Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

Une initiative de l'Institut Mines-Télécom avec un réseau de partenaires

Connecteur de l’innovation, un nouveau premier rôle

Un article repris de http://theconversation.com/connecte...

Incubateur d’entreprise de l’École polytechnique. Bâtiment entrepreneuriat et innovation, l’accélérateur X-Up. Ecole polytechnique, Université Paris-Saclay, CC BY-SA

Les études et rapports, en France, sur le faible taux de transformation des résultats de la recherche académique en réalité économique, ne se comptent plus.

Quinze ans de politique en faveur de l’innovation

De nombreuses initiatives ont été engagées depuis 15 ans, en particulier les dispositions de la loi sur l’innovation et la recherche qui, en 1999, a donné un cadre administratif pour favoriser le transfert des technologies développées dans les laboratoires de recherche académique vers le monde socio-économique.

Les Pôles de compétitivité.

À la suite de cette décision, une génération d’incubateurs publics est apparue et actuellement 28 d’entre eux exercent leur activité. Mais avant cette date, des initiatives intéressantes avaient aussi été lancées dès les années 1980, en particulier celle des CRITT, ces Centres Régionaux d’Innovation et de Transfert de Technologies.

En 2005 apparaissent les Pôles de Compétitivité avec pour mission de faire l’ingénierie de projets réunissant recherche publique et privée.

Enfin, en 2011 ce sont les SATT (Sociétés d’Accélération de Transfert de Technologies) qui naissent dans le cadre du Programme des Investissements d’Avenir. Actuellement, le territoire national est en grande partie couvert par 14 SATT dont les actionnaires sont exclusivement les établissements d’Enseignement Supérieur et de Recherche et les Organismes de Recherche.

Carte des SATT.

Enseigner l’agilité entrepreneuriale

Cependant, le développement d’une innovation à partir d’un concept a largement évolué ces 15 dernières années. À une vision dominée par un processus linéaire, permettant la transformation d’une idée en produit, procédé ou service innovant, s’est substitué un processus itératif où les premières étapes consistent à acquérir une très fine compréhension des attentes, usages et expériences des futurs utilisateurs.

Dans un tel processus, il est fréquent de changer d’application et/ou de modèle économique (la « licorne » BlaBlaCar a changé cinq fois de modèle économique avant de trouver la bonne formule) et la notion même de projet perd de sa consistance car celui-ci se construit pas à pas et sa trajectoire n’est donc pas prédéfinie.

Cette agilité ne s’inscrit encore, malheureusement, que marginalement dans les parcours de formation à l’entrepreneuriat des étudiants du supérieur, même si des initiatives se multiplient actuellement à l’université Paris-Saclay, telles que celles expérimentées à L’Institut Mines Telecom, L’École Polytechnique, L’Institut Optique Graduate School (IOGS) et HEC.

En effet, ce sont majoritairement des méthodes de management de projets qui sont appliquées pour la construction de la future start-up et l’application de ces méthodes requiert d’avoir défini un objectif à atteindre pour dérouler les différentes phases de cette construction.

Cependant, ces méthodes sont largement inadaptées dès lors qu’il n’y a pas de « cible » identifiée, ce qui est majoritairement le cas de projets de valorisation de résultats de recherche vers la création des start-up.

De l’incubateur à l’accélérateur

De nombreux dispositifs n’ont pas su s’adapter à cette agilité et configurer leur réponse aux évolutions rapides d’un monde de plus en plus incertain.

Ainsi, les dispositifs d’incubation classique, dont le principe est de financer les études technico-économiques nécessaires avant de « lâcher » le porteur de projet dans le monde réel, ont un modèle d’accompagnement qui n’est plus adapté aux exigences d’agilité dans un environnement incertain.

Le résultat du « cocooning » excessif a été la formation de milliers d’entrepreneurs à la dimension théorique de l’entrepreneuriat mais pas à la connaissance des attentes, usages et expériences des futurs utilisateurs de leurs innovations. Et cette inadaptation est d’autant plus grande que le projet en question s’inscrit dans un schéma de rupture par rapport aux solutions existantes.

Aujourd’hui, c’est le concept d’accélérateur qui domine. Mais, ici aussi, il faut être attentif à ne pas isoler ce dispositif de tout son écosystème. Car, plus que la qualité de chacun des dispositifs, c’est leur interaction réciproque qui constitue la valeur ajoutée d’un écosystème ou – dit autrement – sa fertilité.

Session de rencontre mentors-connecteurs à l’incubateur Le Camping en 2011. Le Camping/Flickr, CC BY

Du mentor au connecteur

Si dans les accélérateurs, l’accent est fortement mis sur le mentorat, on oublie qu’à côté de la capacité à accompagner un jeune entrepreneur, c’est la capacité à lui ouvrir un portefeuille de relations et à l’y introduire qui constitue l’atout majeur.

Ce nouveau métier de « connecteur » va donc occuper une place dominante dans les nouveaux standards de la création d’entreprise innovante. Il consiste à accélérer les interactions entre acteurs d’un écosystème sur la base d’un projet. Le choix des acteurs « connectés » n’est pas fait au hasard car il faut que la fréquence d’interaction soit élevée pour confirmer l’intérêt du projet et la première application vers laquelle orienter le projet.

Ici, le facteur temps devient un paramètre majeur de la construction du projet. La fréquence d’interaction entre acteurs d’un écosystème – tel que celui de l’Université Paris-Saclay – est donc déterminante, en particulier dès lors que le sujet concerne une création d’entreprise innovante.

Or, dans ce schéma d’écosystème fertile, trois attentes cohabitent :

  • le monde académique institutionnel avec sa propre lecture du monde, de la recherche et de l’enseignement ;

  • le monde industriel, attentif voire inquiet de ces nouveaux modèles économiques qui portent les innovations foudroyantes susceptibles de bousculer leur propre modèle. Le problème actuel pour ces acteurs est de recruter des talents et de faire cohabiter des populations créatives qui ont des attentes nouvelles (sens, partage, utilité sociale, ouverture, autonomie…) avec les populations plus anciennes, garantes des valeurs et processus qui déterminent l’identité de leur entreprise mais qui paradoxalement stérilisent l’émergence et le développement internes d’innovation de rupture ;

  • le monde des étudiants qui, de plus en plus nombreux, s’orientent vers des parcours professionnels autonomes, par exemple vers l’entrepreneuriat.

Ce que connecter veut dire

Dans ce contexte complexe, le rôle de connecteur, tel que celui de l’Université Paris-Saclay, est primordial : ses équipes mettent en relation laboratoires et entreprises, start-up et chercheurs, étudiants en business et scientifiques…

Connecter : c’est l’un des plus grands challenges pour l’Université Paris-Saclay dans les années à venir car à côté – ou plutôt avec – les formations hyper normalisées qui constituent son excellence – il est impératif de déployer à grande échelle cette connectivité entre les différentes communautés pour libérer la créativité et l’esprit d’entreprendre.

Plus encore. Il devient nécessaire de placer les valeurs humaines au cœur du processus entrepreneurial : confiance, bienveillance, ouverture aux autres, empathie, ce sont bien ces valeurs dont témoignent les entrepreneurs qui décrivent l’expérience start-up comme une aventure dédiée à la quête de sens, à la réalisation de soi, à la diffusion de ses rêves et comme un lieu de partage au-delà de frontières physiques et humaines.

Cette conjugaison d’une dimension humaine et d’une dimension économique n’est pas incompatible, ils sont les piliers fondamentaux structurants de la société humaine et économique de demain. Et sur ce dernier plan – économique – les start-up d’aujourd’hui sont le témoignage vivant que ces valeurs de partage et de confiance peuvent bien être conjuguées ensembles dans de nouveaux business modèles.
Elles sont la base d’une nouvelle économie qui n’est pas une économie fondée exclusivement sur l’échange d’argent ou de biens ou d’informations ou d’énergie mais sur le partage.

En effet, le partage de ces valeurs va constituer le fondement d’une nouvelle société dont la prospérité ne se mesurera pas à l’aune du pouvoir d’achat ou de la production de biens de consommation mais à l’aptitude à partager ces valeurs.

The Conversation

Pierre Gohar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.

Licence : CC by-nc-nd

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