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Le paradoxe des MOOC : cheval de Troie et vecteur d’éviction… ou innovation de rupture ?

Un article repris de http://theconversation.com/le-parad...

Dans l’acronyme MOOC, « chaque lettre peut-être discutée ». Mathieu Plourde/Flickr, CC BY

On dénombre aujourd’hui environ 1 million de cours sous forme de MOOC, dont l’immense majorité (environ 80 %) aux États-Unis. Cependant, l’enjeu de démocratisation culturelle doit être revu avec modestie : les deux tiers des participants à des MOOC sont titulaires d’un diplôme de licence et la moyenne d’âge est de 28 ans.

Les MOOC ont-ils un avenir ? Trois paradoxes se profilent.

Le paradoxe du modèle pédagogique : karaoké numérique ?

La pédagogie sous forme numérique repose sur un modèle de transmission des connaissances très traditionnel, et presque obsolète : l’étudiant confronte, que ce soit en amphithéâtre ou devant son écran, un professeur qui, parfois, a tendance à adopter le mode karaoké. Il lit son polycopié ou ses diapositives PTT.

Pour enrichir le MOOC, il faut combiner de manière optimale présentiel et distanciel, c’est-à-dire mixer deux modèles pédagogiques aux antipodes l’un de l’autre. Cela suppose un accompagnement des étudiants sous forme de « classes inversées » et de coaching, ce qui impacte sur le business model et donc sur la rentabilité du MOOC.

Ce paradoxe du modèle pédagogique est renforcé par celui de la finalité du MOOC : plusieurs études et sondages montrent que l’objectif principal du MOOC n’est pas l’amélioration de la qualité pédagogique et de sa transmission mais plutôt l’image de marque et la notoriété de l’institution. L’innovation elle-même ne représente que 38 % des motivations contre 65 % pour dynamiser le recrutement.

Le paradoxe de la rentabilité : business model très incertain

Comme observé par Yuan et Powell, ce processus d’innovation disruptive consiste à faire basculer le coût de l’éducation des étudiants vers les institutions académiques et les employeurs.

Or, construire un MOOC est onéreux car il requiert un investissement humain important. Le retour sur investissement difficile à mesurer car le coût d’un MOOC est proportionnel à sa complexité et à sa sophistication technique. Il dépend aussi de son mode de création, soit en interne, soit externalisée. Il dépend enfin d’économies d’échelle, si l’institution les multiplie, de son modèle payant ou lucratif, et enfin de sa capacité à résister au temps.

Le paradoxe de la rentabilité d’un MOOC provient d’un modèle qui vise aux économies d’échelle via un cours enregistré pour une population a priori sans limites, alors qu’il exige un investissement en temps et en matériel substantiel. Un exemple de MOOC « premium » est celui lancé par SKEMA en 2011 sur le thème des enjeux de la globalisation et qui rassemble aujourd’hui plus de 7100 participants : il combine présentiel et distanciel, et est adossé à une large équipe de professeurs, de techniciens, d’assistants et d’animateurs qui assurent un suivi personnalisé à plusieurs centaines de groupes d’étudiants, le tout sur la plateforme américaine UDEMY.

Au total, l’ambition de rentabilité dépend à la fois de l’envergure du MOOC et de la définition de la rentabilité pour l’institution. De fait, un MOOC a aussi vocation à devenir un outil de communication en donnant à l’école ou l’université une visibilité internationale, grâce aux plateformes numériques. Étant public, le MOOC est alors un véritable levier de notoriété pour le marketing de l’école. Le MOOC de Skema valorise l’école bien au-delà de son périmètre académique, en particulier auprès du secteur corporate national et international. La rentabilité à court terme n’est pas validée par l’observation : selon le rapport de Columbia University, « Il y a peu d’évidence pour conclure que les MOOC soient un vecteur rentable de transmission pédagogique de bon niveau ».

Le paradoxe de l’inflation des MOOC dans un marché globalisé et hypercompétitif

L’alliance de la pédagogie avec le numérique produit donc des cours en ligne. Ce nouveau modèle pédagogique connaît une progression exponentielle. L’émergence des MOOC conduirait alors à augmenter le nombre d’acteurs dans le domaine de l’éducation à distance car universités, écoles et entreprises privées seraient en compétition pour entrer sur ce marché potentiellement très lucratif.

En fait, en examinant le business model des MOOC la conclusion inverse peut être formulée : dans un environnement globalisé de plus en plus compétitif, les MOOC sont « un outil d’éviction » à terme des institutions académiques les moins performantes et les moins capitalisées. Ils sont une sorte de « cheval de Troie » dans le monde de l’éducation et vont générer un processus de concentration.

Ce paradoxe tient précisément aux deux précédents : le MOOC est peu rentable, en tous cas à court terme, et n’est pas un vecteur de transmission pédagogique satisfaisant, en tous cas en sciences sociales, à moins d’être réintégré dans un dispositif traditionnel, dont il n’est alors qu’un complément.

Seules les institutions les plus prestigieuses ont vocation à en générer les avantages pour augmenter leur part de marché. Au contraire d’un vecteur de démocratisation de l’éducation dans un système économicopédagogique globalisé, les MOOC peuvent devenir un cheval de Troie dans le marché de l’enseignement supérieur et de la formation exécutive.

Se dessinerait ainsi un processus d’éviction et de concentration des parts de marché avec de puissantes holdings de l’éducation qui résistent aux défis d’un business model complexe. Les MOOC offrent alors une opportunité de refonder le modèle pédagogique en tirant profit des nouvelles technologies pour les intégrer à des interactions innovantes et motivantes telles que les « classes inversées ».

Plus que jamais, le professeur reste au cœur de l’enjeu pédagogique, bénéficiant de nouveaux moyens technologiques pour transformer l’information en acquisition de connaissances.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.

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