Un article de Mikaël De Clercq et Cathy Perret repris de la revue "Education et socialisation", une publication sous licence CC by nc nd
Introduction
En Belgique francophone comme en France, la question de l’échec en 1ère année s’est constituée en enjeu politique. Le passage de l’enseignement secondaire vers l’université, est stimulant pour les jeunes mais aussi difficile compte tenu des multiples aspects nouveaux à gérer par l’étudiant (Credé et Niehorster, 2012). Un grand nombre d’étudiants n’arrive pas à surmonter les obstacles et échoue ou abandonne leur formation (Torenbeek, Jansen et Hofman, 2010). Ce processus d’adaptation aux obstacles est décrit par Coulon (1997) comme l’apprentissage du « métier d’étudiant » en vue de la construction d’une socialisation universitaire définie par « le degré auquel l’étudiant s’adapte à son environnement d’études et répond aux attentes et aux exigences pédagogiques » (Paivandi, 2016), tout en passant par la construction d’une sociabilité étudiante, ajoutant à l’affiliation intellectuelle une affiliation sociale (Jellab, 2011). Ainsi, en Belgique et en France, le taux d’échec académique à la fin de la première année universitaire dans les formations non sélectives s’élève à environ 60 %. Plus précisément, en Belgique francophone, 22 % des étudiants abandonnent définitivement l’enseignement supérieur après la première année et 41 % se réorientent ou redoublent dans la filière échouée (ARES, 2020). En France, 27 % des étudiants de licence abandonnent et 29 % redoublent leur première année (Razafindratsima et Bonnevialle, 2019).
Pour comprendre cette problématique, nombre d’études ont adopté une perspective centrée sur l’étudiant ; se concentrant sur l’identification des principaux prédicteurs individuels de la réussite et de la persévérance de l’étudiant (cf. Duguet, Le Mener et Morlaix, 2016 ; Dupont, De Clercq et Galand, 2016). Ainsi, plusieurs facteurs tels que le passé scolaire, le niveau socioéconomique, la motivation et les stratégies d’apprentissage ont été identifiés comme des prédicteurs de la réussite et de la persévérance de l’étudiant (Richardson, Abraham et Bond, 2012).
Définition des concepts de transition et d’ajustement
Le champ de recherche portant sur la transition est riche et questionne plusieurs étapes importantes de la vie d’un individu. Cette richesse engendre différentes conceptualisations du terme de transition (pour une revue adaptée à l’enseignement supérieur, voir Gale et Parker, 2014). Par exemple Zittoun (2008, 2009) par son approche développementale, considère la transition comme une rupture brutale impliquant des changements majeurs dans les attitudes et les comportements de l’individu pour s’ajuster à cet environnement. Briggs et ses collègues (2012) dépeignent la transition comme un processus d’ajustement à un changement de vie majeur. Ces derniers propos se rapprochent de la notion de transition psychosociale (Dupuy et Leblanc, 1997 ; Almudever, 1998) se caractérisant par un processus de confrontation à la nouveauté et à l’incertitude caractérisé par l’apparition de conflits de valeurs, d’objectifs et d’organisation. Ce processus impliquant un changement significatif dans la vie d’un individu réalisé au travers d’un effort de restructuration, d’adaptation et d’interrogation individuelle.
Selon cette perspective nous pourrions définir la transition universitaire comme une période d’instabilité et de rupture déterminée dans le temps qui mènera à une évolution qualitative de la personne dans ses connaissances, ses compétences, son identité, ses rôles et son fonctionnement quotidien. Dans cette même logique, l’ajustement est considéré ici comme le processus actif d’adaptation mis en place par l’étudiant pour mener à bien cette évolution qualitative et in fine performer dans le contexte universitaire. Au-delà de la notion de changement auquel est rattaché le passage de l’enseignement secondaire vers l’université (Alava, 1999), cette définition s’inscrit dans les perspectives selon lesquelles le passage du secondaire à l’université est toujours vu comme une rupture et non comme une continuité (Jellab, 2011) et comme une période déstabilisante voire comme une mise à l’épreuve conduisant parfois à un découragement (Coulon, 1997). Il s’agit d’une étape de la socialisation étudiante dite « d’acculturation » retranscrivant la confrontation entre une culture scolaire et une culture universitaire. Les jeunes étudiants sont ainsi confrontés à de nombreux changements qui sont autant de ruptures avec leur expérience scolaire antérieure ; rupture des contraintes institutionnelles et académiques par le moindre contrôle de l’assiduité et l’absence d’implication des parents, rupture identitaire par les effectifs importants qui noient l’individu dans la masse, rupture du cadre institutionnel par les difficultés de compréhension du fonctionnement universitaire, rupture dans le rapport aux savoirs qui ne sont plus exclusivement transmis par les enseignants, rupture dans le rapport aux études qui ne sont plus définies exclusivement par l’obtention d’un diplôme terminal mais aussi par l’élaboration d’un projet professionnel ou encore rupture dans les lieux de vie pour les étudiants qui prennent leur indépendance (Grebot et Barumandzadeh, 2005). Les acquis et les représentations émanant du secondaire peuvent aussi être remis en cause à l’arrivée à l’université où les attentes sont supérieures (Larose et Roy, 1993). Les modifications opérées dans l’organisation du cursus, le rythme des apprentissages, le niveau exigé ou encore les modes relationnels entre pairs (Alava, 1999) sont autant de ruptures qui génèrent d’une part un sentiment de liberté apprécié des étudiants, du fait de l’allègement de nombreuses contraintes mais qui donnent aussi aux étudiants le sentiment d’être « lâché » dans un environnement complexe où ils ne sont suffisamment guidés (Jellab, 2011). Les étudiants peuvent ainsi évoquer un « rite de passage » qui recouvre à la fois l’idée de maturité, d’autonomisation et d’indépendance, mais la liberté gagnée peut toutefois représenter une source d’angoisse de par la peur de se retrouver seul et désemparé devant des situations nouvelles (Haas et al., 2012). Finalement, cette transition est aussi associée à un processus d’acquisition via de nombreux apprentissages comme par exemple l’apprentissage des normes qui sont relatives à la gestion de l’emploi du temps, au travail personnel et aux méthodes de travail associées (Jellab, 2011).
Les obstacles à la transition universitaire
Une limite importante peut être pointée de la littérature abordant la question de la transition universitaire. La plupart des études se sont concentrées sur les déterminants individuels de la réussite sans se concentrer sur les difficultés caractéristiques du contexte universitaire telles que la complexité administrative, l’enseignement plus anonyme, la charge de travail accrue ou le climat d’apprentissage (De Clercq, Van Meenen et Frenay, 2020). Or, l’analyse rigoureuse des obstacles inhérents à la transition permettrait de mieux comprendre les défis concrètement vécus par l’étudiant lors de cette première année et d’offrir une vision plus claire des différents enjeux de l’ajustement académique (Noyens, Donche, Coertjens et Van Petegem, 2017).
Récemment, des chercheurs allemands et belges ont cherché à mieux connaître ces obstacles grâce à une taxonomie quadridimensionnelle des obstacles vécus par l’étudiant lors de la transition vers l’université (Trautwein et Bosse, 2017 ; De Clercq et al., 2020), les obstacles étant personnels, sociaux, de contenu et administratifs (voir tableau 1). Une plus grande considération de ces obstacles renouvellerait la compréhension de la transition universitaire.
Une seconde limite identifiée dans la littérature actuelle est le manque de considération des variations d’expérience de la transition universitaire en fonction des contextes et des publics. De récents travaux ont montré l’importance de considérer cette diversité dans la mesure où la transition universitaire est vécue de façon très différente en fonction des caractéristiques de l’étudiant et du contexte dans lequel cette transition s’inscrit (De Clercq, Galand et Frenay, 2020 ; Kyndt, Donche, Trigwell et Lindblom-Ylänne, 2017 ; Winstone et Hulme, 2019). Il n’existerait donc pas une transition universitaire prototypique mais plutôt une variété d’expériences de transition. Ces auteurs insistent sur la nécessité de considérer davantage ces diversités de transitions (Winstone et Hulme, 2019). Plus précisément, le niveau de diversité qui reste encore aujourd’hui peu exploré est celui qui incombe à la différence de contextes (De Clercq, Galand et Frenay, 2017). Bien que plusieurs auteurs aient commencé à analyser la diversité sous l’angle de l’hétérogénéité étudiante ou celui de la diversité de programme au sein d’un même établissement (De Clercq, Galand, Dupont et Frenay, 2013 ; Van Herpen, Meeuwisse, Hofman et Severiens, 2019), la variation de vécu de la transition d’une université à l’autre et d’un pays à l’autre reste peu explorée.
D’un point de vue théorique cette approche est encouragée par des modèles tels que celui des trois niveaux d’analyse (Enders, 2004 ; Munge, Thomas et Heck, 2018 ; Taylor et Ali, 2017). Selon ces auteurs, trois niveaux d’analyses peuvent être combinés pour comprendre la transition universitaire : (1) le niveau micro relatant le vécu individuel de l’étudiant, (2) le niveau méso se référant aux caractéristiques de l’environnement proximal d’apprentissage (caractéristiques du programme d’étude) et (3) le niveau macro considérant les caractéristiques de l’établissement et plus largement du système éducatif à un niveau national.
Objectif de l’étude
Afin de répondre aux deux limites identifiées plus haut, cet article vise à contribuer à une approche de la transition universitaire en proposant une comparaison du vécu des étudiants des obstacles à la transition entre deux universités issues de deux pays : la Belgique et la France. Plus précisément, il s’agit de fournir une analyse exploratoire des variations de la perception des obstacles à la transition, selon la taxonomie de Trautwein et Bosse (2017), entre deux universités, tout en considérant les diverses caractéristiques d’entrée de l’étudiant. Nous proposons donc d’appréhender les obstacles à la transition en considérant tant un niveau micro et macro du phénomène. Cette perspective permettrait de comprendre les similitudes et les différences entre les universités et les publics afin de proposer une compréhension plus fine de la transition universitaire.
Méthodologie de la recherche
La population
Cette recherche se base sur deux échantillons issus d’une université belge (université catholique de Louvain - UCLouvain) et d’une université française (Université de Bourgogne - uB).
L’UCLouvain est une université belge pluridisciplinaire et multisites comptant plus de 31 000 étudiants proposant des formations de premier, deuxième et troisième cycle. Elle organise des programmes d’études de Bachelier dont l’accès est majoritairement ouvert, à l’exception des études en ingénieurs civil et en médecine qui imposent un examen d’admission. Une enquête en ligne a été menée auprès des étudiants de premier bachelier lors du second semestre (en mai 2019) afin de faire un bilan sur leur première année et afin d’analyser leur préparation à la session d’examen à venir. Tous les étudiants peuvent choisir de bénéficier de dispositifs d’aide à la réussite. Ces dispositifs sont diversifiés et tentent de répondre aux difficultés rencontrées par l’étudiant (aide à l’intégration, développement des compétences académiques, gestion du stress…). Néanmoins, l’offre de dispositif est fonction du programme d’étude de l’étudiant et varie donc fortement d’un secteur à l’autre. Il est donc difficile de dresser un bilan unique de l’offre proposée aux étudiants et des dispositifs auquel ils ont participées. Parmi ces étudiants, 617 ont répondu à l’enquête, soit un taux de participation de 19.9 %. Cet échantillon était composé de 237 hommes et de 381 femmes
L’uB est une université française publique pluridisciplinaire et multisites de plus 34 000 étudiants située en province proposant des formations jusqu’au doctorat. Depuis l’introduction de la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur en 2018 dans le cadre de la loi l’Orientation et la réussite des Etudiants (ORE), l’accès à la première année est conditionné à un examen des dossiers préuniversitaires par les équipes pédagogiques. Les étudiants reçoivent ainsi les réponses des formations demandées avec le classement de leur candidature dans chacune des formations avec des propositions d’admission de type « oui » ou « oui si ». Ces propositions évoluent en fonction des inscriptions des autres étudiants. La réponse « oui-si » signifie une acceptation dans la formation, à condition de suivre un parcours adapté de remise à niveau. L’uB se caractérise par un meilleur taux de réussite qu’au niveau national, avec des caractéristiques sociodémographiques et scolaires du public étudiant très proches des celles constatées au niveau national (taux de réussite en licence en trois ans supérieur de près de 3 points) [1], les obstacles étant personnels, sociaux, de contenu et organisationnels (soit quatre dimensions). En fonction des spécificités du contexte, cette taxonomie a donné lieu à une série de 33 items dans le cas de, l’UCLouvain et de 28 items dans le cas de l’uB. Ces items renvoient ainsi à ces quatre dimensions se divisant en 10 sous-dimensions (cf. tableau 1). Plus précisément, il était demandé aux étudiants d’estimer chaque difficulté au moyen d’une échelle de Likert allant de 1 « très difficile » à 5 « très facile ».
Les analyses factorielles exploratoires (rotation Varimax) ont montré la même structure pour l’échantillon français et belge, expliquant respectivement 68.78 % et 60.87 % de la variance des réponses des participants. Cette analyse préliminaire montre que la taxonomie est valable pour ces deux contextes universitaires. Plus précisément, à l’UClouvain, les 33 items ont distingué 10 sous dimensions présentées plus haut. A l’uB, 9 sous dimensions ont été identifiées (essentiellement car les questions de justification du choix d’études n’ont pas été posées). Le tableau 2 représente les analyses de fiabilité des échelles construites.
D’autres aspects, comparables aux deux contextes universitaires, ont aussi été appréhendés dans le questionnaire concernant les caractéristiques d’entrée de l’étudiant. Il est à noter que les mesures utilisées dans les deux universités ne sont pas exactement similaires. Cette limite sera abordée dans la discussion.
Dans les deux contextes, genre, secteurs d’études et année d’entrée à l’université ont été collectés via le système de gestion des inscriptions. D’autres informations ont été construites à partir des déclarations des étudiants dans le questionnaire. Dans le cas de l’université francophone belge, le niveau socio-économique a été mesuré par le diplôme des parents et codé comme suit : pas de parents titulaires d’un diplôme universitaire, un parent ou deux parents titulaires d’un diplôme universitaire. Dans le cas de l’université française, le niveau socio-économique a été mesuré par la nature de l’emploi des parents et codé de la manière suivante : pas de parents occupant un emploi de cadres ou une profession intellectuelle supérieure ou de chef d’entreprise de plus de 10 salariés, un seul parent occupe une telle position professionnelle et les deux parents étant dans ces situations professionnelles.
Dans l’université belge, le passé scolaire a été mesuré en demandant de rapporter sa note moyenne finale sur 20 en fin de secondaire. Dans l’université française, le passé scolaire a été mesuré par deux indicateurs : le type de baccalauréat et la mention au baccalauréat (examen final de l’enseignement secondaire français), sachant qu’une mention « assez bien » correspond à une moyenne générale comprise entre 12 et 14/20, une mention bien est associée à une moyenne comprise entre 14 et 15,5/20 et une mention « très bien » correspond à une moyenne d’au moins 16/20.
Le choix de la formation, a été mesuré, à l’UCLouvain, par un indice de profondeur du choix d’orientation composé de la moyenne de plusieurs items inspiré des travaus de De Clercq et ses collègues (2017). Ces items rassemblaient les différentes sources que l’étudiant avait consulté pour réaliser son choix de formation (discussion avec des professionnels de l’orientation, rencontres avec d’autres étudiants…) et ont été rassemblées en une échelle dont l’alpha de Cronbach est de 0.80. à l’uB, le choix de la formation a été mesuré par une question fermée binaire (Oui-Non) demandant aux étudiants si la formation suivie correspondait à leur premier choix de formation « votre inscription dans cette formation correspond-elle à votre 1er choix d’orientation Parcoursup ? ».
Finalement, dans le cas belge, le recours à un dispositif de soutien a été mesuré par la question « As-tu participé à au moins un dispositif de soutien depuis le début de l’année ? ». Dans le cas français, le recours au dispositif d’aide « oui-si » a été connu par la question « Etiez-vous inscrit(e) dans le dispositif « oui-si » appelé AGIL de l’université de Bourgogne ? »
Résultats
Les analyses multivariées (Manovas) menées, séparément dans les deux échantillons, permettent d’explorer les différences d’obstacles perçus au niveau du genre, du niveau socioéconomique, du secteur, de la participation à un dispositif d’aide et de l’année d’entrée à l’université. Pour la variable de profondeur du choix de formation et de passé scolaire, des régressions multiples ont été utilisées dans le cas de l’université belge. Les résultats sont présentés de manière synthétique dans le tableau 3 [2].
Les obstacles ressentis selon les études suivies
Quatre différences significatives apparaissent au niveau des secteurs pour l’UClouvain. Ces différences concernent les difficultés organisationnelles (F(2,614) = 3.17 ; p<.05 ), de gestion des activités d’étude (F(2,614) = 3.40 ; p<.05 ), d’approche scientifique (F(2,614) = 5.05 ; p<.05) et d’attente personnelle (F(2,614) = 3.57 ; p<.05). Les étudiants en « sciences exactes et naturelles » rapportent éprouver plus de difficultés dans la gestion administrative de leurs études (Mscience = 3.36 ; Mα =3.48) mais moins de difficultés à s’approprier le langage scientifique (Mscience = 3.24 ; Mα =3.02). Les étudiants en « droit-économie-gestion » rapportent plus de facilités à gérer leurs activités d’étude (Mdroit_éco = 2.68 ; Mα =2.50). Finalement, les étudiants en « psychologie, philosophie, arts et lettres » éprouvent plus de facilités que les autres à faire le lien entre le contenu de leurs études et leurs objectifs personnels (Mpsycho_philo = 3.50 ; Mα =3.32).
À l’uB, les obstacles vécus par les étudiants sont significativement différents entre les deux secteurs d’études au niveau de 6 dimensions, les étudiants du secteur « droit-économie » ressentant toujours plus de difficultés que leurs homologues du secteur « sciences exactes et naturelles ». Ainsi, les obstacles vécus sont plus importants pour ces étudiants quand il s’agit de s’approprier le langage scientifique (F(2,614) = 4.19 ; p .01 ; MDE =2.93 ; MSEN = 3.29) et de réaliser les activités liées à leurs études en L1 (F(2,614) = 9.76 ; p<.01 MDE =2.93 ; MSEN = 3.29), mais aussi de gérer leurs études avec leur vie quotidienne (F(2,614) = 9.44 ; p<.01 MDE =3.11 ; MSEN = 3.43) et leurs relations avec les autres étudiants (F(2,614) = 15.10 ; p<.01 ; MDE =3.30 ; MSEN = 3.75). Ces étudiants ont également plus de difficultés à vivre la pression et l’échec (F(2,614) = 21.06 ; p<.01 ; MDE =3.09 ; MSEN = 3.46) et les attentes personnelles (F(2,614) = 17.83 ; p<.01 ; MDE =3.08 ; MSEN =3.50
Les obstacles ressentis selon le genre
Dans les deux universités, cinq dimensions spécifiques sont marquées par des différences significatives selon le genre. Certains sont communes aux deux contextes, à savoir l’appropriation de la démarche scientifique universitaire, la gestion de la pression et de l’échec ainsi que la gestion du climat relationnel. Ainsi, les femmes rapportent systématiquement plus de difficultés que les hommes à acquérir l’appropriation de la démarche scientifique (UCLouvain : F(1,615) = 5.85 ; p<.05, Mf = 3.08 ; Mg =3.21 ; uB : F(2,614) = 8.10 ; p<.01 ; Mf = 3.04 ; Mg =3.28). Les femmes ont également particulièrement plus de difficultés à gérer le climat compétitif (uCLouvain : F(1,615) = 5.85 ; p<.05, Mf = 3.36 ; Mh =3.64 : uB : F(2,614) = 34.22 ; p<.01 ; Mf =3.31 ; Mh =3.59)) et la pression du monde universitaire (uCLouvain : F(1,615) = 31.76 ; p<.001 Mf = 2.78 ; Mh =3.06 ; uB : F(2,614) = 25.37 ; p<.01 ; Mf = 3.28 ; Mh =3.74).
Mais les deux universités ont aussi des différences genrées spécifiques. Ainsi, pour l’UCLouvain, les femmes rapportent systématiquement plus de difficultés que les hommes à justifier leur choix d’étude auprès de leur proche (F(1,615) = 6.47 ; p<.01, Mf = 3.95 ; Mh =4.11) ; à faire le lien entre le contenu de leurs études et leurs objectifs personnels (F(1,615) = 3.85 ; p<.05Mf = 3.31 ; Mh =3.40). Quant à l’uB, les obstacles apparaissent plus importants pour les femmes dans leurs activités d’études (F(2,614) = 7.04 ; p<.01 ; Mf =3.06 ; Mh =3.29) et dans les relations avec les enseignants (F(2,614) = 4.73 ; p<.01 ; Mf = 3.33 ; Mh 3.55).
Les obstacles ressentis selon l’environnement socioéconomique
Dans le cas de l’uB, un seul type d’obstacles apparaît variable selon le niveau socioéconomique : les relations avec les enseignants sont d’autant plus faciles que le niveau socioéconomique des étudiants est peu élevé (F(2,614) = 2.71 ; p .03 ; M0cad. =3.50 ; M1cad. = 3.24 ; M2cad. =3.13). En revanche, à l’UCLouvain, le niveau socioéconomique est associé à des différences significatives dans cinq dimensions, à savoir la relation avec les pairs, le climat relationnel, la gestion de la pression et surtout l’approche scientifique ainsi que l’organisation du quotidien. Ainsi les étudiants n’ayant pas de parents titulaires de diplôme universitaires ont plus de difficultés à gérer les relations avec les autres étudiants (F(2,614) = 2.97 ; p<.05 ; M0dip. =3.45 ; M1ou2dip. =3.65), à supporter la compétition (F(2,614) = 3.73 ; p<.05 ; M0dip. =3.38 ; M1ou2dip. =3.57), à gérer la pression universitaire (F(2,614) = 3.77 ; p<.05 ; M0dip. = 2.81 ; M1ou2dip. = 2.96) que les étudiants ayant un ou deux parents universitaires. Ils ont également particulièrement plus de difficultés à s’approprier l’approche scientifique universitaire (F(2,614) = 10.87 ; p<.001 ; M0dip. = 3.01 ; M1ou2dip. =3.30) et à combiner leur obligations personnelles avec leur obligations scolaires (F(2,614) = 9.88 ; p<.001, M0dip. = 3.07 ; M1ou2dip. =3.34). Notons finalement qu’un effet d’interaction significatif entre le genre et le niveau socioéconomique apparait pour les difficultés de relations avec les enseignants). En effet, les femmes dont aucun parent n’a de diplôme universitaire rapportent plus de difficultés que les autres à entrer en relation avec les enseignants (F(2,614) = 4.34 ; p<.05 ; Mf ;0dip. = 2.95 ; Mα. =3.30).
Les obstacles ressentis selon le passé scolaire
Concernant le passé scolaire des étudiants, il convient d’abord de relever que les néoarrivants se distinguent des autres étudiants de première année quant aux obstacles vécus à l’UCLouvain alors que ce n’est pas le cas à l’uB. À l’UCLouvain, les néoarrivants semblent avoir plus de facilités que les étudiants redoublant à gérer les activités d’études (F(2,614) = 6.04 ; p<.05 ; Mnon_néoB = 2.42 ; MnéoB =2.70) et la pression et les échecs (F(2,614) = 4.35 ; p<.05 ; Mnon_néoB = 2.70 ; MnéoB. =2.91). Un effet d’interaction significatif apparait également avec le genre concernant la relations avec les autres étudiants (F(2,614) = 5.53 ; p<.05). En effet, les femmes redoublantes montrent de plus grandes difficultés à gérer leurs relations avec les autres étudiants (Mf ;nn_néoB = 3.27 ; Mα. =3.75).
A l’UCLouvain, le passé scolaire de l’étudiant semble par contre peu lié au niveau de difficulté qu’il rapporte durant l’année puisque seuls des obstacles en termes d’appropriation du langage scientifique se retrouvent faiblement lié au passé scolaire (β =.11 ; p<.05). Ainsi au plus un étudiant aura été performant en secondaire, au plus il estime s’approprier le langage scientifique.
Dans le cas de l’uB, nature du diplôme de l’enseignement secondaire et niveau associé à ce diplôme via la mention au baccalauréat sont associés à une grande variété d’obstacles vécus par les étudiants. En effet, les étudiants des séries générales de l’enseignement secondaire vivent des obstacles sociaux plus importants que ce soit dans leurs relations avec leurs pairs (F(2,614) = 5.62 ; p .02 ; MG =3.52 ; MA =3.85) et avec les enseignants (F(2,614) = 4.30 ; p .04 ; MG =3.37 ; MA =3.63) mais aussi dans le climat relationnel (F(2,614) = 5.62 ; p .02 ; MG =3.42 ; MA =3.69). Par contre, ces étudiants sont moins en difficultés lorsqu’il s’agit de s’approprier le langage scientifique universitaire (F(2,614) = 4.73 ; p<.01 ; MG =3.20 MA = 2.90). Ces difficultés dans l’appropriation de langage spécifique aux études universitaires est aussi moins important pour les étudiants arrivant à l’université avec une mention au baccalauréat (F(2,614) = 6.87 ; p<.01 ; MMENTION =3.24 ; M0MENTION =3.02). Mais ces étudiants les plus brillants dans leurs études secondaires sont en revanche plus en difficultés dans leurs relations avec les autres étudiants (F(2,614) = 8.07 ; p<.01 ; MMENTION =3.45 ; M0MENTION =3.77).
Les obstacles ressentis selon le choix de la formation
Les analyses concernant la qualité du processus de choix de formation ont montré un effet significatif positif sur les obstacles en termes de justification du choix et d’attentes personnelles pour l’UCLouvain. Plus l’étudiant aura consulté un nombre de sources importants pour poser son choix de formation, plus il justifie facilement son choix de formation auprès de ses proches (β =.16 ; p<.01). Dans le même ordre d’idée, il aura également plus de facilités à faire le lien entre le contenu de ses études et ses objectifs personnels et professionnels (β =.27 ; p<.001). Notons également qu’un étudiant issu d’un milieu socioéconomique plus élevé aura également tendance à consulter davantage de sources d’information pour réaliser son choix de formation (β =.11 ; p<.05). A l’uB, les obstacles liés aux attentes des étudiants dans la formation apparaissent moins importants pour les étudiants dont la formation de première année universitaire correspond à leur premier de choix de formation dès la fin de l’enseignement secondaire : (F(2,614) = 3.82 ; p .05 ; M1erchoix =3.40 ; Mhors1er choix =3.18).
Les obstacles ressentis selon la participation à un dispositif de soutien
Pour l’UCLouvain, aucune différence significative n’a pu être identifiée entre les étudiants ayant participer ou non à un dispositif de soutien. En revanche dans le cas de l’uB les obstacles ressentis par les étudiants ne sont pas identiques selon qu’ils aient bénéficier ou non du dispositif « oui-si ». Ainsi, les étudiants intégrés dans ce dispositif durant toute l’année universitaire ressentent moins de pression et ont moins peur de l’échec (F(2,614) = 12.11 ; p<.01 ; Maide =3.63 ; Mhors aide =3.23) et ils vivent plus facilement le travail à réaliser pour leurs études (F(2,614) = 4.88 ; p .03 ; Maide =3.29 ; Mhors aide =3.09). Ils sont également plus à l’aise dans le domaine social (relations avec les pairs : F(2,614) = 6.97 ; p<.01 Maide =3.80 ; climat scolaire : F(2,614) = 10.85 ; p<.01 ; Maide =3.69 ; Mhorsaide =3.37). Ces ressentis différenciés entre les étudiants ayant bénéficié ou non du dispositif « oui-si » ne sont pas associés à des différences en termes de passé scolaire, excepté pour les étudiants sortant de l’enseignement secondaire avec une mention.
Discussion
Cet essai de comparaison entre deux universités des systèmes universitaires différents sur les obstacles vécus par les étudiants permet de montrer des convergences et des divergences. Il ne montre pas un schéma simple et unique de ces obstacles, chaque université ayant ses propres spécificités.
Similitudes dans les deux universités
Dans les deux universités étudiées, des similitudes peuvent être pointées.
Premièrement, la structure même des difficultés vécues par les étudiants semblent similaires pour les deux universités, la taxonomie théorique développée par Trautwein et Bosse (2017) se vérifiant tant dans le contexte belge que français. Ceci nous permet de montrer que cette taxonomie pourrait s’appliquer largement à une grande diversité de contextes universitaires et pourraient donc servir de cadre d’analyse dans d’autres pays que la Belgique, la France ou l’Allemagne.
Ensuite, les résultats montrent que les étudiantes sont identifiées comme un public à risque dans les deux contextes, essentiellement sur la gestion de la compétition et de la pression des études. Ces constats trouvent un écho dans la littérature sur les effets de genre tendant à montrer que, bien que plus motivées, les étudiantes auront tendance à avoir moins confiance dans leurs capacités et à se sous évaluer sur les dimensions académiques (Litalien, Gillet, Gagné, Ratelle et Morin, 2019).
De plus, la qualité du processus du choix de la formation à l’UClouvain d’une part et, le fait que la formation soit le premier choix de formation à l’uB d’autre part, s’accompagnent de plus de facilités à faire le lien entre le contenu de ses études et ses objectifs personnels. Ceci permet aussi de mieux justifier son choix mais n’apparaît pas avoir d’effets sur les difficultés d’une autre nature. Ces résultats sont en concordance avec les recherches menées sur le processus de choix et l’importance de ce dernier pour gérer le caractère motivationnel de la transition universitaire (Germeijs, Luyckx, Notelaers, Goossens et Verschueren, 2012).
Enfin, le passé scolaire apparait dans les deux universités comme un facilitateur important de l’acquisition du langage et de la démarche scientifique montrant l’importance de la préparation scolaire à l’entrée de l’université. L’effet sur l’appropriation de l’approche scientifique est en accord avec les nombreuses recherches démontrant l’importance des performances passées dans la réussite universitaire (pour une revue, voir Dupont et al., 2016).
De nombreuses différences de contexte
Au-delà des similitudes permettant d’identifier des prédicteurs transversaux aux deux universités, un ensemble de différences apparaissent également.
Tout d’abord, le secteur d’étude est un facteur de différenciation important entre les universités. Le cas français nous montre un niveau de difficulté moins important pour les étudiants issus du secteur des sciences exactes et naturelles sur un grand nombre d’obstacles de contenu, personnels et sociaux. Le cas belge est plus nuancé montrant également moins de difficultés des étudiants de ce secteur pour l’approche scientifique mais plus de difficultés au niveau organisationnel. De plus, l’université belge met également d’autres secteurs tel que celui de la psychologie comme des contextes facilitateurs. Nous pourrions donc ici postuler que l’université belge retenue dans cette étude montre une plus grande variabilité des conditions de transition entre les secteurs que l’université française étudiée dans cet article. Si nous nous rattachons au modèle théorique des trois niveaux d’analyse de la transition universitaire (Mountford-Zimdars et al., 2018) nous pourrions alors inférer une plus grande diversité au niveau méso pour cette université belge, sans toutefois rattacher ce point à une spécificité générale des universités belges comparativement aux universités françaises. En effet, aucune de ces deux universités ne peut prétendre être représentative des universités de son pays.
Quant au genre, si des similitudes existent, des spécificités dans les obstacles de contenu sont identifiées : l’UCLouvain note plus de difficultés dans les attentes personnelles alors que l’uB souligne plus de difficultés au niveau de l’approche scientifique des études de première année de la formation.
Plusieurs différences apparaissent concernant l’effet de niveau socioéconomique. Concernant les obstacles sociaux, l’étude montre une spécificité de cette université française de Bourgogne dans les relations avec les étudiants, ces relations étant plus faciles pour les étudiants d’un milieu socioéconomique moins élevé. Dans le cas de l’université francophone belge étudiée, cet effet est opposé et s’accompagne d’un effet positif sur la capacité à gérer le climat relationnel. De plus, les résultats belges montrent plus de difficultés sur d’autres dimensions telles que l’approche scientifique, l’organisation du quotidien ou la gestion de la pression. Ces résultats corroborent les propos de plusieurs auteurs qui affirment que les étudiants issus d’un milieu plus modeste auraient plus de difficultés à se familiariser avec le cadre social et académique de l’université dans le cas belge (Dupont et al., 2016 ; Rodríguez-Hernández, Cascallar et Kyndt, 2020). Néanmoins, le cas français tend à montrer un effet inverse, les étudiants issus des milieux les plus favorisés tendraient à rencontrer plus de difficultés dans leurs relations avec les enseignants. Notons également que les étudiants belges issus de milieu modeste montreraient plus de difficultés à organiser leur quotidien alors que du côté français, une sensibilité plus grande apparaitrait dans l’acquisition des règles et codes universitaires.
Alors que le passé scolaire est associé à la capacité à se familiariser avec l’approche scientifique dans les deux universités, il est également associé aux obstacles sociaux à l’uB. Le plus surprenant est que les étudiants issus d’un passé scolaire plus brillant semblent présenter plus de difficultés sociales dans l’université française. Les étudiants issus d’une filière générale auraient généralement plus de difficultés avec l’ensemble des obstacles sociaux. Ce résultat surprenant mériterait également de plus amples investigations.
Finalement, Les deux universités se distinguent par l’importance du bénéfice qu’apporte les dispositifs de soutien. L’UCLouvain ne montre pas d’effet de la participation à des dispositifs de soutien alors que des différences significatives sont apparues dans l’université française étudiée. Le dispositif « oui-si » destiné aux étudiants auxquels est recommandé de suivre un parcours adapté de remise à niveau semble avoir facilité la gestion de la relation avec les autres étudiants, du climat relationnel, des activités d’études et de la pression. Ces résultats positifs pour l’université française restent interpellants pour l’université belge et mériteraient d’être plus amplement analysés dans de prochaines études. Une piste d’explication peut être cependant trouvée dans la nature de l’organisation de l’aide à la réussite dans l’université belge. Les dispositifs de soutien proposés aux étudiants varient fortement d’un secteur à l’autre et leur participation et totalement volontaire. Le fait de participer à au moins un dispositif d’aide ne nous donne donc aucune information sur la nature des dispositifs concernés ni sur le nombre de dispositifs suivi par l’étudiant. De plus, d’un étudiant à l’autre la configuration varierait fortement ce qui peut également expliquer pourquoi aucun effet global n’a pu être identifié.
Les limites de la recherche
Bien évidemment, ces deux universités ne sont pas représentatives des systèmes universitaires de leur pays respectif. Le pari de cette recherche a été de produire une analyse comparative à partir de deux cas, en se basant sur une approche quantitative menée sur deux échantillons dont les résultats sont comparés.
Ce premier essai de comparaison des obstacles à la transition universitaire dans deux universités de deux contextes universitaires différents a tenté d’adopter un questionnement identique. Une précédente étude (Van Meenen, De Clercq, De Viron et Frenay, 2021) a déjà montré les aménagements nécessaires pour recourir à une taxonomie produite dans un autre pays. Ici, le recours à certaines dimensions relatives aux caractéristiques d’entrée des étudiants a été mené selon les normes habituelles de questionnement et/ou de collecte d’informations dans chaque université. A cet égard, l’homogénéisation de cette collecte reste à réaliser et à tester pour limiter les différences liées au recours à des informations différentes. Mais encore, la qualification du passé scolaire des étudiants est très différente d’un système éducatif à un autre. Dans le cas français, la mention obtenue au baccalauréat peut être considérée comme une donnée objective compte tenu du caractère national de l’évaluation lors du baccalauréat et parce qu’elles ont été ici collectées via le système des inscriptions à l’université. Les points obtenus dans l’enseignement secondaire dans le cas belge n’ont pas la même signification parce que ces points sont dépendants de chaque établissement d’enseignement secondaire et parce que peu d’établissements de l’enseignement secondaire belge francophone mentionne une moyenne générale mais fournissent des moyennes par discipline qui sont ici rapportés par les étudiants dans le questionnaire (donnée subjective). Le niveau socioéconomique des étudiants a lui aussi été rapporté de manière différente dans les deux universités avec une information liée au niveau de diplôme des parents dans le cas belge et à la profession exercée par les parents dans le cas français. Ces deux informations sont des informations données par les étudiants mais elles ont été données pour le système d’inscription dans le cas de l’uB et pour un questionnaire spécifique dans le cas de l’UCLouvain. Cette différence est susceptible de constituer un biais non pris en compte dans cette recherche.
Conclusion
Cette collaboration entre chercheurs d’universités de deux pays différents permet de conforter de nouveau la taxonomie établie par les collègues allemands (Trautwein et Bosse, 2017). Cette taxonomie devient ainsi encore plus une piste intéressante à explorer pour renouveler la réflexion sur la transition de l’enseignement secondaire à l’université et mériterait d’être testée dans d’autres universités moyennant des aménagements marginaux ayant trait aux particularités de chaque système local et national d’enseignement supérieur. L’une des perspectives de cette recherche ayant montré l’intérêt d’intégrer les points de vue étudiants est désormais d’être appliquée à d’autres contextes pour éprouver notamment les constats relatifs au sentiment d’estime de soi afin d’en estimer une possible universalité.
Il devient ainsi maintenant important d’étudier ces obstacles à la réussite vécus par les étudiants dans d’autres contextes universitaires pour savoir si ces convergences sont largement partagées. Mais surtout, les spécificités pointées pour chaque université étudiée réinterrogent sur les effets des contextes universitaires tels que mis en avant par Mountford-Zimdars et ses collègues (2015). Plus encore, ces différences entre deux contextes universitaires nous invitent à nous interroger sur la pertinence de recourir à des recherches réalisées dans d’autres contextes universitaires pour conduire une politique d’aide à la réussite étudiante locale, alors que la recherche sur la réussite étudiante produit encore peu de comparaisons internationales dans ce domaine, ni même des comparaisons inter-universités dans un même pays (Coertjens, Brahm, Trautwein et Lindblom-Ylänne, 2017). Quels seraient les éléments transversaux du processus de transition universitaire et quels seraient les éléments spécifiques aux contextes éducatifs ?
Si la taille de ces universités apparait presque comparable en raison de leur caractère pluridisciplinaire et multisites avec des effectifs étudiants de même ordre et des formations allant du premier eu 3ème cycle, nombre d’autres dimensions invitent à la prudence dans les comparaisons notamment eu égard au marché universitaire dans lequel s’insèrent ces deux universités. Il n’est pas raisonnable de tirer d’ores et déjà des conclusions générales sur les obstacles vécus par les étudiants entrant à l’université sur les seules conclusions de cette recherche exploratoire. Mais cette recherche exploratoire a le mérite de mettre en évidence la variété des expériences de transition permettant de réfuter l’existence d’une transition universitaire prototypique.
L’une des perspectives stimulantes de cette recherche est désormais de s’atteler à mettre en regard les différents obstacles perçus par les étudiants avec des informations sur leur persévérance et leur réussite académique. Les résultats pourraient constituer un instrument nouveau dans la recherche des facteurs de la réussite universitaire et constituer des outils de réflexion nouveaux pour les équipes pédagogiques chargées de l’accompagnement des étudiants dans les universités, et ainsi de fournir des pistes d’actions pour faciliter cette transition pour un public étudiant de plus en plus hétérogène (Winstone et Hulme, 2019). Cet axe de réflexion sur les liens entre obstacles perçus /réussite académique apparaît essentiel car les résultats de cet article éclairent d’une manière nouvelle la transition secondaire/supérieure en mettant en exergue des obstacles académiques perçus de manière différente par les étudiants. Cette différence de perception des difficultés est source d’inégalités dans les conditions d’études des étudiants, au-delà des conditions de vie traditionnellement mises en avant dans la littérature (travail étudiant, ressources économiques et sociales…). Tous les étudiants ne sont ainsi pas égaux face aux obstacles académiques.
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Référence électronique
Mikaël De Clercq et Cathy Perret, « Étude exploratoire des obstacles à la transition universitaire selon le vécu d’étudiants français et belges », Éducation et socialisation [En ligne], 58 | 2020, mis en ligne le 30 décembre 2020, consulté le 31 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/edso/13276 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.13276
Mikaël De Clercq IPSY-Girsef-LLL, université catholique de Louvain, mikael.declercq@uclouvain.be
Cathy Perret CIPE/IREDU, université de Bourgogne Franche-Comté, cathy.perret@u-bourgogne.fr
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