Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

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Le guide de l’animateur, une heure par semaine pour animer une grande communauté ; 3 conseils pour faire échouer votre groupe !

19 août 2016 par Cornu Veille 1923 visites 1 commentaire

A l’occasion de la publication du guide par FyP éditions, un ouvrage dont "Innovation Pédagogique" vous recommande vivement la lecture, voici, en guise d’introduction : 3 conseils pour faire échouer votre groupe !

Jean Michel Cornu au Forum des usages 2016, Brest

Un texte repris de l’édition spéciale diffusée au 7éme Forum des usages coopératifs, sous Licence cc by sa 4.0

Diangalma nappa Mo Guene. Ngua maye dieume beuss bouné
version Wolof d’un proverbe chinois 1 bien connu :
“Apprends-moi à pêcher pour avoir du poisson chaque jour”

Exercice de coopération aux rencontres Moustic 2015 à Montpellier

En guise d’introduction : 3 conseils pour faire échouer votre groupe

Allez, c’est parti !

Je vous propose un voyage. Au fil de différents épisodes, nous allons explorer ensemble diverses facettes de la coopération et de l’animation de groupe. Nous chercherons à comprendre ce qui se passe dans ce drôle d’être collectif qu’est une communauté, mais aussi à voir comment agir et quelles compétences acquérir.

Si un groupe est un ensemble de plus de deux personnes (à deux il s’agit plutôt d’un échange interindividuel), nous appellerons communauté, un groupe qui rassemble le plus grand nombre possible de personnes autour d’un territoire ou d’une thématique commune et avec son identité propre. Nous appellerons projet collectif (ou parfois groupe de travail) un groupe, souvent plus réduit qui produit quelque chose souvent pour bien d’autres personnes et parfois même pour le bien commun. Il n’est pas toujours facile d’avoir à la fois un groupe le plus grand possible et qui travaille sur un même projet sur une durée longue, sauf à décomposer l’objectif initial en projets plus petits. De plus, nous souhaitons aller plus loin que le “community management” qui anime et fédère “ des communautés sur internet pour le compte d’une société, d’une célébrité ou d’une institution ”. Ici nous parlerons de grandes communauté [1] pas forcément virtuelles, mais surtout d’ échanges ENTRE les membres, d’entraide et aussi de faciliter le développement de projets collectifs et collaboratifs.

Nous participons tous à des groupes, associatifs ou professionnels, mais aussi familiaux, amicaux, sportifs… Parfois même nous aidons à les organiser et à les animer. Mais sans savoir comment le faire, nous y passons beaucoup de temps avec parfois de bien faibles résultats. L’arrivée de l’internet a permis de rendre plus facile certaines tâches, mais même les communautés dites “virtuelles” sont constituées d’être humains réels. Les communautés plus locales se réunissent plus facilement, mais tireront avantage de nouveaux outils pour prolonger les échanges entre les rencontres ou avec ses membres plus éloignés. Quoi qu’il en soit, avec les méthodes que vous trouverez dans cet ouvrage, vous serez armés pour organiser et animer de grandes communautés actives.... sans y passer trop de temps.

Pour en savoir plus : la coopération, une aventure collective

De nouvelles méthodes d’animation en présentiel et en ligne se sont développées depuis une quinzaine d’années, qui permettent de tenir la distance sur le long terme dans l’animation de grands groupes. Elles sont issues de l’émergence des grands projets de logiciels libres dans les années 1990. A posteriori, il a été possible d’en tirer des règles pour reproduire, ce qui peu de temps encore auparavant, semblait impossible [2].

Cela explique que le domaine du logiciel libre soit, encore aujourd’hui, particulièrement actif sur l’animation de communautés. [3]

Peu de temps après, j’ai cherché à en extraire des méthodes qui soient indépendantes du développement logiciel et même indépendantes de l’internet [4]. Petit à petit, s’est développé une “approche francophone de la coopération” [5].

Le guide de l’animateur pour développer des projets collaboratifs et des grandes communautés avec tout le monde, en ne se limitant pas forcément aux militants.

Ces méthodes s’appuient sur un grand nombre d’expériences et de mises en oeuvre depuis quinze ans. C’est le cas en particulier depuis 2010, avec le développement de l’écosystème Coopgroup.org, initié à l’origine au sein de l’association Imagination for People, et qui rassemble une trentaine de communautés d’innovateurs sociaux dans le monde. Les méthodes développées se basent également sur les progrès récents dans plusieurs domaines scientifiques : neurosciences, sciences cognitives, anthropologie, psychologie, théorie des jeux…

Plus récemment se sont développés des échanges avec les approches anglophones (en particulier sur le développement d’indicateurs d’activité et de coopération) et avec le monde hispanophone (qui, en particulier avec les mouvements des indignés, à développé un grand savoir faire sur les groupes militants).

C’est l’ensemble de ces expériences et ces connaissances accumulées depuis plus de quinze ans que j’ai cherché à rassembler dans ce guide pratique pour les partager avec vous.

Comment profiter de ce guide ?

Ce guide est un véritable manuel pratique qui a pour but de vous rendre le plus autonome possible , vous et quelques personnes, pour animer une grande communauté active. Vous pouvez le lire bien sûr, mais pour réellement en profiter, prenez des notes et faites les exercices individuels et collectifs proposés ainsi que les questionnaires et les tâches résumées dans les encadrés “à faire” . Vous trouverez également au fil des pages des exemples et des encadrés “le courrier de l’animateur” avec des questions/réponses. Si vous souhaitez aller plus loin, lisez les encadrés “pour en savoir plus” et même suivez les liens et les références donnés en notes de bas de page. Enfin quelques encadrés “pour faire avancer les choses” qui s’adressent à ceux qui développent des outils ou des méthodes, proposent quelques pistes pour imaginer l’avenir et ainsi rendre plus facile l’animation de grandes communautés.

Pour profiter totalement de votre lecture , je vous propose de faire deux choses :

  • Tout d’abord conservez précieusement une copie de la carte proposée dans le
    prochain chapitre . Elle vous permettra d’avoir une vue d’ensemble et de [6] ne rien oublier ;
  • Ensuite, après chaque partie, prenez un peu de temps pour noter ce qui vous a le plus étonné, intéressé, intrigué. Ce “ rapport d’étonnement ” n’a pas besoin d’être complet, inscrivez-y juste deux ou trois choses qui vous ont frappé. Vous pouvez le faire sur un document personnel, ou mieux le partager sur un document collectif avec vos amis. Pour nous mettre dans le bain, considérons trois erreurs assez fréquentes .

Première erreur : tout le monde coopère... surtout moi [7]

Bien sûr, la majorité des personnes souhaitent coopérer “a priori”. C’est du moins ce que l’on désire, le plus souvent… lorsque nous sommes conscients. Je vous propose un petit exercice qui peut être parfois assez difficile, car nous avons tendance à oublier les moments qui ne correspondent pas à l’image que nous souhaitons de nous : vous rappelez vous au moins une fois où, face à une demande, vous n’avez pas “joué le jeu” ? (par exemple, vous auriez pu donner un coup de main mais vous vous êtes défilés).

Si vous ne trouvez pas, essayez de faire le même exercice sur n’importe quelle personne de votre entourage. Si vous arrivez à trouver pour tous les autres, c’est probablement que cela a dû vous arriver à vous également… Au lieu de nous lamenter sur ceux qui ne coopèrent pas, nous pourrions plutôt chercher les conditions qui maximisent le nombre de participants (y compris vous et moi) et considérer que plusieurs ne coopèrent pas.

Deuxième erreur : tout le monde a du temps

Deuxième question, pouvez-vous me citer au moins un groupe dont vous faites partie (professionnel, familial, sportif, amical…) dans le quel vous êtes plutôt actif (allez, il y en a bien un…) ? Et pouvez-vous me citer un autre groupe dans lequel vous êtes inactif (il y en a certainement un également) ? Cela signifie que vous n’êtes pas toujours actif ou passif, mais que vous faites un calcul souvent inconscient pour répartir votre temps et votre attention… ce que vous avez de plus rare.

Dans une époque aussi chargée que la nôtre, animer un groupe revient souvent à animer un ensemble de personnes qui n’ont pas le temps… avec des personnes qui n’ont pas le temps ! Les militants et parfois ceux qui sont payés pour une tâche sont prêts en général à passer du temps, mais cela ne vaut que pour un nombre très restreint des groupes ou des équipes dont ils font partie… Notre temps est tendu, mais pas très élastique !

Troisième erreur : J’ai trouvé LA solution

Imaginez que, au sein d’ un groupe ni vous ni la plupart des autres membres du groupe n’ont le temps. Plutôt que de vous lamenter ou d’essayer de forcer chacun à contribuer, vous essayez non seulement d’encourager la participation, mais également d’organiser votre groupe pour qu’il puisse être actif même si à un moment donné le nombre de participants qui réagit est faible.

Super idée ! Mais il y a un hic… Focalisé par le manque de temps de certains, vous avez oublié que d’autres ne coopèrent pas pour d’autres raisons (ils n’osent pas, ils sont déçus par le groupe, etc.). Trouver une solution à une question nous masque parfois toutes les autres questions .

Rassurez- vous, nous sommes tous comme cela, Edgar Morin parle “d’aveuglement paradigmatique”. Heureusement des cartes nous permettent de rassembler toutes les questions que nous devons nous poser, sans en oublier au passage .

Que faut- il retenir ?

1. Tout le monde n’a pas tout son temps pour le groupe ni parfois l’intention de coopérer… même vous ! Il faut bien sûr faciliter l’implication, mais également organiser le groupe afin qu’il fonctionne même avec une implication réduite ;

2. Comprendre un aspect du groupe et trouver une solution pour l’améliorer ne suffit pas. Si vous réparez un pied cassé de votre tabouret en oubliant les deux autres, vous risquez de vous retrouver par terre ! Les cartes qui seront présentées par la suite vous permettent d’avoir une vue d’ensemble des questions à vous poser pour ne rien oublier ;

3. Au fait… n’oubliez pas de faire votre “rapport d’étonnement” (deux trois idées
suffisent). Vous pouvez le faire pour vous ou mieux le partager avec d’autres ;

Qu’allons nous voir dans ce livre ?

Dans un premier temps, nous allons voir comment organiser un groupe sachant que tout le monde ne coopère pas toujours et que la grande majorité des personnes (y compris vous) manquent de temps. Plutôt que de proposer une solution magique, nous allons rechercher l’ensemble des questions à prendre en compte pour comprendre comment fonctionne votre organisation .

Dans un second temps nous verrons comment organiser ou réorganiser votre groupe pas à pas en fonction de vos réponses à ces questions. Des checklists vous aideront à ne rien oublier dans chacune des quatre étapes qui vous mèneront vers une communauté active facile à animer.

Et pour terminer nous verrons comment faire vivre la communauté : semaines après semaines comment avec seulement une heure par semaine, vous pouvez permettre au groupe d’être actif et se développer naturellement. Nous verrons également les moments clés de la vie du groupe (y compris les conflits), et enfin comment sortir la “tête du guidon” en discutant tous ensemble du fonctionnement de la communauté.

.... Bonne lecture et surtout belles coopérations

Licence : CC by-sa

Portfolio

Notes

[2Voir en particulier : Raymond Eric S., Young Robert Maxwell, The cathedral and the bazaar : musings on linux and open source by an accidental revolutionary, 1 vol., Sebastopol, Calif., EtatsUnis, O’Reilly, 2001, disponible sur http://www.catb.org/~esr/writings/cathedralbazaar/
cathedralbazaar/. Traduction : « La cathédrale et le bazar », Linuxfrance, S., 1998, disponible sur http://www.linuxfrance.org/article/these/cathedralebazar/ cathedralebazar_ monoblock.html >

[3Voir en particulier :
 Karl Fogel, Producing Open Source Software. How to Run a Successful Free Software Project, O’Reilly Media, 2005 - traduction “produire du logiciel libre” Framasoft 2012.
 Collectif, “Open advice, Foss : What we wished we had knowed when we started”, Lydia Pintscher editor, Jan, 2012 - traduction “Libres conseils”, Framasoft, novembre 2013.
 Stéphane Ribas (dir.), Patrick Guillaud, Stéphane Ubeda, Logiciels et objets libres. Animer une communauté autour d’un projet libre, Framasoft, juin 2016.

A noter que ces trois livres, tout comme celui-ci, sont sous une licence libre Creative Commons

[4Jean-Michel Cornu, « La coopération, nouvelles approches » [en ligne], disponible sur
http://www.cornu.eu.org/texts/coope...

[5Historique de l’approche francophone de la coopération, in “Faire ensemble ! Manuel à l’usage des animateurs de réseaux collaboratifs”, projet européen CoopTIC, 2013

[6première partie, chapitre 1 “la carte d’orientation de la communauté”

[7Pour compléter ce petit jeu sur comment faire échouer votre groupe, je vous recommande “l’anti-manuel de coopération, l’art de faire planter vos projets”, réalisé par des stagiaires de la formation Animacoop PACA

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