adultes et c’est la faculté ouverte en éducation pour la santé au sein de la faculté de médecine. Face à ces adultes, les enseignants-chercheurs n’ont pas pu adopter les mêmes dispositifs qu’ils adoptaient avec des étudiants de formation initiale. Et c’est eux qui ont commencé à révolutionner la formation universitaire. [applaudissements]
Les phrases pour l’action… et pour terminer !

Richard Étienne : - Merci. Je vais vous demander vos phrases.

Philippe Meirieu : - J’ai une phrase : le péché originel de l’université qui ne tient pas ses promesses, c’est le fait de transformer systématiquement ses objectifs en préalable. [applaudissements]

Jean-Marie De Ketele : - Dans la formation, le dispositif pédagogique et didactique est au moins aussi important que le contenu de la formation.

Richard Étienne : - Merci beaucoup à nos intervenants pour leur forte implication dans cette table ronde.

Bibliographie

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De Ketele, J.-M., Hugonnier, B., Parmentier, Ph., Cosnefroy, L. (2016, dir.). Quelle excellence pour l’enseignement supérieur ? De Boeck Supérieur, pédagogies en développement.

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Dewey, J. (1916/2001). Démocratie et éducation. Suivi de Expérience et éducation. Paris : Armand Colin.

Heber-Suffrin, Cl. (2011). Les réseaux d’échanges réciproques de savoirs, une véritable démarche formatrice. Empan, 81, https://www.cairn.info/revue-empan-2011-1-page-36.htm

Huberman, A.M., Miles, M.B. (2003). Analyse des données qualitatives. Bruxelles : De Boeck Supérieur.

Legrand, L. (1984). La différenciation pédagogique. Paris : Scarabée, CEMEA.

Meirieu, Ph. (1984). Itinéraires des pédagogies de groupe –Apprendre en groupe ? 1 et Outils pour apprendre en groupe - Apprendre en groupe ? 2. Lyon : Chronique sociale.

Meirieu, Ph. (1995). La Pédagogie entre le dire et le faire. Paris : ESF.

Paivandi, S. (1991). Les étudiants iraniens en France : le cas de l’Université de Paris VIII. Thèse de doctorat soutenue à l’Université Paris VIII.

Peretti, A. de, Muller, F. (2013). Mille et une propositions pédagogiques : Pour animer son cours et innover en classe. Paris : ESF, collection pédagogies.

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Thievenaz, J. (2019). Enquêter et apprendre au travail. Approcher l’expérience avec John Dewey. Dijon : éditions Raison et Passions.
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Pour citer cet article
Référence électronique

Dominique Bucheton, Jean-Marie De Ketele, Philippe Meirieu et Richard Étienne, « L’égalité dans l’enseignement supérieur entre utopie et solutions concrètes », Éducation et socialisation [En ligne], 58 | 2020, mis en ligne le 30 décembre 2020, consulté le 04 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/edso/13436 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.13436
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Auteurs
Dominique Bucheton

Professeure en sciences de l’éducation et de la formation, Université de Montpellier, LIRDEF EA 3749
Jean-Marie De Ketele

Professeur, Université Catholique de Louvain
Philippe Meirieu

Professeur en sciences de l’éducation et de la formation, Université Lyon II
Richard Étienne

Professeur en sciences de l’éducation et de la formation, Université Paul-Valéry Montpellier 3, LIRDEF EA 3749, et animateur de la table ronde
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Cifali, M. (2020). Tenir parole. Responsabilités des métiers de la transmission. Paris : PUF. [Texte intégral]
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Bucheton, D. (2020). Les gestes professionnels dans la classe – Éthique et pratiques pour les temps qui viennent. Paris : ESF sciences humaines, collection PÉDAGOGIES [références]. [Texte intégral]
Paru dans Éducation et socialisation, 56 | 2020
Rayou, P. (2019, dir.). L’origine sociale des élèves. Paris : Retz, collection Mythes et réalités. [Texte intégral]
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Thievenaz, J. (2019). Enquêter et apprendre au travail. Approcher l’expérience avec John Dewey. Dijon : éditions Raison et Passions. [Texte intégral]
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